Pour un filet d’eau pure et pour quelques racines !
A peine séparé du dieu qu’il a perdu,
L’homme au rang de la brute est déjà descendu.
Orgueil, ô triste orgueil, comme la faim te dompte !
A rabaisser l’esprit, ah ! que la chair est prompte !
Marcher dès le matin sous des cieux incléments ;
Tout le jour s’agiter pour de vils aliments ;
Disputer le breuvage et la pâture aux bêtes ;
N’avoir, pour s’abriter des nuits et des tempêtes,
Qu’une caverne humide où l’on entre en rampant,
Le tronc d’un arbre creux qu’habite le serpent ;
Se traîner à pas lourds dans la fange ou l’arène :
C’est maintenant le sort de celle qui fut reine,
Que les êtres vivants, à ses gestes soumis,
En esclaves servaient ou suivaient en amis !
A ses mille besoins la nature est hostile ;
Sa vie est avec tout une lutte inutile,
Et le jeune univers, contre elle révolté,
Fait sentir à son tour son âpre royauté.
Sous les arbres géants, que seul l’orage émonde,
Croupit la verte fange, et glisse l’hydre immonde ;
Toute sève y jaillit d’après ses seules lois.
Dans les nids monstrueux, fourmillant sous les bois
Aux rameaux bourgeonnants, que nul maître ne plie
La vie, à flots versée, abonde et multiplie.
Au fond d’un lit marqué nul flot n’est contenu,
Reste-t-il une place à l’homme faible et nu,
Pour qui le ciel encor n’a pas forgé des armes,
À l’amante exilée, et qui n’a que ses larmes ?
Oh ! l’hydre du désert est rude à terrasser !
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