Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/56

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Quels travaux douloureux tu devras entasser
Pour bâtir ta maison sur cette cendre amère !
Et ce n’est rien, hélas ! qu’une tente éphémère,
O Psyché ! noble reine, enfant de lieux meilleurs ;
Mais tu dois marcher là pour arriver ailleurs !

A travers les écueils où ta course commence,
Que peut ton faible corps sur le désert immense ?
Cette main faite au sceptre, aux étreintes d’amour,
Te sert moins aujourd’hui que les pieds du vautour.
Obéis au plus fort, désormais c’est ta règle ;
Tu n’es plus qu’un sujet du lion et de l’aigle ;
Eux seuls ils sont les rois de ce globe naissant.
Prince au manteau d’or fauve, hérissé, rugissant,
O lion, pour ravir sa part de ton domaine,
Que de jours avec toi lutta la race humaine !
De sang vif altéré, quand tu grondes le soir,
À l’heure où les troupeaux encombrent l’abreuvoir,
Tout fuit, tout a subi la crainte universelle,
Et la panthère tremble autant que la gazelle.

Qui sauvera Psyché ? Son corps n’obéit pas :
La fatigue et la peur ont enchaîné ses pas.
Sur ses genoux meurtris, plus faible à chaque haleine,
Vers un chêne au tronc creux, dans l’herbe elle se traîne.
Mais le roi du désert, à son large festin,
Destine une autre proie, et la cherche au lointain ;
Tu peux, en attendant une nouvelle épreuve,
T’asseoir et t’endormir une heure, ô triste veuve !

Mais que fais-tu là-haut, jeune époux qui l’aimas ?
Elle a porté ton deuil de climats en climats ;