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IV




Loin de Babel où règne un colosse d’airain,
Où je tournais la meule en un lieu souterrain,
Du. maître armé du fouet j’ai bravé la poursuite.
Les astres, les oiseaux guidèrent seuls ma fuite,
Enfin la caravane, aux cent groupes divers,
Qui de l’Euphrate au Nil va par les grands déserts,
Dans la foule étrangère en tumulte campée,
Me reçut une nuit, moi l’esclave échappée.
« Avant de parvenir au bord du fleuve-dieu,
Nous marchâmes deux mois sur des sables en feu.
Sur le Nil jaune et lent, parmi d’autres captives,
Un marchand m’entraîna. Vingt jours, le long des rives,
Aux efforts des rameurs rompant le cours de l’eau,
Du côté du soleil monta notre vaisseau,
Le soir nous entendions crier les crocodiles ;
Des temples, des palais s’élevaient dans les îles ;
L’obélisque montait sur une mer d’épis ;
Et les sphinx aux deux bords, près du fleuve accroupis,
Dressant contre nos yeux leur front impénétrable,
Semblaient venir à nous sur leur base immuable.