Éternellement droits contre les lourds piliers :
Ces têtes de serpents, de chiens et de béliers,
Et le glapissement des tristes crocodiles,
Surchargés par mes mains d’ornements inutiles.
L’aspect de ces dieux laids assombrit ma prison ;
Leurs prêtres à ces murs bornent mon horizon.
L’air manque à ma poitrine, en ce temple enfermée ;
Je veux revoir la vie et la terre animée !
« Ah ! qui m’apportera parmi des dieux plus beaux,
Des dieux dont les autels ne soient pas des tombeaux ;
Dont la libre lumière ait doré les fronts ternes,
Et qui ne dorment pas assis en des cavernes,
Les pieds enracinés et des chaînes aux mains,
Immobiles, réglant d’immobiles humains !
Quand reverrai-je un monde où l’on marche, où l’on vive,
Où la voix dans les cœurs ne reste pas captive,
Où l’homme enfin s’agite, où l’on puisse vouloir,
Où le fleuve ne soit pas seul à se mouvoir !
C’est le jeune univers que mon époux habite ;
C’est la terre où tout aime, où tout chante et palpite ;
Où l’éternel zéphyr balance les rameaux ;
Où ne se taisent point le flot et les oiseaux !
« Que ne puis-je, mêlée au souffle des tempêtes,
Avec le sable ardent qui passe sur nos têtes,
Comme un grain de palmier vers l’oasis volant,
Dans ce pays sacré m’enfuir avec le vent !
Quand du pied de ces murs, par notre ciel sans nues,
Dans l’azur, j’aperçois le triangle des grues,
Plus vite que le Nil, descendant vers la mer,
Je m’assieds pour pleurer mon esclavage amer.
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