Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/389

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Où la liberté sainte a fait tant de moissons ;
Tu croyais de mon sang la pierre encor trempée,
Et serrais dans ta main, comme on serre une épée,
Un livre où tu lisais nos sublimes leçons.

Tu voyais flamboyer l’épitaphe immortelle
Qui du fond de l’histoire à jamais étincelle,
Qui contient le secret, le prix de nos exploits ;
Tu l’écoutai s chanter dans la langue d’Homère ;
Et tu pleurais, tout haut, comme on pleure une mère,
Ceux qui sont morts pour Sparte et pour ses saintes lois.

Et tu voulais mourir, et, dans ton noble rêve,
Tu t’armais près de moi de la pique et du glaive ;
Tu me demandais place à mon dernier festin ;
Tu lançais avec nous le disque, au son des lyres,
Et, paré pour la mort de fleurs et de sourires,
Enfant, tu défiais l’Asie et le destin.

Lorsqu’à dix ans, baigné de ces pieuses larmes,
Tu brandissais ainsi de chimériques armes,
Ce jour-là, tu fus homme et tu prouvas ton cœur ;
Et ceux-là sont enfants, sous leurs infâmes rides,
Dont l’oblique regard et les lèvres arides
Te lancent aujourd’hui leur trait lâche et moqueur.

Puisqu’en son jeune essor, sans conseils et sans craintes,
Ton âme a pris sa place aux Thermopyles saintes ;
Puisque tu venais là mourir à mes côtés,
Reste à ce poste auguste aimé du petit nombre,