Aller au contenu

Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La verveine et le gui qui renaîtront demain,
Comme si, pour la greffe, il fendait ses arbustes,
Tourne sa lame autour de ces gorges robustes.
Un monde était fini ! lui, sans même un frisson,
Il reçut à plein bras son horrible moisson ;
Rangea sur le bûcher cette gerbe sanglante,
Fit flamber la résine à la torche brûlante,
Et penché sur ses fils, d’un coup et sans effort,
Plongea l’outil sacré dans son cœur déjà mort.

Il tombe ; un souffle aigu d’en haut vint à descendre,
Et bientôt, à mes pieds, je n’eus qu’un tas de cendre.
Des hêtres aux sapins, un long mugissement
Tournait, dans l’ombre, autour de ce tertre fumant.
Je demeurai, transi de vertige et de crainte,
Jusqu’à l’heure où je pus toucher la cendre éteinte.
J’ai caché de mes mains, sous un gazon pieux,
Ce qui restait des os de ces derniers aïeux.