Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/77

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Debout sur une roche étroite, et que du fleuve
La blanche écume atteint, si peu que l’eau s’émeuve,
Pieds nus, d’un long bâton armé comme un pasteur,
Il s’appuie, et, parlant de toute sa hauteur,
Châtie ainsi la foule incessamment accrue,
De loin, pour l’écouter, vers le fleuve accourue.
Foule étrange de gens incultes ou maudits,
Pâtres, bandits, soldats semblables aux bandits ;
Obscènes mendiants aux sourires farouches ;
Publicains aux doigts noirs, au front blême, aux yeux louches,
Sur de tels compagnons encor peu rassurés ;
Et, couvertes de fard, de voiles bigarrés,
Sanglotant et joignant leurs mains de pleurs mouillées,
Maintes filles de joie, en groupe agenouillées.
Tous attentifs : les uns sur le sable couchés ;
D’autres, assis plus loin dans les creux des rochers,
Sous les grands aloès et sous les palmiers rares,
Cherchant l’ombre et le frais dont ces lieux sont avares ;
D’autres, pour voir le maître et l’ouïr à leur gré,
Entrent jusqu’aux genoux dans le fleuve sacré.
Tout fait silence au loin, le vent, l’eau jaune et lente,
Et des plaines du Gad l’immensité brûlante.
Seul, l’homme du désert parle à ce peuple, et dit
Ce qu’il peut répéter de ce qu’il entendit :