Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/94

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Et Lazare en son sein, fera cette prière :
— Abraham, oh ! pitié ! laisse approcher un peu
Lazare, et se pencher sur ma couche de feu ;
Qu’il trempe au moins dans l’eau son doigt et qu’il en touche
Ma langue, ardent tison qui me brûle la bouche ;
Car d’un supplice affreux je souffre… — Mais la voix
D’Abraham : — Tu n’as eu dans tes jours d’autrefois
Que joie et que plaisirs, Lazare que misères ;
Paye aujourd’hui le prix de tes biens éphémères ;
Lazare va jouir de son bonheur au ciel :
On l’achète en souffrant, mais il est éternel. —
Voilà ce que dira la justice ; et toi-même,
O lépreux ! invoquant notre père suprême,
Tu voudras obtenir pour ce riche damné
Le don delà pitié qu’il ne t’a pas donné ;
La prière du pauvre elle-même, ô Lazare !
N’éteindra pas le feu qui doit ronger l’avare.
En vérité, celui qui met son cœur dans l’or
L’enfouit à jamais avec ce lourd trésor ;
Il ne peut plus monter vers les divines sphères.
Et je dis : L’or et Dieu sont deux maîtres contraires,
Et par un trou d’aiguille un câble entrerait mieux
Qu’un riche n’entrera par la porte des cieux. »