Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/93

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Le flanc qui le reçoit et l’œil qui l’a versé.
Que la paix entre vous habite donc sans cesse,
Mendiants dont le cœur est toute la richesse ;
Amassez sur la terre un tel trésor d’amour,
Que le méchant lui-même en ait sa part un jour.
Le lépreux délaissé qui sait souffrir sans haine,
Voilà l’homme en qui Dieu bénit la race humaine ;
C’est l’arche qu’il choisit pour s’asseoir parmi nous,
Le pur froment qu’en gerbe on lie à deux genoux,
Et que le maître enferme en ses célestes granges :
Le pauvre au cœur sans fiel est plus grand que les anges.
Toi, Lazare, affamé, nu, maudit par les tiens,
Toi qui n’as jamais eu que la pitié des chiens,
Dont le corps et le cœur ne sont plus qu’une plaie,
Cesse un jour de haïr ; sois patient ; essaie
De pardonner, d’aimer ; apprends-nous ce devoir ;
Dieu compta tes douleurs, et peut-être, ce soir,
Des anges imprévus, te prenant sur leurs ailes,
Dans le sein d’Abraham, où dorment les fidèles,
Blanc, vêtu de fin lin, un bandeau d’or au front,
Au festin nuptial, ami, t’emporteront.
Mais l’homme de céans qui se fait rendre un culte,
Et de ses longs banquets jette à ta faim l’insulte,
Alors, étant scellé dans sa tombe de fer,
Lèvera ses yeux lourds des ombres de l’enfer,
Et d’Ahraham, au loin, découvrant la lumière,