Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/199

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Quand le cœur aux désirs éternels est en proie,
L’amour est sans douceur, et l’exil a sa joie.
Nous cherchons ! les glaciers, les sables et les mers
Sont pour nous sans terreurs : tous les pains sont amers ;
Nul hôte n’est béni s’il n’est sage et prophète !
Ce bien rude à trouver dont nous sommes en quête,
Ce n’est l’or, ni l’amour, ni le sceptre : à Jason
Nous n’eussions de Colchos disputé la toison ;
Pour suivre jusqu’au bout la voix qui nous entraîne,
Nous aurions laissé fuir le navire d’Hélène ;
Et, les bras étendus vers un plus saint trésor,
Passé sans les cueillir devant les pommes d’or.
Le fruit mystérieux dont l’espoir nous altère
Ne mûrit pas peut-être au soleil de la terre ;
S’il naissait sous un flot, sur un roc élevé,
Partout où l’homme atteint, oh ! nous l’aurions trouvé !
Nous avons fouillé tout, laissant partout nos traces,
Aux sables d’Idumée, aux bois sombres des Thraces ;
Notre bouche a pressé les fruits mûrs du lotos,
Et bu la neige vierge au sommet de l’Athos.
Les peuples nous ont dit : Frappez aux sanctuaires !
Nous avons de cent dieux levé les vieux suaires,
Interrogé les voix de cent autels divers ;
Les caveaux de Memphis pour nous se sont ouverts ;
De Delphe et d’Erythrée, au fond des noirs asiles,
Nous avons sans effroi vu chanter les sibylles ;
Notre oreille attentive a pu saisir le nom
Que Phébùs fait redire au magique Memnon ;
A Thèbes, des vieux sphinx interrogeant la face,
Nous y lûmes des mots que le simoun efface ;
Les chênes de Dodone ont parlé devant nous,
Et dans Persépolis, humblement à genoux,
Nous avons vu briller, sans percer nos nuages,
Le foyer éternel qu’alimentent les Mages !