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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/247

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Oh ! je n’ai pas besoin d’un oracle sublime
Pour me trouver débile et pour savoir pleurer !

Pourquoi de tes enfants tromper la soif, ô mère ?
Il faut à leur poitrine un lait puissant et pur ;
Si tu ne fais jaillir qu’une boisson amère,
Pourquoi leur tendre encor tes mamelles d’azur ?

Pourquoi devant mes yeux ta paupière abaissée ?
Tout langage entre nous s’est-il déjà perdu ?
Je viens chercher en toi quelque sainte pensée ;
Pourquoi, d’un signe au moins, n’as-tu pas répondu ?

Mais, sans doute, mon âme était mal préparée ;
Les souvenirs d’en bas voilaient mon œil obscur ;
Pour l’huile de lumière et la manne sacrée
Le vase n’était pas d’un métal assez pur.

Peut-être l’eau terrestre a flétri ma poitrine ;
J’ai bu ces vins trompeurs dont tant d’hommes sont morts ;
Je frapperais en vain à la roche divine,
Je ne puis plus porter le breuvage des forts.

Serait-ce qu’une main invisible et jalouse
Entre nos saints baisers élève un mur d’effroi ?
Comme sur les beautés secrètes d’une épouse,
Dieu veut jeter peut-être un voile épais sur toi.

Il veut choisir lui-même et compter ses prophètes ;
Tout homme n’a pas droit au sacré rameau d’or ;
Dieu place à tes côtés d’austères interprètes,
L’anathème sur toi plane et menace encor.

Le colloque de l’homme et de la solitude
Te fait-il craindre, ô Dieu, ton nom mis en oubli ?