Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/248

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Tu veux le surveiller avec inquiétude,
Et tes prêtres ont dit quelque part : Væ soli !

Si, comme l’univers, l’âme est ta créature,
Pourquoi jeter entre eux cet abîme profond ?
Laisse s’entrelacer mon cœur et la nature.
Pourquoi tant de secret, si le bien est au fond ?

Un esprit de terreur habite dans l’espace,
Vole à travers les bois sur les eaux et dans l’air ;
Quand l’âme et le désert se trouvent face à face,
L’homme sent le frisson roidir toute sa chair.

La nature sourit comme une amante reine ;
Elle ouvre un sein vermeil, l’homme va s’y jeter ;
Et, quand son bras s’enlace au cou de la sirène,
Un bras plus fort se dresse entre eux pour l’arrêter.

Dans la source d’eau bleue où pour boire on se penche
Il met la salamandre, il cache un sel amer ;
Sur l’ombre où l’on s’endort il suspend l’avalanche,
Sous la barque où l’on chante il fait gronder la mer.

Une secrète horreur qui trouble les plus braves
Entre le monde et nous s’étend pour le voiler ;
Notre âme et l’univers sont-ils donc des esclaves
À qui leur Dieu tremblant défend de se parler ?

Je voulais, ô nature, avoir un lit de mousse,
Y dormir avec toi couvert par la forêt ;
Mais ton œil tour à tour m’attire et me repousse :
De ma tristesse immense est-ce là le secret ?

Un air qui me supporte, où donc le trouverai-je ?
Je n’ai pu m’enlever sur l’aile d’aucun vent ;