Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/266

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Et les blanches brebis s’offraient pour ses nourrices ;
Les chiens fauves léchaient ses mains, et les taureaux
Flairaient ses cheveux blonds de leurs sombres naseaux.
Les libres habitants des nids et des tanières
Autour d’elle marchaient en troupes familières ;
Son seul regard calmait les faibles effrayés,
Et les instincts cruels s’endormaient à ses pieds.
Elle semblait ainsi, mêlée à la nature,
Commander par l’amour à toute créature.
Tels, unis à Dieu même et du mal ignorants,
La terre aux anciens jours vit nos premiers parents.

Caché dans le feuillage et muet de surprise,
Plus d’un pâtre aperçut la jeune fille, assise
Au milieu de sa cour étrange et du concert
Que forme à ses genoux le peuple du désert.
Sur la pente où des bois un pré suit les lisières
Les arbres sont épars dans les grandes fougères ;
Un chêne aux pieds noueux de mousse tapissés
Offre à l’enfant son dais et son trône dressés
Sur les rebords touffus d’une nappe d’eau sombre
Que la forêt protège et nourrit de son ombre.
Là, dans les hauts gazons fleuris et fourmillants,
Se croisent par milliers les insectes brillants.
Près des lits argentés rougit la digitale ;
Le large nénuphar sur les cressons s’étale.
Pendus en noire grappe aux bras d’un frêne clair,
Des essaims bourdonnants s’éparpillent dans l’air ;
Sur chaque arbre, pinsons, mésanges et linottes,
Bouvreuils à plein gosier font gazouiller leurs notes.
Les chamois défiants, hôtes des grands rochers,
Pour Hermia venus à ses pieds sont couchés ;
L’aigle, planant là-haut, a jeté sur sa robe
Une fleur des sommets que lui seul y dérobe ;