Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/31

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ont paru suspects. A ce compte, c’est la poésie tout entière qu’il faut accuser de panthéisme ; car dans la poésie tout s’accomplit comme dans la nature elle-même. La poésie est une autre nature, œuvre de l’homme, et dans laquelle, comme dans la nature, poésie de Dieu, la pensée se produit nécessairement incarnée dans la forme et dans la couleur. Nos grands écrivains modernes, à partir de Chateaubriand, ont donné à la littérature française cette richesse toute nouvelle, le sentiment de la nature. Cette poésie d’un ordre encore inconnu devait soulever d’innombrables objections en face d’une tradition littéraire où la prose avait jusqu’alors régné souverainement, et dans une race tout oratoire qui, par ses qualités mêmes, se trouve particulièrement privée de ce don d’intime pénétration avec la nature, si commun dans d’autres contrées. A la suite des maîtres qui ont ouvert à l’imagination française ce monde entièrement neuf, l’auteur de ces poëmes croit avoir découvert au sentiment de la nature quelques horizons nouveaux, l’avoir ressenti d’une façon toute personnelle et qui n’a pas de précédents littéraires. C’est là surtout qu’il a marqué son caractère individuel ; c’est l’apport, modeste sans doute, mais du moins original, qu’il aura fait au contingent poétique de notre temps. Quand parurent dans la Revue indépendante, en 1842, Un grand arbre, Hermia, la Mort d ’un chêne, ces poëmes semblèrent, aux esprits les plus exercés, dériver d’un mode nouveau de la sensibilité et de l’imagination.