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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



la vérité sur les faits historiques des colonies. De plus, ils sont d’un bon écrivain, qu’on lit avec plaisir.

En 1904, à l’occasion du centenaire de la République d’Haïti, un Comité d’hommes de lettres a publié, à Port-au-Prince, une anthologie d’auteurs haïtiens, l’Œuvre des Ecrivains Haïtiens, dans laquelle figure en bonne place le Guadeloupéen qui fut l’historien national de la République noire.

Dans l’Anthologie d’un Siècle de Poésie Haïtienne (1817-1925) de M. Louis Morpeau (Editions Bossard, Paris, 1925), il est fait état des études historiques de Joseph Saint-Rémy.









DES MULATRES




On le sait, l’Europe colonisa l’Amérique avec le concours de l’Africain transporté par la traite et asservi brutalement à la culture du sol. Bientôt, de la cohabitation des blancs et des noires, quelquefois des noirs et des blanches, sortit une race mixte dont la couleur de la peau est basanée, comme si la nature avait voulu combler le vide que la destruction des aborigènes de l’archipel américain avait opéré dans l’ensemble de ses œuvres. Race intéressante, participant de la race caucasienne et de la race éthiopienne, dont elle sort, le mulâtre semble être venu au monde comme pour rattacher l’Afrique à l’Europe, l’homme noir à l’homme blanc. Cependant son avènement dans la famille humaine ne fit pas tomber des mains irritées du blanc le fouet dont il lacérait le corps du noir ; on pourrait même dire que le blanc fut insensible à la vue de son fils ; il l’appela mulet (mulato) d’où mulâtre, parce que ce fils sortait d’un croisement de race, comme l’animal du même nom. Ainsi ni cet enfant mulâtre si enjoué, si intelligent, ni cet enfant mulâtresse aux formes si artistiques, ne portèrent de joie aux entrailles paternelles ; condamnés à suivre la condition de leur mère, ils furent esclaves comme elle. Que, d’aventure, quelques nègres ou quelques mulâtres parvinssent,