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Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/111

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A LA PENSÉE FRANÇAISE



tant de nobles cœurs ! Aussi la Convention Nationale, dont les salutaires principes firent faire un si grand et si rapide progrès aux idées humaines, s’empressa-t-elle de consacrer solennellement cette chère et pré- cieuse liberté générale, après laquelle nos pères aspiraient tant, et qui nous rendit la vie morale !

Saint Domingue avait député à la Convention un noir, un mulâtre et un blanc; c’étaient Belley, Mils et Dufay. Ces députés y furent admis le 16 pluviôse an III (4 février 1794). Dufay prononça un long discours sur les troubles qui avaient agité les possessions françaises. Il exposa les affaires de saint Domingue, les négociations des colons avec les Anglais pour leur livrer l’île. Il dépeint la position critique où se trouvaient les commissaires ; ainsi il n’y avait plus moyen de reculer devant la proclamation de la liberté générale. Cette liberté fut proclamée et la colonie sauvée. Il propose à la Convention de confirmer cette grande mesure, en faisant jouir pleinement les noirs des droits que tous les hommes tiennent de la nature. La voix de Dufay fut souvent couverte d’applaudissements : "Créez, termine-t -il, créez une seconde fois un nouveau monde, ou du moins, qu’il soit renouvelé par vous ! Soyez-en les bienfaiteurs ! vos noms y seront bénis comme des divinités tutélaires ; vous serez pour ce pays une autre providence." Les applaudissements redoublent. Gamboulas s’élance à la tribune : « Depuis 1789, dit-il, un grand procès restait en suspens. L’aristocratie nobilière et l’aristocratie sacerdotale étaient anéanties ; mais l’aristocratie cutanée, dominait encore ; elle vient de pousser le dernier soupir ; l’égalité est consacrée ; un noir, un jaune, un blanc, vont siéger parmi nous, au nom des citoyens libres de Saint-Domingue."

Levasseur de la Sarthe succède à Gamboulas : "Je demande, dit-il, que la Convention Nationale, ne cédant pas à un mouvement d’enthousiasme, mais aux principes de la justice, fidèle à la Déclaration des