Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire dans La salle de l’Ambigu, y songes-tu ? m’écriai-je avec une sorte d’humeur.

— J’y songe beaucoup, puisque me voilà.

— Je ne bouge pas d’ici. La Closerie des Genêts marchera bien sans moi. Bonsoir !

L’ami insista tant et tant, que je me décidai — à lui refuser avec plus d’acharnement encore, — et que, de guerre lasse, il se décida, lui, à se retirer, un peu étonné.

Quand il fut parti, j’essayai de reprendre mon rêve amoureux à l’endroit où il avait été interrompu, mais sans pouvoir y réussir : le charme avait été rompu, ma vision du passé s’était envolée !

Je me levai alors, j’allai à l’une de ces grandes fenêtres du temps jadis qui prenaient tant de place et ou huit ou dix personnes tenaient si fort à l’aise, et je regardai dans la rue, en ce moment déserte.

Bientôt, deux ouvriers passèrent. Leurs pas et leurs voix résonnaient bruyamment dans le silence et dans la nuit. — Dépêchons-nous ! dépêchons-nous ! disait l’un d’eux. Nous n’arriverons jamais à temps : il y aura au moins un acte de la Closerie de joué !...

Et ils disparurent en courant.

Ceux-là aussi allaient à l’Ambigu ! Ceux-là aussi allaient assister à la première de la Closerie des Genêts ! Il y a des gens bien courageux, à Paris !



II



Vous avez éprouvé cela comme moi, et je n’ai pas besoin de vous souligner mes impressions ; mais vous avez beau vous roidir, votre volonté a beau faire feu des quatre pieds, vous subissez à votre insu la volonté des autres, et il vous arrive d’avoir envie d’aller où ils vont et où vous aviez bien juré de ne pas aller.

Ainsi, maintenant qu’il ne me restait plus les moyens d’assister à la première représentation de la Closerie