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À LA PENSÉE FRANÇAISE



ment pourvues d’excellents ports aux deux mers Océan et Méditerranée".

Quand Richelieu traçait ce programme de grande et prévoyante politique, il savait que dans le passé, l’Anglais avait envahi et occupé la France, que les souverains d’Albion avaient pu se dire rois d’Angleterre et de France et qu’au moment même où il écrivait les conseils qu’on vient de lire, les Anglais possédaient Dunkerque, qui ne fut racheté que par Louis XIV. Lors, donc, que dans nos polémiques on entend proclamer qu’il faut renoncer à toute politique coloniale et rester les yeux fixés sur la frontière du Rhin, on est en droit de répondre qu’il y a aussi une frontière de mer ; que Rouen, Orléans, Roulogne, Calais et Dunkerque ont été aux mains des Anglais et même des Espagnols, et rappeler qu’il n’y a pas très longtemps, à la fin du dix-huitième siècle, cette frontière de mer a été violée, que les Anglais ont occupé Toulon et qu’ils ont débarqué à Flessingue et à Walcheren.

Richelieu a prédit l’accroissement de la puissance anglaise et il en a décrit le mécanisme appliqué à l’univers entier ; il semble qu’il ait prévu cette ceinture de stations britanniques qui la relie à l’Extrême-Orient : Gibraltar, Malte, Chypre, l’Égypte, Aden et Périm, Maurice et l’Inde. "La séparation des États qui forment les possessions anglaises, dit Richelieu, en rend la conservation si malaisée que, pour leur donner liaison, l’unique moyen qu’ait l’Angleterre est l’entretènement d’un grand nombre de vaisseaux, qui par leur trajet continuel, réunissent, en quelque sorte, les membres à la tête, portent et rapportent des choses nécessaires à leur subsistance, les ordres de la métropole, les chefs pour les commander, les soldats pour exécuter, l’argent qui est le nerf de la guerre, etc." Il constate que nos marins vont chercher emploi chez nos voisins, n’en trouvant pas en leur pays. Le grand homme d’État cite, ensuite, l’exemple de la Hollande, qui n’est qu’une poignée de gens, dit-il, disputant à l’Océan leur