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A LA PENSÉE FRANÇAISE



les mêmes idées avec plus de sang-froid encore : "Ne troublons pas le monde par des théories", dit-il.

Dans la discussion, Bruix dit : "La liberté, dans Rome, s’entourait d’esclaves : plus douce parmi nous, elle les relègue au loin."

211 voix contre 63 adoptent, là aussi, le décret.

Ces nouvelles, arrivées aux Antillles, y produisent une explosion formidable... Adieu le travail qui cherchait à renaître ! Tout est à la guerre et au massacre... Saint-Domingue est perdue pour la France, qui croyait la sauver ainsi.

Le général Richepance se présente devant la Guadeloupe avec une armée et l’esclavage. Hélas ! qui ne connaît dans mon pays l’histoire de ces jours terribles : Delgrès se faisant sauter au Matouba, Ignace promenant l’incendie dans les campagnes, toutes ces scènes sinistres au milieu desquelles devait expirer par les armes la liberté proclamée par les armes !

Toutes les mesures militaires conseillées, quelques années auparavant, par Villaret-Joyeuse, sont exécutées et dépassées.

Les affranchies sont ramenées de toutes parts sur les habitations, les mulâtres sont désarmés et exclus de la profession militaire, comme l’ayant, dit le général dans sa proclamation, déshonorée par des actes de barbarie sans exemple. Un arrêté du 13 Messidor An X défend aux étrangers d’amener sur le territoire continental de la République aucun noir ou mulâtre des deux sexes. Défense à tout noir ou mulâtre de venir en France sans une autorisation spéciale des magistrats de la colonie d’où l’on voudra sortir. Les contrevenants sont arrêtés et détenus jusqu’à leur déportation.

En l’An II, c’étaient les colons blancs qu’on arrêtait en France et qu’on jetait dans les prisons, pour qu’ils n’allassent pas dans les colonies. En l’an X, ce sont les noirs et les mulâtres à qui l’on interdit la France.

Représailles exécrables ! Hontes éternelles de toutes les époques de violences et d’aveuglement ! Flétrissons de la même haine ces attentats qui se copient !