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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

fille, Zoé Lacassade entre eux ; et tandis que Guérin mangeait de grand appétit, Jeanne disait :

— Eh bien ! papa, ce fameux secret que tu devais me révéler au dîner ?

— Au dessert, au dessert, répondait le vieux capitaine la bouche pleine.

— Mais nous y sommes déjà au dessert, reprenait Jeanne ; nous avons même commencé par là. Puis, regardant son père, elle ajouta :

— Qu’as-tu donc dans la poche de ta redingote, là, sur la poitrine ? Est-ce que c’est une surprise ?

— Une toute petite surprise, fit le capitaine. Alors, il porta la main à la poche que sa fille désignait et en tira posément, gravement, avec respect, un objet qu’il posa devant lui, sur la table.

— Tiens ! le portefeuille de ce matin, s’écria Jeanne. Tu l’avais emporté ?… Mais il n’a pas la même forme… On dirait qu’il a engraissé… Il contient quelque chose, montre, montre vite.

— Montrez, montrez, capitaine, ne nous faites pas languir, dit à son tour Mlle Lacassade, avec un accent créole des plus réussis. Sans se presser, mais la figure tout épanouie, les yeux brillants, il fit glisser la petite languette de cuir qui fermait le portefeuille, l’ouvrit, l’étala dans toute sa longueur, et alors apparut une grosse liasse de billets de banque.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? fit Jeanne, le corps penché sur la table.

— Des billets de mille francs, répondit avec calme le capitaine.

— D’où viennent-ils ? A qui appartiennent-ils ?… Aurais-tu dévalisé une malle-poste, papa ?

— Non, Mademoiselle… j’ai tout simplement hérité de mon frère.

— Toi !… que dis-tu là ?… C’est une dame qui a hérité et tu as perdu définitivement ton procès.