Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/236

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leur famille ou s’offrir des distractions coûteuses; mais les autres — la masse — tout récemment arrivés de province, n’ayant pas cette ressource, comment utiliseront-ils leurs loisirs pendant leur sortie en ville, lorsque le mauvais temps, la pluie ou le froid ne leur permettront pas de se promener ? Les régiments de la garnison de Paris sont recrutés en général dans nos départements éloignés. Les soldats n’ont donc ici, pour la plupart, aucun parent, et à cette époque des congés de Noël et du jour de l’an, il faut le dire, beaucoup d’entre eux ne peuvent même pas, faute d’argent, aller en permission.

On conçoit alors leur isolement, cet isolement tant redouté par leurs père et mère restés au village, qui savent aussi qu’à Paris la vie est chère et que leur enfant ne peut dépenser quelquefois que son maigre prêt !

Si au moins il avait un "chezlui" en dehors de la caserne où il pût se rendre, quand il sort du quartier, pour écrire au pays, se distraire sainement, les journées seraient plus agréables ; sa santé physique et morale n’aurait qu’à y gagner, et le désœuvrement, si dangereux pour ces jeunes gens ainsi abandonnés à eux-mêmes, ne serait plus à craindre !

Or il existe autour des casernes de véritables bouges C’est là que se réunissent un trop grand nombre de nos soldats, car c’est là qu’ils ont déposé leur valise à leur arrivée au régiment, et ils se croient obligés d’y retourner à chaque sortie, afin de reconnaître la complaisance du tenancier.

Il est aisé de deviner le danger de cet exode vers de pareils milieux, sources bien souvent de l’alcoolisme et de la débauche, qui entraînent à leur suite la dépopulation et la crise des effectifs dont souffre le recrutement de l’armée.