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A LA PENSÉE FRANÇAISE

merce, enfermés dans les limites étroites d’îles moins étendues qu’un département moyen, n’a pas su prendre aussi vite qu’il l’aurait fallu, son parti des inévitables changements que la Révolution devait apporter et apporta dans la vie des colonies.

Propriétaires d’esclaves, après l’émancipation ils boudèrent le nouvel état de choses pourtant si conforme à la justice.

Longtemps, ils considérèrent avec un dédain aristocratique les nouveaux concitoyens de peau noire que le progrès des idées de morale leur avait définitivement donnés. En s’enfermant dans cette maussaderie, ils laissaient le champ de l’influence libre à leurs rivaux, les hommes de sang mêlé.

La Guadeloupe et la Martinique virent donc les premières le divorce entre les autorités sociales fondées sur la propriété, la culture de l’esprit, l’habitude de la responsabilité et la puissance politique. Les chefs économiques de l’île furent évincés du pouvoir politique. Ils s’en bannirent eux-mêmes par leur fidélité à des sentiments en désaccord flagrant avec la raison. S’ils avaient évolué avec les idées du temps, si, au lieu de paraître se résigner seulement aux nouvelles conditions sociales créées par l’émancipation, ils y avaient adhéré avec bonne humeur et avec une insoupçonnable sérénité, l’accord eût pu se faire promptement entre eux et la masse de la population noire qui n’avait pas contre ses anciens maîtres d’indestructibles ressentiments.

En s’isolant, en faisant à l’intérieur une sorte d’émigration, les Blancs des colonies ont favorisé la « politique de couleur », dont ils devaient être les premières victimes. Ils eurent tort de regretter trop l’ancien temps et de ne pas s’adapter assez vite au présent.

Cette obstination à regretter le passé mort dont tant de Français dans la mère-patrie leur ont donné le mauvais exemple, ne doit pourtant pas faire considérer les créoles comme un élément négligeable dans la variété