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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



la nature, je ne brave pas le dégoût public, ne croyez-vous pas, qu’il faille l’attribuer à une cause déplorable, ma laideur, encore plus grande que la leur.
— Serait-il possible, dit le jeune homme ! Cette fois Séraphina porta la main à son masque comme pour s’assurer qu’il était bien attaché, mais elle ne répondit pas.
— Quel que soit votre visage. Madame, ajouta le jeune homme, jamais femme n’eut plus d’attraits. Qui pourrait rester insensible à votre conversation si pleine de charmes, à votre jugement si droit, à votre angélique douceur ?
— Vous êtes un flatteur, Monsieur, lui dit-elle, mais vous savez mieux que moi que l’esprit seul ne fait pas naître l’amour.
— Peut-être.
— En vérité, seriez-vous spiritualiste à ce point ?
— Je suis Français, Madame, par contre un peu poète. Aussi je crois à la possibilité d’un amour né des trésors de la pensée, des magnificences du beau idéal. Les corps sont sujets à des déviations de formes, à des vices d’organisations, à des imperfections matérielles, mais les âmes restent inaltérées et s’animent dans des pensées d’élévation et de grandeur.

Pendant que le jeune homme parlait, Séraphina était vivement émue ; cette chaleur généreuse, cette éloquente défense des natures imparfaites, cette apologie du spiritualisme, firent battre son cœur d’un doux émoi ; elle sentit qu’il fallait fuir cet ennemi de son repos, dont le grand caractère formait le plus imposant prestige.
Elle se leva subitement :
— Vous partez, Madame, lui dit Hector avec un affectueux regret.
— Oui. la musique est un signal qui m’appelle, j’ai promis, au quadrille, une parole est un contrat.
— Quand vous reverrai-je ?
— Mais… dans le monde sans doute, si vous y allez.