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Page:Lara - Contribution de la Guadeloupe à la pensée française, 1936.djvu/87

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A LA PENSÉE FRANÇAISE



— Ne pourrai-je avoir l’honneur de vous présenter mes hommages chez vous ?
— A quoi bon, des hommages à une femme voilée ; ce sont des prières à un autel sans madone.
— Les madones voilées sont les plus touchantes parfois; le voile est le symbole de la modestie.
— Oui, pour les femmes belles : mais pour les laides, c’est un manque d’humilité ; quoiqu’il en soit, si vous avez le courage de braver l’ennui de mon salon, je serai honorée, Monsieur, de vous y accueillir.

Et Séraphina disparut au milieu du flot des danseuses couronnées de fleurs.

Après le bal, le comte Hector ne put se défendre d’une douce et tendre préoccupation, il songeait à elle ; sa voix était si douce, si distinguée et d’un timbre si pur ; son cou, blanc comme le plumage du cygne, soutenait avec tant de grâce cette tête mystérieuse, qu’il lui était impossible de croire à une horrible figure, avec une tournure si adorable, et malgré toutes les préventions répandues dans le public, son cœur couvait un secret qu’il n’osait s’avouer à lui-même, il était amou- reux.

Le lendemain, le bouillant jeune homme confiait son tendre martyr à un élégant de Madrid, son meilleur ami.
— Y penses-tu, mon cher, Dona Séraphina ?
— Pourquoi pas ?
— Elle est laide à faire frissonner.
— Qui le sait ?
— Mais c’est sûr, d’ailleurs elle à des habitudes qui sentent le soufre à une lieue.
-— En vérité ! jette-t-elle des sorts aux voyageurs égarés, à minuit, sur la route ?
— Non pas encore, mais le 13 janvier elle renvoie son monde pour se livrer à de mystérieuses cérémonies.
— En effet, on m’a raconté quelques détails semblables sur cet anniversaire.