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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



— Et tu braverais encore ce mystère après avoir bravé l’autre !
— Oh ! mon cher, l’amour a beau être aveugle, il n’en est pas moins curieux, et il ferait quelques concessions pour soulever un coin de son bandeau.
— A ton aise, Paladin, mais s’il t’arrive malheur, tu ne t’en prendras qu’à ton entêtement.

Or, le 13 janvier étant près d’arriver, Hector résolut de s’assurer par lui-même de ce qui se passait ce jour-là dans l’hôtel solitaire.

Muni d’un poignard, il se glissa par le toit de la maison voisine chez Séraphina. Un silence profond régnait dans ces chambres désertes ; on n’entendait que les pas de la jeune femme et les doux sons de sa voix.

Séraphina, après s’être pieusement mise à genoux, fit le signe de la croix et murmura une prière; puis se relevant, elle ouvrit une armoire qui se trouvait devant elle. Hector y vit des habits d’homme tâchés de sang.

Séraphina avait, comme toujours, conservé son masque.

Elle reprit sa dévote posture et dit tout haut : « Vous qui êtes tombés victimes de la jalousie, qui vous êtes laissés éprendre pour la même beauté, vous que ma mère n’a point encouragés dans vos sanglantes querelles, est-ce assez de la fille laide pour faire oublier les grâces de celle qui lui donna le jour ? Beauté funeste de ma mère ! Beauté qui coûta la vie à un amant ridicule, à un mari jaloux, tu es expiée par un visage privé des grâces de la femme. J’accomplis les vœux de la mourante. » A peine avait-elle achevé ces mots, elle poussa un cri. Elle venait de découvrir le jeune officier.
— Pardon, Madame, lui dit-il, je vous aime et je vous demande votre main.
— Ma main, dit-elle, je serais votre femme ?
— Sans doute.
— Et ma laideur ?
— Que m’importe, ce n’est pas votre beauté que