Page:Larchey - Les Excentricités du langage, 1865.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

xiv
LES EXCENTRICITÉS


brillante, qui encore a pu nommer coulant ou collier la cravate avec laquelle il vous étranglera au besoin. Il a besoin de ses yeux. On le devine en voyant qu’il les appelle ardents, reluits, clairs, quinquets et mirettes.

Que d’équivalents il a trouvé pour assassiner : faire suer, refroidir, démolir, rebâtir, connir, terrer, chouriner, expédier, donner son compte, faire l’affaire, capahuter, escarper.

Il semble n’avoir pas trop de verbes quand il s’agit d’exprimer une fuite : se la briser, se la casser, se pousser de l’air, s’esbigner, se cavaler, se la couler, se cramper, lâcher, décarer, décaniller.

Et quels noms significatifs décernés aux agents chargés de réprimer ses méfaits ! Par balai, cogne, raclette, raille, pousse et grive, il paraît dire : Le gendarme me balaie ou me cogne, la patrouille me racle, l’agent m’éraille ou me pousse, le soldat me grève.

Par une exception bizarre, il a mêlé les idées de cuisine et de dénonciation. L’homme qui le dénonce à la police est un cuisinier, un coqueur (coquus), une casserole. S’il est arrêté, il dit qu’il est servi. Serait-ce que parce qu’il se voit déjà flambé, fumé, frit, fricassé, rôti et brûlé par dame Justice, cette terrible cuisinière ?

On a dû le voir avec nous, la fréquence des mots indique mieux que toutes les statistiques morales la place tenue par certaines passions.

Niera-t-on que le peuple français soit suscepti-