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LES EXCENTRICITÉS

Vous pouvez d’ailleurs leur prêcher la philosophie, à tous ces pauvres diables ; ils connaissent le mot, ils l’ont pris pour synonyme de Misère ; ils ont même décoré leurs savates du titre de philosophes. Peut-on mieux montrer, — je vous le demande, — la théorie foulée aux pieds par la réalité ?

Les synonymes significatifs de dur, raide, tord-boyaux, casse-poitrine disent assez comment les malheureux en sont venus à nommer consolation un verre d’eau-de-vie. Ce n’est pas toujours la boisson en elle-même qu’ils recherchent, car ils en connaissent les tristes effets, c’est un étourdissement momentané, c’est une consolation fictive.

Et la pipe, cet autre palliatif non moins populaire, y a-t-il une seule des cent satires rimées ou non rimées faites depuis cinquante ans contre cet usage, qui vaille tout le sens critique de ce seul mot : brûle-gueule ?

N’être pas méchant et avoir du vice sont également deux expressions cousines qui valent un livre sur le moyen de parvenir. — Vous voulez arriver, faites-vous craindre. Le naïf qui ne mord pas, qui n’est pas méchant, reste sans valeur aux yeux du prochain. — Avoir du vice, c’est être ingénieux. Si vous avez du vice, vous saurez exploiter ceux des autres. C’est une garantie d’avenir.

Heureusement, l’usage de dire ça n’est pas drôle, en présence d’un grand malheur, est là pour neutraliser le côté attristant du tableau que nous venons d’offrir. Ça n’est pas drôle prouve que la