lation du mercure. Rien que cette considération nous induit à penser que s’il existe dans la Lune des êtres vivants plus ou moins analogues aux animaux et aux végétaux terrestres, l’organisation de ces êtres doit être fort différente de celle que nous voyons sur la Terre.
Quoique nous venions de constater que la Lune présente toujours à la Terre le même hémisphère, néanmoins, par suite des apparences optiques auxquelles on a donne le nom de librations, cet hémisphère n’est point rigoureusement constant. Ainsi, par l’effet de la libration en longitude, on aperçoit tantôt vers le bord oriental de la Lune et tantôt vers son bord occidental un fuseau d’environ 8° qui appartient à l’hémisphère opposé. De même, la libration en latitude rend certains points situés dans le voisinage des pôles de la Lune alternativement visibles et invisibles.
Avant que Galilée eût construit en 1609 la première lunette astronomique, les hommes n’avaient que des notions purement intuitives sur la nature de la Lune ; le contraste qui résulte de l’opposition entre ses parties les plus brillantes et ses parties les plus sombres portait le vulgaire s’imaginer que l’on découvrait dans la Lune soit une représentation grossière de la figure humaine avec des yeux, un nez et une bouche, soit un corps humain tout entier. Mais les philosophes grecs Thalès, Anaximandre, Anaxagore, Empédocle, et surtout Pythagore, avaient déjà deviné que la Lune est un globe céleste opaque plus ou moins analogue à notre Terre. L’invention des lunettes et des télescopes est venue mettre cette vérité hors de doute, et dès la première fois que Galilée dirigea vers l’astre des nuits le merveilleux instrument qu’il venait de découvrir, il aperçut les montagnes et les creux de la Lune. Aujourd’hui, avec les télescopes que nous possédons, ces hauteurs et ces dépressions nous apparaissent tout aussi nettes que celles que nous montre la Terre lorsque la nacelle de l’aéronaute nous enlève dans les airs. Aussi, les accidents topographiques de la Lune nous sont-ils maintenant bien connus dans leur ensemble, et il existe une géographie lunaire que l’on désigne sous le nom de sélénographie. Maintes fois on a dressé la carte de la Lune, et dans ces trente dernières années on a souvent photographié la face visible de notre satellite. Le premier essai d’une carte de la Lune date de 1647 et fut l’œuvre d’Hévélius. En 1659 le jésuite Riccioli en publia une autre plus détaillée, et, depuis, ces cartes se sont beaucoup multipliées, surtout dans ces dernières années où l’on en a dessiné de fort belles. Comme pour les construire on se sert de la lunette astronomique ou du télescope qui renversent l’image des objets, ces cartes lunaires ne sont point orientées comme nos cartes géographiques terrestres. Lorsqu’à l’époque de la pleine Lune nous nous tournons en face de cet astre, vers minuit, instant où il passe au méridien, nous apercevons son pôle N. à l’extrémité supérieure de son diamètre vertical, son pôle S. à l’extrémité inférieure de ce même diamètre, son bord oriental à notre gauche, et son bord occidental à notre droite. Sur les cartes ordinaires de la Lune, au contraire (fig. 6), cet ordre est renversé le pôle S. est en haut de la carte, le N. en bas, l’O. à gauche et l’E. à droite. Prévenu de cette circonstance, le lecteur pourra nous suivre aisément dans l’expose sommaire que nous allons donner de la géographie de la Lune. Même à la vue simple, on distingue sur la Lune deux sortes de régions bien distinctes, savoir de larges taches grisâtres et des portions lumineuses plus ou moins brillantes. Les grandes taches grisâtres sont surtout accumulées dans l’hémisphère N., et les parties lumineuses vers le pôle S. Sur notre carte, les principales taches grises se trouvent donc vers le bas, au-dessous de l’équateur lunaire. Ces taches sont d’immenses plaines sablonneuses et rugueuses, aux contours ovales ou arrondis. Riccioli, qui les figura le premier avec assez d’exactitude, crut qu’en raison de leur teinte sombre ces plaines étaient des mers, et il leur donna cette appellation qui a été abusivement conservée jusqu’à nos jours. La première d’entre elles, que l’on aperçoit vers le bord O. au-dessous de l’équateur, est une
LUNE LES CIRQUES D’ARCHIMEDE ET AUTOLYCI1US ET LE COMMENCEMENT DES APENNINS AU LEVER DU SOLEIL Fig. 7.
plaine M sensiblement ovale : sous l’influence des idées astrologiques encore puissantes à
LUNE A. LA MER DES CRISES ET SES ENVIRONS Fig. 6
cette époque, il nomma cette plaine la Mer des Crises (fig. 6). A droite et un peu au-dessous de la Mer des Crises se trouve une autre grande plaine N de forme sensiblement ronde qu’il appela Mer de la Sérénité. A la limite orientale de cette plaine, on aperçoit une succession de hautes chaînes de montagnes rendues très apparentes par les grandes ombres qu’elles portent sur la surface de la planète. Ces diverses chaînes, qui ont reçu les noms de montagnes terrestres, sont, le Caucase V au N., les Apennins O (fig, 7) à l’E. de la Mer de la Sérénité, et les Karpathes P au S.-E. sur le prolongement des Apennins. A droite de ces immenses montagnes, on rencontre sur la carte une nouvelle grande plaine S, plus étendue que les deux précédentes, à laquelle on a imposé le nom de Mer des Pluies. Ses contours sont assez nettement délimités, excepté à l’E., et plusieurs de ses parties ont reçu des noms spéciaux ; ainsi la partie T est le Marais des Brouillards, l’anse V est le Golfe des Iris, et la zone bordée par l’Apennin lunaire on S.-O. se nomme le Marais de la Putréfaction. Le Marais des Brouillards est limité au N.-O. par une chaîne de montagnes T’ qui a été baptisée les Alpes lunaires. Au-dessous de cette chaîne, et par conséquent au N.des plaines N et S s’étend de l’O. à l’E. une tache longue et étroite X appelée la Mer du Froid et assez obscurément séparée vers la droite d’une autre tâche Z qui est le Golfe de la Rosée. Au-dessus de ces grandes plaines du N. et dans la moitié occidentale du disque s’étend, traversée par l’équateur lunaire, une grande tache grise ramifiée, aux contours peu précis, qui est une autre plaine. Sa branche la plus occidentale F s’appelle la Mer de la Fécondité. Vient ensuite une autre branche H, la Mer de la Tranquillité, qui se continue sensiblement vers le S. avec la Mer du Nectar G. Cette immense tache porte des noms spéciaux dans la zone qui confine aux grandes plaines du N. : la partie I est le Golfe du Centre ; la partie J se nomme la Mer des Vapeurs, et elle donne naissance dans la direction de l’équateur à un épanouissement K qui a repu la dénomination de Golfe Torride. A l’est de toutes les plaines mentionnées jusqu’ici vient une région de montagnes qui pénètre par ses sinuosités orientales dans une grande plaine L aux limites vagues, voisine du bord droit de la carte et connue des astronomes sous le nom d’ Océan des Tempêtes. Cette plaine communique directement, ou à peu près, avec une dernière plaine C, la plus voisine du pôle S. et qui est la Mer des Nuées. Celle-ci se prolonge vers le S.- E. en une sorte de golfe D qu’on appelle la Mer des Humeurs. Signalons encore à l’O. la Mer australe A dans le voisinage du pôle S., et la Mer de Humboldt Y dans celui du pôle N. Toutes les plaines de la Lune réunies présentent une superficie totale de 352 600 lieues carrées, inférieure à celle des régions volcaniques et montagneuses qui, sur l’hémisphère visible, est de 830 000 lieues carrées. Les plaines offrent une particularité qui n’a point son analogue sur la Terre : elles sont sillonnées de rainures qui apparaissent comme autant de faibles lignes blanches à l’époque de la pleine Lune et qui se dessinent en noir pendant les phases. Ces rainures sont d’étroites tranchées très profondes, à bords parallèles, mais non exhaussés au-dessus de la plaine.