Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/12

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quiconque l’eût rencontrée n’aurait pu dire la couleur de ses cheveux, qu’elle lissait à la manière des pensionnaires de couvent et qu’elle cachait sous un large chapeau depuis longtemps démodé. Douce, modeste et dérobée, elle passait inaperçue. Jamais elle ne faisait de visites et n’en recevait aucune. À son retour de la messe, après un léger repas, elle passait un tablier de coton et s’enfermait dans sa serre ou dans son jardin.

Il va sans dire que les braves commères ne laissèrent pas s’échapper une aussi belle occasion de jaser et de mordre à belles dents au prochain. On la taxa d’avarice, de mesquinerie ; les mères ayant des fils à marier surtout ne pouvaient se résigner facilement à laisser passer une aussi belle fortune et l’on fit intervenir toutes les influences possibles auprès de Laure pour la décider à sortir de sa solitude. Mais la jeune fille semblait ignorer complètement tout ce que l’on pouvait dire à son sujet. Elle soignait paisiblement ses fleurs, greffait ses rosiers, mariait ses œillets, ses balsamines, ses pensées, plantait et replantait ses tulipes, ses jacinthes, ses pivoines et laissait dire les gens, et les plus enragées commères se décidèrent enfin à porter ailleurs leurs calomnies, non sans avoir toutefois fortement appuyé sur le ridicule de sa conduite et avoir répété à tous les vents qu’elle n’était qu’une originale, une détraquée et une folle.

« Mais enfin, me demanderez-vous, était-ce un laideron que votre originale d’ermite ? »

Un laideron ! Que Dieu vous garde d’un tel jugement ! Mademoiselle Perrin était une admirable personne, grande, élancée, la figure d’une régularité impeccable ; pas un trait de défectueux, pas une ride ; une peau veloutée et d’une blancheur rosée, des lèvres vermeilles qu’ensoleillait un sourire de bonté affectueuse, une abondante chevelure du blond le plus pur ! Un laideron ! Mais, c’était la beauté incarnée