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Habituée dès sa plus tendre enfance à lire dans le grand livre de la nature, Laure ne tarda pas à partager la passion de son père.

À douze ans, alors que les autres jeunes filles jouent encore avec leurs poupées, Laure greffait son premier rosier et se constituait la collaboratrice de son père. À dix-huit ans, le malheur venait mûrir avant l’âge cette âme d’élite. Monsieur Perrin, débilité par la vieillesse et la maladie, se vit terrasser par la paralysie et incapable de quitter sa chambre.

Comment exprimer la somme fabuleuse de dévouement déployée par la pieuse enfant autour de son cher malade ? Elle se fit la maman de ce père invalide que le mal ramenait à l’état d’enfance. Durant les cinq années que dura le martyre du vieillard, elle montra le même inlassable dévouement, allant au-devant de ses moindres désirs, s’appliquant à satisfaire ses plus légers caprices, toujours souriante, toujours affectueuse.

Enfin, quand la mort vint lui arracher cette dernière, cette seule affection, elle s’enferma jalousement dans son chagrin et le souvenir du cher disparu et, avec une farouche jalousie, elle continua d’en vivre.

Comme autrefois sous sa direction, elle cultivait et étudiait les fleurs que son père aimait tant, et, repliée sur elle-même et sa douleur, recluse volontaire dans la vieille demeure qu’elle laissait à plaisir envahir par la nature sauvage, comme si elle eût désiré qu’on y oublia même sa présence, elle mena, cinq années durant, une vie de véritable anachorète.

Elle ne sortait de chez elle que pour aller chaque matin entendre la messe et le soir pour assister aux « Complies » chez les Pères Dominicains.

Invariablement vêtue d’une robe de drap noir avec col militaire que recouvrait, en hiver, un ample manteau de mouton de perse