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Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/15

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semblait-il, il devait être assez facile de convertir en une fleur de jardin incomparable, en développant le plus possible les sépales et les pétales du capitule et en atténuant l’aspérité des bractées en forme de calice qui l’entourent.

Pour arriver à cette fin, elle avait tenté de marier ses chardons à quantité de plantes de leur famille : la chicorée sauvage, la reine marguerite, le tournesol, etc., sans aucun résultat satisfaisant et, sa flore à la main, assise sur la véranda, elle était partie en quête d’un nouvel époux pour ses chardons rustiques.

Fidèle, contrairement à son ancienne habitude, ne pouvait rester en place et chaque fois qu’un passant se présentait à sa vue, il faisait entendre un grognement plein de menace.

« Ici Fidèle, ici, viens te coucher près de moi ! Vite, couche toi ici ! »

À contre cœur, le chien vint s’étendre près de sa maîtresse. Le soleil se jouait dans sa toison dorée, faiblement lavée de blanc et de brun. Paresseusement étendu sur le flanc droit, il avait recoquillé ses pattes aux longues griffes de cornes, étendu sa queue qui se déployait en un panache blanc et or, son flanc se gonflait régulièrement sous l’effort de sa respiration laborieuse ; il ferma à demi ses grands yeux qui avaient repris toute leur bonté primitive, reposa sur une de ses pattes de devant son museau effilé ; sa gueule entrouverte, garnie de deux rangées de minuscules obélisques d’émail, laissa pendre, en un rose stalactite de corail, sa langue fatiguée. Des mouches, des grillons, des fourmis montaient sur son corps laineux, cherchant l’ombre sous les touffes de son poil ébouriffé ; mais si les fourmis trop voraces, osaient mordre à sa peau, il relevait la tête, enfouissait son museau dans sa toison épaisse et pourchassait l’intruse ; ou si quelque mouche trop hardie s’avançait jusque sur son museau humide et