ce la gêne… ou la joie… Et le cher petit être vagissant… Comme alors je faisais des projets… comme j’allais la chérir ! À la mort de ses parents, j’avais bien espéré qu’on me la confierait, ma filleule ; mais papa était si malade alors… »
Mlle Laure fut tout à coup tirée de sa rêverie par un bruit terrible où se mêlaient des hurlements, des cris, des appels au secours.
Effrayée, elle releva la tête et fut atterrée de voir son Fidèle aux prises avec Monsieur Hainault qui semblait à demi-mort de frayeur. Le chien tenait solidement un des pans de l’habit de son adversaire et, la gueule menaçante, les yeux rageurs, le clouait sur place.
« Fidèle ! Fidèle ! » cria-t-elle éperdue, « Fidèle, ici, ici bien vite ! » Subjugué par cette voix bien connue, le chien lâcha prise et, tout penaud, s’enfuit vers la maison.
— Vous a-t-il fait mal, Monsieur ? interrogea-t-elle en accourant vers le chemin.
— C’est un crime, une indignité ! Que pensez-vous donc, Mademoiselle, pour laisser ainsi en liberté cette bête féroce ? Mais cela ne peut continuer ainsi, et je vais voir à débarrasser la ville de votre hideuse bête. Je vous donne trois jours pour faire tuer votre chien, comprenez-moi bien, trois jours seulement, pas une heure de plus, sinon, vous entendrez parler de moi ! Et le pauvre homme, encore sous l’empire de la frayeur, répara tant bien que mal le désordre de sa toilette, reprit sa canne et son chapeau qui avaient roulé dans le fossé, salua froidement Mlle Perrin stupéfiée de ses menaces et reprit sa route.
Devant la demeure de la recluse un attroupement s’était formé. Les badauds discutaient l’incident, l’amplifiant, le dénaturant de telle sorte qu’il prit bientôt des proportions terribles : le chien de Mlle Perrin était enragé et ce pauvre M. Hainault était maintenant en danger de mort.