Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/26

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travail et de dévouement pour ses semblables ; mais que lui en restait-il à lui-même ? Il avait été comme ces admirables massifs de pivoines à feuillages fastueux et qui donnent des fleurs si admirables. À peine épanouies, ces fleurs sont coupées pour être mises en vases et aucune ne parvient à maturité. Paul avait songé aux autres, il avait travaillé pour les autres, s’était dévoué pour les autres et voilà qu’il n’était plus jeune, voilà que venait l’automne…

Peut-on rationnellement se marier à quarante ans ? À cette question qu’il se posait lorsque, certains soirs, il se sentait seul, il restait perplexe et ne savait que répondre.

À sa sortie du collège, Paul Hainault avait organisé sa vie, coordonné tous ses instants, réglé ses plaisirs, ses travaux, ses études et ses loisirs et, une fois la règle posée, il n’y avait fait que de légers écarts étant un jeune homme minutieux et d’une ponctualité presque monotone.

Levé vers six heures, il allait entendre la messe de six heures et demie à l’église des Dominicains. À sept heures il déjeunait. L’été, de sept heures et demie à huit heures et demie, il s’occupait de ses fleurs ; l’hiver, il consacrait ce temps à la lecture. À huit heures et demie il partait pour le bureau dont il revenait à midi précis pour dîner. À une heure moins le quart, nouvelle visite à ses fleurs ou lecture, suivant la saison. À une heure et demie, retour au bureau dont il repartait à cinq heures. Immédiatement après sa sortie du bureau, il se dirigeait vers le chalet du cercle si le temps était beau, sinon, il rentrait chez lui pour n’en sortir que vers huit heures et se dévouer à ses œuvres. À dix heures, il était infailliblement de retour et alors, bien confortablement installé dans son fauteuil, fumant un cigare, les pieds sur un tabouret, il se laissait aller à de douces rêveries tout en feuilletant un livre.