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fassiez tuer, dans les trois jours qui suivront la réception de cette lettre, votre chien devenu une cause de danger public.

Veuillez vous présenter à mon bureau sans délai pour le règlement de cette malheureuse affaire et me faire remise de la somme de cinq piastres, honoraires de la présente lettre, laquelle somme sera due et exigible même si vous régliez directement avec mon client.

Faute de quoi, je procéderai contre vous sans autre avis.

Veuillez me croire, Mademoiselle,

Votre tout dévoué,
Jean Dupras, avocat. »

Mais oui ! ce n’était que ce banal poulet qui avait ainsi jeté la terreur dans son âme candide et bouleversé sa vie. Pour qui sait avec quelle terreur une lettre d’avocat est toujours reçue dans nos campagnes, cette alarme irraisonnée sera parfaitement compréhensible. Dame Thémis est une mégère que l’on tâche de fuir à l’égal du feu, des épidémies et autres grandes calamités et les avocats, des ogres qu’il ne fait pas bon rencontrer au coin d’un bois.

« Que faire, Grand Dieu, que faire ? » se demandait cette brave Demoiselle après avoir terminé sa lecture. « Que faire ? Plaider ? Mais alors il va me falloir aller en cour, rendre témoignage, aller dire ma vie solitaire de vieille fille, mon affection pour ce pauvre chien, mon seul compagnon de ces dernières années, être tournée en ridicule… Faire tuer Fidèle ? Mais ce serait un crime, une trahison envers cette brave bête dont le dévouement n’a jamais failli, dont la présence même a bien souvent égayé ma solitude… Que faire ? Pourquoi ne suis-je pas allée comme je l’avais décidé, voir le Père François, il aurait certainement su arranger cette malheureuse affaire. Encore ma timidité qui m’en a empêchée et puis, je croyais que ce Monsieur Hainault ne donnerait pas suite à ses menaces, on le disait