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Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/73

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naïve pour m’imaginer que vous êtes demeuré cinq longs mois en cette ville sans ébaucher le moindre petit roman ?

— Comment aurais-je pu m’y décider quand mon cœur était tout rempli de votre image ? Je vous avais promis de travailler ferme afin de vous mériter et pas un seul instant je n’ai failli à ma promesse.

— Et le succès, commence-t-il à poindre ?

— Les résultats sont encourageants. Je suis venu m’installer ici où j’ai un oncle célibataire, qui pratique comme avocat depuis trente ans. Les offres qu’il m’a faites étaient très alléchantes. Il est riche et comme il veut se retirer il me passe graduellement sa clientèle. D’ailleurs, je ne suis pas un étranger ici, Saint-Hyacinthe est ma ville natale et j’y compte quantité de parents et amis.

— Vous ne sauriez croire comme j’en suis heureuse.

— Ce n’est pas encore le succès définitif ; mais enfin, c’est une solide espérance pour l’avenir.

Les deux jeunes gens avaient arpenté la rue Girouard jusqu’à l’usine de l’aqueduc, puis ils étaient revenus sur leurs pas et passaient en ce moment devant l’église des Pères Dominicains.

— Grand Dieu ! il est quatre heures ! s’exclama Yolande. Il me faut rentrer. Me faites-vous un bout de conduite ?

— Où demeure votre parente ?

— À un quart d’heure de marche, de l’autre côté de la rivière. Venez-vous ?

— Avec le plus grand plaisir. D’ailleurs je tiens à savoir où vous nichez, si je veux vous revoir.

— Eh bien ! descendons immédiatement. Je ne vous dérange pas ?

— Je peux bien me donner quelques instants de congé, il y a si longtemps que je suis exilé de vous…

— Vous n’êtes pas obligé de retourner au bureau, du moins ?