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Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/72

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La Villa des Ancolies

— Ils étaient palpitants d’amour.

— Comment auraient-ils pu être autrement, venant de moi et s’adressant à vous ?

— Et quel feu vous mettiez à m’exprimer vos sentiments !

— Pas assez brûlant, toutefois, pour fondre le glaçon que vous étiez alors… et que vous êtes encore.

— Chaque matin, vous me les glissiez sous le buvard de mon pupitre…

— Et quand je vous les glissais de la sorte vos yeux étaient remplis d’ironie.

— Vous étiez si drôle aussi ; vous sembliez un écolier craignant d’être pris en flagrant délit.

— J’essayais quelquefois de lire sur votre visage l’impression qu’ils avaient produite ; mais vous demeuriez un petit sphinx. Les déchiriez-vous immédiatement ?

— Quoi ? Vos vers ? Je m’en suis bien gardée. J’en ai conservé la collection complète et si jamais il vous prenait fantaisie de les publier en volume, ils sont à votre disposition ; cela ferait un joli pendant aux « Lettres à la Fiancée » de feu Victor Hugo.

— Pourquoi ce nouveau trait de méchanceté. je sais bien qu’ils étaient atroces, mes pauvres vers ; mais enfin ils étaient sincères.

— Qui vous dit qu’ils étaient atroces ? Je les trouvais, au contraire, toujours très jolis et même, depuis votre départ, ils me manquent quelque peu ; j’en suis réduite à les relire.

— Vraiment ?

— Ce qui ne veut pas dire que vous deviez recommencer. Non, j’aime mieux m’en tenir à notre pacte.

— Encore ce fameux pacte ! Cela devient embêtant… Mais enfin, puisque j’ai promis, autant me résigner de bonne grâce. Et vous ne me demandez pas ce que je suis devenu depuis mon départ de Montréal ?

— J’aurais peur d’être indiscrète. J’espère que vous n’allez pas me croire assez