Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/83

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— Tu appelles cela montrer les dents, toi ! J’aurais bien aimé te voir à ma place quand ce terrible dogue s’est jeté sur moi pour me dévorer !

« Vous pourrez à l’avenir laisser gambader à sa guise votre fidèle gardien, mon client tâchera de maîtriser sa crainte et aucun incident malheureux ne se reproduira. »

— Pourquoi ne pas lui dire que pour son dîner de demain, j’irai moi-même porter à son dogue mes deux mollets sur un plat d’argent ?

« J’espère, Mademoiselle, que vous aurez la bonté d’oublier ce sot incident et que vous daignerez accepter les excuses de mon client ».

— C’est ça, vas-y, vas-y, mon vieux, une fois parti, il ne faut pas t’arrêter en si bon chemin ! Je suis l’insulté, ce sont mes habits que ce chien a déchirés, mes mollets qu’il a caressés de ses crocs, il n’est que logique que je fasse des excuses à cette vieille folle, que je m’agenouille devant son cerbère enragé. À qui encore dois-je faire des excuses ? Ah ! si jamais on me reprend à avoir recours aux avocats !

« Inutile de vous dire, Mademoiselle, que je suis tout à fait étranger à cette malheureuse affaire. Nous sommes, les pauvres hommes de loi, les mandataires passifs de nos clients et devons suivre leurs instructions, quelqu’injustes qu’elles nous puissent paraître. »

— Mais c’est le comble cette fois ! Monsieur n’est pour rien en toute cette affaire, il n’est que le mandataire passif de son client ! Qui donc m’a conseillé de plaider ? Qui m’a, à maintes reprises, affirmé que ma cause était excellente, que ma réclamation était juste ? Qui, enfin, m’a fait remarquer que, le chien de cette vieille ermite étant un danger public, j’avais non seulement le droit, mais même le devoir de procéder ? Et Monsieur n’y est pour rien, il n’est qu’un passif mandataire !