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Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/86

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La Villa des Ancolies

— Tu es trop curieux, mon vieux Paul.

— C’est à ne pas y croire.

— Et il y a autre chose encore… Il y a un jardin rempli de fleurs admirables : des balsamines. des œillets, des roses, des jacinthes, des géraniums et quantité d’autres fleurs dont je ne sais pas les noms. Tiens, oui, il y a aussi des tulipes. Oh ! mais des tulipes autrement rares que les tiennes. Je ne suis pas un connaisseur en cette matière, mais je t’assure que tes pauvres fleurs feraient piètre figure auprès des siennes.

— Vraiment ! Elle a des tulipes ?

— Il y en a surtout une, découverte par elle et dédiée à la mémoire de son père, une tulipe aux incomparables pétales de velours d’un rouge sang si prononcé que l’on croirait que c’est le cœur de la tige qui saigne.

— Une tulipe nouvelle !… le rêve de ma vie… Mais elle est donc vraiment sorcière, cette Demoiselle Perrin ?

— Quel vilain mot à l’adresse d’une personne aussi distinguée ! C’est une savante, te dis-je, une savante aussi modeste que remarquable, une chercheuse qui a passé dans l’étude les beaux jours de son adolescence et de son enfance. Vous la tourniez sottement en ridicule, vous vous moquiez de ses innocentes manies, de sa vie laborieuse. Elle, durant ce temps, en la compagnie muette de ses fleurs, goûtait les profonds plaisirs de la science, demeurait éternellement jeune de cœur et se souciait fort peu de votre opinion. Ce en quoi je l’approuve de tout cœur.

— Elle a découvert une tulipe nouvelle…

— Et ses rosiers, donc ! si tu voyais la somptuosité de ses roses !

— Une tulipe…

— Enfin, refuses-tu encore de me laisser envoyer ma lettre ?

— N’es-tu pas mon avocat ?

— Alors je l’expédie immédiatement. Oh ! j’oubliais… Reprenant sa plume, il ajouta :