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galants. Dans la Clélie enfin, les bergers rentrent à la ville et dans les salons, prennent un nom nouveau, celui d’honnête homme, et s’occupent plus que jamais d’amour, qui, sous le nom de galanterie, devient la grande science du monde et la règle de la bonne compagnie désormais fondée… La galanterie, telle que l’entendent les vraies précieuses du XVIIe siècle, telle que l’entend mademoiselle de Scudéry, est ce mélange d’empressement et de respect envers les femmes, dont la première origine se trouve dans la chevalerie. Seulement le chevalier a déposé son armure à la porte des salons, il est devenu l’honnête homme. La chevalerie s’est sécularisée, elle s’est répandue dans le monde, et, sous le nom de galanterie, elle règle les rapports et les habitudes du monde entre les hommes et les femmes. Ainsi entendue, la galanterie est un des signes les plus caractéristiques du rang que les femmes ont dans la société depuis le christianisme. Relevées de l’abaissement ou de l’isolement que leur faisaient les mœurs antiques et que leur font encore les mœurs orientales, les femmes ont eu une place chaque jour plus grande dans les diverses conditions de la société moderne. Dans la société chrétienne, et je dirais presque dans la société ecclésiastique, elles ont leur place comme saintes, comme religieuses, comme vouées à la prière et à la charité. La société ecclésiastique ne met pas les femmes dans l’Église, mais elle les met tout près ; de même que le christianisme met la mère du Sauveur près de la Divinité, sans l’y faire pourtant participer. Dans la société chevaleresque, les femmes sont les inspiratrices avouées des grandes actions et des bons sentiments. Enfin quand la société s’adoucit et se polit, à mesure que la conversation devient de plus en plus un plaisir et un signe de bon goût, les femmes deviennent l’arbitre du bon ton. Alors la conséquence naturelle de la place que les femmes occupent dans le monde est la galanterie, non point la galanterie dans le sens affecté ou corrompu du mot, mais la galanterie honnête et pure, comme l’entendent les véritables précieuses de l’hôtel de Rambouillet. »

Le XVIIIe siècle est celui de la décadence de la galanterie ; elle s’abaisse, se dégrade ; le mot galanterie, qui si longtemps se confondit avec celui de bonne compagnie, devient synonyme de corruption. L’amour, galant qui avait succédé à l’amour chevaleresque, est emporté avec les idées, les sentiments, les institutions de l’ancien régime par le torrent de la Révolution. Ramener l’amour à la simplicité antique, le soustraire aux influences monarchiques et religieuses qui l’ont dénaturé, tel paraît être l’effort des penseurs de cette époque. Écoutez Cabanis : « Une des causes qui ont contribué à dénaturer l’amour par une exaltation factice, c’est le défaut d’objets d’un intérêt véritablement grand, et le désœuvrement général des classes aisées dans les gouvernements monarchiques ; à quoi l’on peut ajouter encore les restes de l’esprit de chevalerie, fruit ridicule de l’odieuse féodalité, et cette espèce de conspiration de la plupart des gens à talent pour diriger toute l’énergie humaine vers des dissipations qui tendaient de plus en plus à river pour toujours les fers des nations… Sous le régime bienfaisant de l’égalité, sous l’influence toute puissante de la raison publique, étranger à toute exagération, à tout enthousiasme, l’amour sera le consolateur, mais non l’arbitre de la vie ; il l’embellira, mais il ne la remplira point. Lorsqu’il la remplit, il la dégrade, et bientôt il s’éteint lui-même dans les dégoûts. »

Au commencement du XIXe siècle, nous voyons l’amour reprendre dans la littérature et dans la société l’empire que la révolution lui avait enlevé. L’orage a fait pencher cette fleur ; mais l’orage passé, voilà qu’elle se relève avec des couleurs nouvelles ; ce n’est plus l’amour chevaleresque du moyen âge ; ce n’est plus la galanterie du XVIIe siècle ; ce n’est plus le libertinage élégant du XVIII{e} ; c’est l’amour mélancolique et rêveur, l’amour que la soif de l’infini fait dévier de sa fin naturelle, l’amour qui se mêle à deux sentiments vagues et indéterminés, le sentiment de la nature et l’inquiétue métaphysique ou religieuse ; l’amour qui.conduit au mépris et à la haine de l’action, de la réalité, à l’ennui et au dégoût de la vie ; l’amour qui se plaît à chanter son éternelle plaie, à sentir son incurabilité, à analyser son délire, tout en posant à ses désirs une barrière infranchissable. Notre littérature contemporaine a donné une large place à cet amour alanguissant, dont on trouve le germe dans la Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau, et que deux écrivains surtout, l’auteur de René et d’Atala, et l’auteur des Méditations, ont contribué à mettre à la mode. Goethe lui-même, malgré le caractère réaliste de son génie, paya son tribut à cette maladie du siècle, sur laquelle Paul de Flotte a porté ce jugement sévère : « Rien ne porte plus à la lâcheté des cœurs que cette tendance à poursuivre et à justifier le développement excessif d’une passion irréalisable, que cette folie contradictoire qui consiste en définitive à aimer sa passion en en maudissant le but final, à se complaire à la nourrir au lieu de la combattre, à maudire le monde au lieu de le servir. »

IV. — Affections de famille.Amour paternel, maternel. « Nous n’avons besoin, dit M. Jules Simon, que de mentionner l’amour paternel, l’amour maternel, pour qu’on sache à l’instant qu’il s’agit du sentiment le plus fort, le plus persistant, le plus nécessaire, le plus sacré ; d’un sentiment qui balance victorieusement l’amour de la vie dans les âmes les moins pures, sans lequel il n’y aurait ni éducation, ni morale, ni honneur, ni dévouement, ni patrie ; d’un sentiment qu’on ne saurait bannir du cœur de l’homme sans le dessécher, ni de la société sans la détruire. » L’amour des parents pour leurs enfants est d’autant plus fort qu’il concilie pour eux le bonheur de la personnalité et le bonheur du dévouement, et qu’il se rattache, d’une part, à l’amour de soi, de l’autre, à l’amour proprement dit. Qu’est-ce que l’enfant ? C’est le produit et le gage de l’amour, ou plutôt c’est l’amour réalisé, l’amour qui a pris forme et vie, l’amour fait chair. Quel meilleur symbole de l’union indissoluble ! Qu’est-ce que l’enfant ? C’est l’extension de la vie paternelle et de la vie maternelle. On connaît la belle expression de Mme de Sévigné écrivant à sa fille : J’ai mal à votre poitrine. C’était bien dire que les parents vivent de la vie de leurs enfants, souffrent de leurs souffrances, que les enfants sont comme des membres de nous-mêmes ; et ce n’est pas là une pure illusion : c’est notre chair et notre sang, mais surtout c’est notre âme, ce sont nos exemples, nos leçons, nos vertus ou nos faiblesses qui revivent en eux. « La famille, dit très-bien M. Paul Janet, complète et perpétue notre être ; elle l’étend dans l’espace et la durée. L’homme, seul, n’occupe qu’un point sur la surface de la terre, et en mourant ne laisse rien après soi. La famille étend ses rameaux, envoie au loin ses rejetons, et plonge des racines presque immortelles. La famille demande à l’homme le sacrifice de son être, mais elle le paye par l’augmentation de son être ; elle le force à s’oublier lui-même, mais elle lui permet de se retrouver en autrui. »

Il y a dans l’amour des parents pour leurs enfants un élément égoïste, mais cet élément varie selon qu’il s’agit du père ou de la mère. Chez celle-ci c’est un instinct naturel ; chez celui-là un sentiment qui a sans doute son germe dans la nature, mais qui se développe dans la société, l’orgueil du nom et l’orgueil de la race.

L’amour maternel n’a pour ainsi dire pas d’histoire. Les types de cet amour créés par la littérature ancienne et moderne se ressemblent. Quant à l’amour paternel, il dépend davantage du milieu social, de l’état de la législation. Il présente une physionomie différente, selon la constitution de. la famille, selon le pouvoir que les lois et les mœurs confèrent au père sur ses enfants, selon la conscience que le père a de la responsabilité attachée à ce pouvoir. A Rome, par exemple, où le père avait droit de vie et de mort sur ses enfants, où le consulat même n’affranchissait pas le fils des liens de l’autorité paternelle, l’amour paternel devait être bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Le père de famille romain, pater familias, qui se sentait magistrat, aurait été fort étonné et scandalisé de la tendresse un peu molle que notre littérature met dans le cœur des pères. La grande différence que la société avait établie entre l’amour paternel et l’amour maternel tend à s’effacer dans les mœurs modernes.

Amour filial. « L’antiquité, dit M. Saint-Marc Girardin, avait trouvé un beau mot pour exprimer l’amour des enfants pour leurs parents, en l’appelant du nom de piété filiale. » Ce qui caractérise en effet la piété, c’est surtout la vénération ; or l’amour filial est un sentiment mêlé de vénération et de tendresse. C’est la tendresse qui domine ordinairement dans l’amour que la mère inspire, la vénération dans le sentiment qu’on a pour le père. La vieillesse surtout rend les parents plus sacrés et plus chers. « Il n’est pas, dit Platon, de pénates plus saints et dont le culte plaise plus aux dieux qu’un vieux père, ou un aïeul, ou une mère courbée par les années. »

L’amour filial a moins de force que l’amour paternel et l’amour maternel. On trouve plus de mauvais fils que de mauvais pères. « Quel est, se demande M. Jules Simon, le secret de cette différence ? Sommes-nous plus enchaînés par les services que nous rendons que par les services reçus ? Le père se rattache-t-il par son fils à la jeunesse, à la vie, à l’avenir, tandis que le fils est obligé de remonter le cours des temps et de s’arracher à lui-même pour reposer sa pensée sur son père ? Serait-ce que la paternité nous saisit en quelque sorte dans le plein développement de nos facultés, tandis que l’enfant n’apprend que lentement à connaître le sourire de sa mère et ne s’accoutume à aimer ses parents que par leur présence et par leurs bienfaits ? » La cause immédiate de cette différence est, selon nous, que l’amour filial est moins un besoin et contient moins d’éléments égoïstes que l’amour paternel.

J.-J. Rousseau a pensé que la piété filiale ne différait pas de la reconnaissance, à laquelle se joignait, pour la renforcer, une habitude de déférence et de respect. Selon M. Jules Simon, notre piété filiale ne ressemble à aucun autre sentiment ; elle tient profondément à nos entrailles ; nous sentons qu’elle fait partie de nous-mêmes, et qu’elle pourrait être affaiblie, mais non effacée, par la mauvaise conduite ou l’indifférence de nos parents.

Amour fraternel. L’amour fraternel est un sentiment naturel fortifié par l’habitude, par les souvenirs, par les services reçus ou rendus, par la communauté de l’amour filial, par le respect du nom et les traditions d’honneur domestique. L’amour fraternel présente à peu près les mêmes caractères que l’amitié dont il est le type. On peut dire que l’amour fraternel est une amitié qui vient de la nature,

Un frère est un ami donné par la nature.

et que l’amitié est une sorte d’amour fraternel qui naît du libre choix. M. Paul Janet fait remarquer, avec raison, que l’amour fraternel est un sentiment plus précis que l’amitié. En

effet, le rapport des frères entre eux est un rapport naturel, et par là même déterminé : un frère est toujours un frère ; mais le rapport entre amis est indéterminé : on est plus ou moins amis ; il y a plusieurs degrés dans l’amitié ; quelle différence de force, par exemple, entre ce singulier, un ami, et ce pluriel, des amis ; le plus souvent c’est en vain qu’on désire trouver un ami, il faut se borner à des amis. Le sentiment fraternel a donc ce que n’a point l’amitié, un point d’appui fixe. Aussi sait-il toujours exactement où il en est. L’amitié ne le sait jamais, tant que quelque circonstance particulière, quelque action précise n’est pas venue donner une sanction au lien qui unit les amis. En un mot, l’amour fraternel n’a pas besoin, comme l’amitié, d’acquérir de la précision et de s’emparer de l’avenir par un effort de la volonté, par un pacte moral. De là, la tranquillité plus grande encore dans l’amour fraternel que dans l’amitié. Comme on ne peut fixer le degré précis de l’amitié, on ne peut jamais s’assurer jusqu’à quel point on peut compter sur elle ; il reste donc toujours une sorte de doute et, par conséquent, une certaine inquiétude. l’amour fraternel, au contraire, sait qu’il a droit de compter sur la réciprocité.

Ainsi, l’amour fraternel est la plus forte des amitiés. « Tous les liens, dit Schiller, tissus par le bonheur léger, sont incertains, mobiles et sans force. Le caprice dénoue ce que le caprice a noué. La nature seule est sincère ; elle seule repose sur une ancre éternelle, quand tout le reste vacille sur les vagues orageuses de la vie. Le penchant vous donne un ami, l’intérêt un compagnon. Heureux celui à qui la naissance donne un frère ! La fortune ne peut le lui donner. C’est un ami qui est créé avec lui, et il possède un second lui-même pour résister à un monde plein de guerres et de perfidies. » « Quelle douceur ineffable, s’écrie Silvio Pellico, n’y a-t-il pas dans cette pensée : Nous sommes les enfants d’une même mère ! Avoir trouvé, à peine venus en ce monde, les mêmes objets à vénérer et à chérir entre tous, quelle douceur encore ! Cette communauté de sang, et la conformité d’un grand nombre d’habitudes entre frères et sœurs, produisent naturellement une puissante sympathie qui ne saurait être anéantie que par un épouvantable égoïsme. » Le même auteur a soin de nous montrer quelle part notre liberté doit prendre dans la culture de l’amour fraternel. « Les sentiments les plus exquis, dit-il, ne s’acquièrent que par une volonté bien arrêtée. De même qu’on n’arrive pas, sans étude, à l’intelligence parfaite de la peinture, ainsi ne comprend-on pas l’excellence de l’amour fraternel sans une volonté assidue de la comprendre. L’intimité du foyer ne doit jamais vous faire oublier d’être poli avec vos frères. Soyez encore plus délicat de manières avec vos sœurs. Leur sexe est doué d’une grâce puissante ; c’est un don céleste dont elles usent habituellement pour répandre la sérénité dans toute la maison, pour en bannir la mauvaise humeur et modérer les reproches qu’elles entendent parfois sortir de la bouche d’un père ou d’une mère. Honorez dans vos sœurs le charme suave des vertus de la femme ; réjouissez-vous de l’influence qu’elles exercent sur votre âme pour l’adoucir ; et puisque la nature les a faites plus faibles et plus sensibles que vous, soyez d’autant plus attentif à les consoler dans leurs afflictions, à ne pas les affliger vous-mêmes, à leur témoigner constamment du respect et de l’amour. Ceux qui contractent à l’égard de leurs frères et de leurs sœurs des habitudes de malveillance et de grossièreté, restent grossiers et malveillants avec tout le monde. Que ce commerce de la famille soit uniquement beau, uniquement tendre, uniquement saint ; et alors, quand l’homme passera le seuil de sa maison, il portera dans ses relations avec le reste de la société ce besoin d’estime, d’affections nobles, et cette foi dans la vertu que produit toujours l’exercice journalier des sentiments élevés. »

V. — Amour de la patrie. V. Patrie, Patriotisme.

VI. — Amour de l’humanité. V. Charité, Humanité.

VII. — Amour divin. V. Charité, Mysticisme.

— Myth. Les auteurs ne sont pas d’accord sur la généalogie de l’Amour. Simonide le dit fils de Mars et de Vénus ; Alcée, de Zéphyre et d’Eris ou de la Dispute ; Sapho, de Vénus et de Cœlus ; Sénèque, de Vénus et de Vulcain. Platon, dans son Banquet, suppose l’Amour fils de Poros (dieu des richesses) et de Pénia (la Pauvreté). Selon d’autres, la Nuit pondit un œuf, le couva, et fit éclore l’Amour, qui déploya soudain ses ailes dorées et prit son essor à travers le monde naissant. Les Romains distinguaient deux Amours : l’un, l’Amour proprement dit, fils de Jupiter et de Vénus ; l’autre, Cupidon, fils de la Nuit et de l’Erèbe. Les Grecs avaient également leur Cupidon, qu’ils appelaient Himéros (désir), et leur Amour proprement dit, qui portait le nom d’Erôs. Le rapport de filiation qui lie l’Amour à Vénus et qui fit associer l’un à l’autre les cultes primitivement distincts de ces deux divinités, appartient à un symbolisme de date relativementmoderne. Erôs, en effet, ne figure pas au nombre des dieux d’Homère.

L’Amour devint pour les artistes le type de la beauté de l’enfant et de l’adolescent, de même que sa mère était celui de la beauté féminine. Il reçut pour attributs un arc, un carquois rempli de flèches, et un flambeau, allégories qui représentent les blessures que l’amour fait au cœur. Parmi ses flèches, disent les poëtes, les unes sont garnies de pointes d’or et portent la joie dans les cœurs qui en sont atteints ; les autres sont armées de plomb et infligent à ceux qu’elles frappent de longues et cruelles douleurs. Il faut distinguer avec soin de l’Amour ou d’Erôs, les Amours, petits dieux subalternes qui se confondent avec les Ris, les Jeux, les Plaisirs et les Attraits. En mythologie comme dans le langage ordinaire, le mot amour a un sens bien plus sérieux au singulier qu’au pluriel.

— Philos, anc. L’amour conçu comme principe cosmogonique. Un des plus anciens poëtes de la Grèce, Hésiode, nous montre à l’origine de toutes choses l’élément inférieur et aveugle, le Chaos, dans lequel un principe de vie, l’Amour, fait surgir et développe des formes de plus en plus parfaites. L’Amour joue le même rôle dans une ancienne cosmogonie attribuée à Sanchoniaton et aux Phéniciens. Un grand nombre de traditions cosmogoniques du même genre avaient cours dans l’antiquité. Elles se trouvent sur la limite de la mythologie et de l’ancienne philosophie, et forment la transition de l’une à l’autre.

Selon Empédocle, le monde sort de quatre éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air, lesquels sont mus, dirigés par deux principes, l’amour et la haine. Par l’amour, les éléments tendent à l’union ; par la haine, à la dvision. Sous l’influence de ces deux causes, un mouvement périodique produit l’agrégation et la désagrégation.Mêlés et démêlés successivement avec leurs qualités diverses et en diverses manières, ils composent la nature, comme un tableau qui résulterait des couleurs qu’un peintre a broyées sur sa palette. Ainsi naissent toutes choses, plantes et bêtes, hommes et dieux. Pendant le cours de ce mouvement, l’amour et la haine se balancent et en quelque sorte se neutralisent ; si l’amour dominait seul, toute diversité cesserait, et il n’y aurait plus que l’unité absolue ; au contraire, l’influence de la haine prévalant et devenant exclusive produirait la séparation, la diffusion à l’infini de toutes choses. L’amour et la haine d’Empédocle ressemblent assez bien à l’attraction et à la répulsion de nos sciences.

— Syn. Amour, amourette. L’amourette est un amour peu sérieux, ou un petit attachement qu’on n’ose avouer, soit parce qu’on n’est plus à l’âge à se permettre l’amour, soit parce qu’on rougit d’aimer une personne trop au-dessous de soi.

—Syn. Amour, affection, amitié, attachement, inclination, passion, tendresse. V. Affection.

— Antonymes. Abomination, animosité, antipathie, aversion, désaffection, détestation, éloignement, exécration, haine, horreur, indifférence, inimitié, malveillance, prévention, rancune, répugnance, ressentiment.

— Epithètes. Tendre, parfait, vif, ardent, passionné, insatiable, inassouvi, vrai, légitime, naturel, pur, chaste, épuré, platonique, éthéré, gratuit, désintéressé, généreux, libéral, magnifique, fidèle, constant, timide, délicat, discret, soumis, respectueux, calme, doux, paisible, tranquille, confiant, crédule, contenu, refoulé, profond, secret, repoussé, dédaigné, méprisé, humilié, blessé, offensé, rejeté, incurable, invincible, passager, volage, léger, inconstant, frivole, éphémère, infidèle, trompeur, mensonger, perfide, parjure, emporté, irritable, furieux, jaloux, inquiet, soupçonneux, despotique, tyrannique, rallumé, naissant, amorti, refroidi, mort, éteint, charnel, coupable, déréglé, impur, impudique, criminel, adultère, incestueux, odieux, infâme, exécrable. — Fervent, charitable, religieux, pieux, sacré, saint, divin, extatique, éternel.

Anecdotes. Un homme de qualité, épris des charmes d’une fort jolie demoiselle, lui disait : « Si vous aviez de l’amour pour moi, obsédée comme vous l’êtes par votre mère, nous aurions bien de la peine à trouver un lieu favorable pour nous aimer. — De quoi vous embarrassez-vous ? Lui répondit la jeune fille, songez seulement à m’en faire naître l’envie. »

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La reine Elisabeth ayant remarqué toutes les prouesses que Villa-Mediana accomplissait dans les tournois, sans doute pour plaire à quelque mystérieuse dame de ses pensées, lui dit un jour qu’elle voulait absolument connaître sa maîtresse. Viila-Mediana s’en défendit quelque temps ; mais enfin, cédant à sa curiosité, il promit de lui en envoyer le portrait. Le lendemain, la reine reçut un simple petit miroir, et s’y voyant elle-même elle, comprit aussitôt l’amour de l’Espagnol.