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XLVI
PRÉFACE.

y a de chimérique et ce qu’il y a de raisonnable dans les efforts et les espérances du socialisme français ; ce n’est pas là que vous pourrez prendre quelque teinture des progrès faits à notre époque par l’archéologie, la linguistique, la mythologie comparée ; ce n’est pas là, enfin, que vous vous initierez à ces grands travaux d’une théologie libre, qui disputent au surnaturel et s’efforcent de rendre à l’histoire les origines du christianisme. En matière de théologie, M. Dupiney ne dépasse pas le point de vue de Bossuet ; en matière de philosophie, celui de Descartes ; en matière d’histoire naturelle et d’anthropologie, celui de Cuvier et de M. Flourens. Le livre de M. Dupiney appartient, par l’esprit, au XVIIe siècle ; l’Église n’en interdira pas la lecture à ses fils. Lisez l’article Ange : vous y apprenez que « la croyance aux anges est du nombre de celles qui se retrouvent chez presque tous les peuples, à toutes les périodes de leur histoire, témoignage irrécusable de la légitimité de cette croyance. » Allez plus loin, vous rencontrez les mots Antechrist, Apocalypse, Apôtre, Ascension, Assomption, tous traités d’une façon également édifiante. L’orthodoxie sereine de M. Dupiney a fermé la porte à l’esprit du XIXe siècle ; elle répète les vieilles formules sans paraître même soupçonner la nécessité de les défendre, et d’essayer contre le flot montant de la critique et de la science un combat inégal.

Au moment où nous écrivons, l’auteur donne un complément à ce premier ouvrage ; ce complément est intitulé : Dictionnaire des noms propres ou Encyclopédie illustrée de biographie, de géographie, d’histoire et de mythologie. Comme cette publication ne compte encore que quelques mois d’existence, il nous serait difficile de la juger ; mais l’auteur n’est pas homme à démentir ses principes, et l’on peut affirmer dès aujourd’hui que le Dictionnaire des noms propres sera rédigé dans le même esprit d’indépendance et avec la même hauteur de vues que son frère aîné.

Dictionnaire général de la politique, par M. Maurice Block, avec la collaboration d’hommes d’État, de publicistes et d’écrivains de tous les pays, 2 forts vol. <span style="white-space:nowrap;"><abbr class="abbr" title="in-octavo">in-8<sup style="font-size:70%;">o (1864). Nous n’avons pas besoin de dire l’intérêt qui s’attache naturellement, sous notre régime de suffrage universel, à un ouvrage qui offre, sur toutes les matières politiques, des renseignements exacts et précis, et des opinions signées de noms autorisés. Comme la politique touche à tout : morale, philosophie, religion, géographie, art, industrie, économie politique, droit, histoire, étymologie ; comme tout ce qui se rapporte à la société rentre par quelque côté dans la politique, il y avait dans l’exécution du dictionnaire de M. Block une première difficulté, c’était d’en déterminer la matière, d’en circonscrire le cadre, de manière à ne rien omettre de ce qui est essentiel, à écarter ce qui est accessoire, et surtout à ne pas sacrifier l’essentiel à l’accessoire. On doit reconnaître que le choix des matières à traiter a été fait très-judicieusement ; des renseignements ou des faits qu’on peut être tenté de demander à cet ouvrage, il en est peu qu’on y cherche tout à fait en vain. Nous y signalerons cependant une lacune, à notre avis regrettable : c’est l’absence de bibliographie politique.

Une seconde difficulté que présentait l’entreprise de M. Block, c’était de maintenir entre les divers articles qui devaient composer son livre une certaine communauté de tendance, un certain degré d’unité. Comment M. Block a-t-il compris, sous ce rapport, la tâche qu’il s’était imposée ? Laissons-le parler lui-même : « Il est, dit-il, un fonds de vérités communes à toute notre génération et que les esprits les plus extrêmes peuvent seuls méconnaître… Ces principes, nous ne pouvions pas hésiter à les distinguer ; ce sont ceux qui ont été acceptés par les esprits les plus divers, et auxquels doivent rendre un hommage hypocrite ceux-là mêmes qui se croient intéressés à en saper les fondements. Combien peu, en effet, osent de nos jours nier l’efficacité de la liberté, la nécessité d’étendre le champ de l’initiative individuelle, l’action bienfaisante des progrès moraux et matériels, l’erreur manifeste des opinions extrêmes ! Or, ce sont ces principes qu’il s’est agi de développer et d’appliquer toutes les idées, à tous les faits qui se rapportent à la science du gouvernement… C’est sous l’inspiration de la modération, de la liberté et du progrès que nous avons commencé et achevé le Dictionnaire général de la politique, et c’est sous les auspices de ce que nous voudrions pouvoir appeler les trois vertus cardinales de la vie civile que nous le présentons au lecteur. » Ainsi, l’aversion pour les opinions extrêmes, la modération, l’efficacité de la liberté et de l’initiative individuelle, l’action bienfaisante des progrès moraux et matériels ; tels sont les principes que M. Block a inscrits sur son drapeau, tel est le lien qui réunit ses collaborateurs, telle est la couleur générale qu’il a voulu donner à son œuvre. Qu’on nous permette de dire que ces principes manquent de relief et de précision, que ce lien est trop lâche, cette couleur trop effacée, et que sous ce drapeau on peut venir se ranger de points trop différents.

Ouvrez le Dictionnaire général de la politique au mot Censure ; vous y trouvez un article très-honnête et très-modéré qui peut servir à juger du ton général du livre. « L’article de la charte de 1830, nous dit M. Dréolle, porte ces mots lisiblement écrits : La censure ne sera jamais rétablie ! Les historiens qui écrivent le règne de Louis-Philippe demanderont compte, sans doute, de cette promesse solennellement faite. Nous ne ferons, nous, aucun procès à ce règne éteint. La censure fut réglementée et, pour ainsi dire, échelonnée sur les livres, les images et les œuvres dramatiques. La révolution de 1848 brisa les échelons, et le second empire les rétablit dans la proportion qui lui parut nécessaire après une appréciation personnelle du trouble des esprits, de l’agitation des intelligences et du désordre des partis… La question est, nous ne l’ignorons pas, fort controversée.