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comme langue nationale. L’arabe devint un des idiomes les plus répandus du monde entier, et fut parlé par tous les peuples soumis h l’islamisme, depuis le Maroc jusqu’au fond de l’Inde, en Espagne, le long de la côte africaine jusqu au pays des Cafres, ou infidèles, etc. Les Persans, les Tartares, plusieurs nations indiennes l’adoptèrent comme langue littéraire. ■ Apprenez Tarais, dit le Prophète, car c’est la langue dans laquelle le Seigneur parlera à ses serviteurs au jour du jugement dernier. » Le Koran. qui est encore considéré comme un modèle inimitable, donne à la langue sa forme définitive.

L’araie possède une grammaire très-compliquée. Il a un alphabet de vingt-huit lettres, toutes consonnes, à l’exception des trois voyelles longues élif (a), waw (ou), ié «). Parmi ces lettres, les plus remarquables sont le kha, qui se prononce comme le ch allemand ; l’aïn, articulation sans équivalent dans nos langues ; le gkaïn, espèce de r fortement grasseyé : le tsé, analogue au th anglais, etc. Les voyelles brèves se marquent, dans les ouvrages élémentaires", ou les éditions du Koran, par trois signes : fatha (a ou e), kesra (i ou é), dhamma (o ou ou). Mais, dans l’usage ordinaire, ces voyelles brèves sont supprimées, et on supplée à leur absence dans la lecture de Y arabe littéral. L’arabe vulgaire, actuellement parlé, ne tient pas compte généralement de ces voyelles brèves, qui sont la plupart du temps nécessitées par les règles grammaticales de l’arabe littéral. Les grammairiens arabes font dériver du verbe toutes les autres parties du discours ; le radical d’un mot est pour eux la troisième personne du singulier masculin du prétérit ; cette racine est quelquefois quadrilitère, mais le plus souvent elle est trilitère. La langue arabe admet deux temps seulement : le prétérit et l’aoriste (comprenant le présent ou le futur) ; toutes nos nuances de temps s’expriment par ces deux temps uniques, précisés et déterminés soit par la construction, soit par le sens général de la phrase. L’impératif forme un mode spécial ; les modes indicatif, subjonctif, conditionnel et un autre particulier à l’arabe et nommé énergique, s’expriment au moyen de certaines modifications dans la terminaison du temps aoriste. La conjugaison s’opère en faisant suivre ou précéder le radical de lettres caractéristiques des nombres et des personnes. Le type radical adopté par les grammairiens arabes est le verbe faire, fa’ala. Les verbes peuvent recevoir plusieurs formes qui leur donnent des sens dérivés : la deuxième forme, car exemple, a un sens factitif, fa’ala, faire faire ; la sixième un sens de réciprocité et d’émulation, taqdtala, combattre l’un contre l’autre ; la neuvième désigne les couleurs, isfarra, être jaune ; la onzième, l’intensité de ces couleurs, isfàrra, être très-jaune ; la dixième, le désir, istaghfara, demander pardon, etc. L’arabe n’a pas de verbes irréguliers proprement dits, mais des conjugaisons spéciales pour certaines classes de verbes : verbes sourds, défectueux, assimilés, concaves, etc. Les substantifs ou noms d’action (masdar) dérivent de la racine verbale, soit par le simple changement virtuel des voyelles brèves, soit

Far 1 insertion des voyelles longues, soit par addition de quelques-unes des consonnes serviles n, m, s, t. Voici quelques exemples : ahsanou, la meilleure chose, de kasana, être bon ; tafarroudjoun, l’action de se promener, de farradja, se promener ; mamlakat, royaume, de malaka, posséder, etc. Les substantifs ont trois cas : le nominatif, caractérisé par la désinence ou, oun ; le génitif et le datif par i, in ; l’accusatif par a, an. Le pluriel, outre le procédé régulier qui est le moins usité, a un mode de formation (pluriels brisés) dont on. ne retrouve pas l’analogue dans nos langues indo-européennes, le plus souvent le mot singulier, en passant au pluriel, subit une transformation profonde, qui varie beaucoup suivant les mots, et n’est basée que sur des règles extrêmement vagues ; ainsi- qantaroun, pont, fait au pluriel qanâtiroun ; qaliboun, moule, qoualiboun, etc. Le procédé de dérivation méthodique des substantifs a permis aux Arabes de faire des noms d’instruments, d’unité, de métiers, de lieux, etc. L’arabe connaît deux genres, le masculin et le féminin ; trois nombres, le singulier, le duel et le pluriel. Les adjectifs dérivent également du verbe et sont classés en noms passifs ou actifs, suivant qu’ils dérivent d’un verbe subjectif ou objectif. Ils prennent les deux genres et les trois nombres. Il y a un article indéclinable et invariable el. Les pronoms sont déclinables, et de plus ils possèdent une forme particulière au féminin à la deuxième personne ; lorsqu’ils sont régimes, ils s’accolent aux verbes sous forme de suffixes. Les prépositions, les adverbes, les conjonctions, les interjections sont, comme partout, des particules indéclinables.

La construction arabe est peu compliquée. Elle est directe dans cette phrase : kana iouhibbou-sch-schira, il aimait la poésie ; inverse dans celle-ci : rakaba Djafaroun illa-s-saidi, monta à cheval Djafar pour aller à la chasse, au lieu de Djafar monta, etc. ; explétive dans cette autre : er-risalatou êllèti qaratouha, la lettre laquelle j’ai lu elle, au lieu de Que j’ai lue. Généralement, elle est analytique, parce qu’elle sépare soigneusement les différentes propositions par des conjonctions telles que eue, et ; le, certes, etc. ; elle est cependant extrêmement concise, surtout dans la poésie. On connaît la richesse proverbiale du lexique

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arabe. On peut évaluer à environ six mille le nombre des racines verbales, et à soixante mille le nombre de leurs transformations dans les différentes parties du discours. Hamsa el Isfahani rapporte qu’un grammairien portait le nombre total des formes à douze millions trois cent cinq mille cinquante-deux. Il faut alors entendre par formes toutes les modifications de temps, de nombres, de personnes, etc. Plusieurs grammairiens ont eu la patience de recueillir toutes les expressions qui pouvaient s’appliquer à un objet donné. On est ainsi arrivé à trouver cinq cents mots pour le lion, deux cents pour le serpent, quatre cents pour le malheur, mille pour l’épée, etc. Ce nombre prodigieux de mots ne doit nullement étonner, car chacun d’eux ajoute une idée secondaire, à l’objet qu’il détermine, et doit être considéré comme une véritable épithète prise substantivement.

Beaucoup d’expressions grecques sont passées dans la langue arabe, à cause des nombreuses traductions faites d’après les originaux antiques. Ce sont, pour la plupart, des mots techniques. Réciproquement, les Arabes ont donné aux Occidentaux beaucoup de mots, surtout dans les mathématiques, 1 astronomie, la chimie, etc. Ainsi : alcali, azimut, algèbre, nadir, etc. L’espagnol surtout s’est assimilé en assez notable quantité l’élément arabe : Guadalquivir, de ouad al kebir, la grande vallée ; alcoba, alcôve, de alcobba. Nos mots français magasin, coton, atlas, etc., ont également une origine arabe. L’idiome actuellement parlé par les Arabes diffère beaucoup, grammaticalement surtout, de la langue savante dont on vient de voir le système général. L’arabe vulgaire a considérablement simplifié les règles compliquées de l’arabe littéral. Les terminaisons caractéristiques des cas n’existent plus ; les voyelles purement grammaticales ont en général disparu, ou du moins sont presque inappréciables à cause de la manière rapide dont on les prononce. Ainsi le mot moubarikoun, béni, deviendra successivement moubarik, moubarek, mbareh, et enfin embarek. L’emploi du duel dans le passif est fort rare. Le génitif et les pronoms possessifs se rendent plus ordinairement par des périphrases : au lieu de kitabi, mon livre, on dira kitab’mtaï, le livre de ma possession. La première personne du pluriel remplace assez souvent la première personne du singulier à l’aoriste : nakoul, nous mangeons, au Heu de akoulou, je mange, etc. Il ne sera inutile de jeter un coup d'œil sur plusieurs dialectes arabes les plus importants. Le dialecte maure et le dialecte marocain ont subi d’assez grandes modifications à cause du contact des Espagnols, auxquels ils ont emprunté beaucoup de mots. Le maltais a reçu de l’italien une influence analogue, et même plus marquée. Cette alliance produit souvent un effet bizarre, comme dans les expressions suivantes : siggia, chaise ; missier, monsieur, père ; libera-na, délivre-nous (suffixe arabe) ; jerninnah, il détruira (préfixe arabe) ; i signuria tighaq (pour mtak), votre seigneurie. Il y a encore le dialecte égyptien, qui prononce le dj comme g dur ; le dialecte syriennes dialectes de Mésopotamie, de Nubie, des États b’arbaresques, du Darfour ; le maronite, le druse, le mapoule (côte de Malabar), le ciïaliate (Coromandel), le théhama, le bédouin, le mozarabe, idiome né de la fusion de l’hébreu et de l’arabe, et qui était encore parlé au xvc siècle dans quelques localités de l’Andalousie, etc.

En résumé, l’arabe est non-seulement le plus riche des idiomes sémitiques, mais encore une des langues les plus complètes du monde, à tous les points de vue. La connaissance de l’arabe présente de nombreux avantages aux Européens ; elle les initie à une littérature embrassant les genres les plus variés ; elle est indispensable pour savoir à fond le turc et le persan, dont le lexique contient au moins un tiers de mots arabes ; elle est précieuse pour l’interprétation des dialectes sémitiques morts ou vivants, spécialement pour l’hébreu, comme l’ont prouvé les beaux travaux d’Albert Schùltens ; enfin elle est d’une grande ressource pour toutes les relations politiques et commerciales avec les nations musulmanes.

L’arabe a été une des premières langues orientales étudiées en Europe. Au moyen âge, les savants allaient puiser dans les manuscrits arabes les sciences empruntées au grec. En 1587, Henri III fonda la première chaire d’arabe, au Collège de France.

— II, Écriture arabe. Le dialecte himyarite fut de bonne heure fixé par l’écriture. L’arphabet himyarite est appelé par les arabes elmousnad, le soutenu. Scetzen prétend en avoir découvert des inscriptions, qui se composeraient de caractères séparés, présentant quelque ressemblance avec l’alphaoet éthiopien. On a voulu aussi y retrouver quelque similitude avec le système graphique égyptien (hiéroglyphes) et indien (devanagari). L’Arabie septentrionale, quelque temps avant l’apparition de Mahomet, avait adopté un alphabet dérivé de l’ancien alphabet syriaque, l’estranghelo. On dit que ce fut Morar ben Morra, natif d’Anbar, qui l’apporta. Il reçut le nom de koufique, parce que 1 on fit plus tard avec cet alphabet de nombreuses copies du Koran dans la ville de Koufa. Cet alphabet, propagé partout par le Koran, fut en usage pendant environ trois cents ans dans les inscriptions numismatiques et tumulaires. Au ARA

jourdliui encore, les Africains s’en servent pour les titres de livres (à peu près comme on se sert chez nous des caractères gothiques comme ornementation). Cet alphabet était grossier et primitif : les points diacritiques n’étaient pas marqués ; les voj’elles étaient désignées par des points de différentes couleurs.

' L’alphabet koufique, comme l’alphabet’hébraïque et l’alphabet estranghelo, se composait de vingt-deux lettres. L’écriture carmatique est la même que l’écriture koufique ; seulement, les traits sont plus fins : c’estdans ce caractère que sont les inscriptions arabes du Dauphiné et de la Sicile. Vers le ivc siècle de l’hégire, Ibn Mocla de Bagdad imagina l’écriture cursive, usitée aujourd’hui dans les manuscrits et les livres arabes ; elle fut perfectionnée par Ibn Bawwab. Cette nouvelle écriture fut nommée neskhi (du vecbe nasakha, copier), parce qu’elle servait aux transcriptions des manuscrits. On employait comme instrument le roseau ou qalem (caïamus) taillé, à la place du qalem non taillé usité pour le koufique. On changea aussi à cette époque l’ordre des lettres de l’alphabet, en rapprochant celles qui se ressemblaient. La calligraphie était, et est encore aujourd’hui, un des arts les plus estimés par les Arabes. L’écriture neskhi a donné naissance à plusieurs variétés : le caractère mogrebin, ou maure ; le caractère diwani, oui sert à écrire les pièces officielles et les diplômes impériaux j le caractère iagouti ou rihani, employé dans les talismans ; le soulousi (triple), espèce de ronde, trois fois aussi grosse que le neskhi ; le taliq (suspendu), écriture gracieuse employée par les Persans, principalement dans leurs poésies ; le schikeslé (brisé), caractère excessivement cursif et assez difficile à déchiffrer, également usité chez les Persans ; la siaqa, sorte d’écriture secrète dont on se sert en Turquie pour les comptes, les documents statistiques, etc. Le caractère arabe joue le même rôle chez les nations musulmanes que le caractère latin chez les nations chrétiennes ; il a été adopté en Turquie et en Perse ; il est souvent employé pour l’indoustani et quelques dialectes indiens, pour le malais et quelques autres idiomes

— III. Littérature arabe. L’histoire de la littérature arabe commence quelques générations seulement avant Mahomet. Cependant, même avant Jésus-Christ, les Arabes jouissaient d’une certaine réputation chez les Hébreux, car dans le Livre des Bois, la sagesse de Salomon est comparée à celle des Égyptiens et des Arabes. L’épisode de la visite de la reine de Saba montre également que les Arabes avaient acquis un certain degré d’instruction et de culture littéraire. C’est cependant sans fondement sérieux que quelques auteurs ont admis l’existence d’une littérature arabe de beaucoup antérieure à Mahomet, et anéantie par les musulmans. Les Arabes désignent sous le nom de djahihja (période d’ignorance), l’espace de. temps qui s’écoula avant l’arrivée du Prophète ; mais il faut donner à cette exprès Arabes étaient une nation indépendante et brave, aimant les combats, respectant les droits sacrés de l’hospitalité, et pleine d’enthousiasme pour ses poètes, qui chantaient cette vie aventureuse et primitive. Chaque année, avait lieu la grande toire d’Ohâz, qui, comme les jeux Olympiques en Grèce, était le rendez-vous de tous les poètes arabes. On attachait aussi un grand prix aux généalogies, aux traditions de famille, à l’astrologie et à 1 interprétation des songes. Quand Mahomet apporta la nouvelle religion, la poésie entra dans une autre phase. Le Koran devint un modèle inimitable, que personne ne pouvait surpasser, et le triomphe. de Mahomet fut complet lorsque le célèbre poëte Lébid, son ancien ennemi, proclama comme divin un fragment de la deuxième sourate et se convertit à l’islamisme. Les califes de la maison du Prophète, aussi bien que les Ommiades, exagérèrent encore ce culte aveugle pour le livre saint, qui était à leurs yeux le fondement de toute sagesse et de toute science. Cependant, dans maint passage du Koran, Mahomet fait l’éloge de la poésie et du savoir ; ainsi c’était bien mal interpréter les paroles du Prophète que de brûler, comme Amrou, la bibliothèque d’Alexandrie, ou de jeter à l’eau, comme le fit Saad, sur l’ordre d’Omar, d’immenses collections de livres persans.

Voici un rapide résumé, de l’histoire de la littérature araoe.

La poésie est, sans contredit, le genre que les Arabes ont cultivé avec le plus de succès et d’originalité. Les poèmes antérieurs à l’apparition de Mahomet sont pleins de caractère et portent bien l’empreinte de la vie active des peuples du désert. On y chante la valeur, l’hospitalité, la victoire, 1 amour. Les poëtes étaient en même temps guerriers. Tout Arabe de noble race devait savoir manier aussi habilement le vers que l’épée. Tout événement remarquable, un combat, une vengeance, un péril vaincu, étaient autant de sujets sur lesquels s’exerçait l’inspiration des chantres du désert. L’improvisation surtout, comme aujourd’hui encore, était tenue en grande estime. La plupart de ces poèmes ne dépassent pas vingt ou trente vers et ne traitent qu’un seul sujet ; d’autres en contiennent de trente à cent, et roulent souvent sur l’amour ; ce sont les Qacidas. Abou Temam en a réuni un certain nombre en forme d’anthologie : il y a des éloges

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ce guerriers célèbres, des élégies, des satires, des chants d’amour, des descriptions, des épigrammes. Il existe une autre collection, nommée le Petit Hamasa, formée au ixe siècle par Aboul Oualid ibn Obeid Bokhtari. À la même époque appartiennent les sept fameuses Moallaqas (ainsi nommées parce qu’elles avaient été suspendues au temple de la Kaaba), appelées aussi Mouzahabât (les dorées). Le plus ancien de ces poëtes est Tarafa, qui périt a vingt-six ans, victime de sa verve satirique. On cite encore Nabegha ; le prince Ainrou ben Kelthum, qui soutint avec Hareth bon Helsa un combat poétique devant le roi de Hira ; Antar, encore populaire chez les nations arabes ; Soheir ; Amroulkaîs, l’ennemi de Mahomet ; Lébid. Le morceau principal de la Moallaqa est celui dans lequel le poëte célèbre les charmes d’une femme qu’il n’a jamais vue (Nasiba). L’amour était donc alors, comme chez les troubadours, un simple thème de convention. C’est ainsi que le calife Moavia, montrant quelque mécontentement parce que Abderrahman ben Hassan avait trop souvent répété les louanges de sa fille, le poëte lui répondit : « Si j’avais-trouvé une femme plus belle, je l’aurais chantée de préférence. « Pour l’ordinaire, dans les Moallaqas, le poëte suppose sa bien-aimée loin de lui, et déplore les peines de l’absence. Dans les poésies moins anciennes, les louanges de Dieu, du Prophète, des nobles et des princes protecteurs du poète jouent un très-grand rôle. Souvent aussi les Arabes ont écrit de sanglantes satires (hidja), qui ont quelquefois attiré à leur auteur de cruelles vengeances. Le caractère de la poésie arabe est donc de présenter réunis dans une seule pièce le genre lyrico-héroïque, élégiaque, erotique et satirique. Ces compositions retracent avec une extrême fidélité la vie un peu monotone de ces peuples aux mœurs patriarcales. Parmi les auteurs d’anciennes poésies présentant une étendue assez considérable (ue vingt à cent vers), il faut citer : Sclianfara, célèbre par sa rapidité à la course ; Nabegha Zobyan ; Motalammès, Férasdak, Zoul Remma ; Ascha ; le panégyriste de Mahomet, Cab ben Zoheïr, et le satirique Djérir. Il ne faut pas oublier le célèbre héros Tabatha-Charran, fameux par ses aventures guerrières. Voici comment 1 imait Hasali caractérise quelques-uns de ces chantres : « Amroulkaîs est poëte quand il est à cheval, Tarafa quand il salue, Nabegha quand il montre son orgueil, Zoheïr quand il désire. » La tribu de Houdeil a produit plusieurs générations d’excellents poëtes, qui rivalisent avec les Koreïschites, dont ils étaient les ennemis acharnés. Leurs œuvres réunies sont contenues dans le divan des Houdeïlites.

Sous les successeurs de Mahomet et les Ommiades, l’élan poétique se ralentit sensiblement. Avec les Abbassides commence

une véritable renaissance pour les lettres. La poésie entre dans une phase nouvelle. La recherche et le fini précieux deviennent en vogue ; cette période a le cachet artistique qui caractérise toutes les époques de régénération intellectuelle. Les poëtes sont des puristes, qui connaissent à fond et manient savamment la langue, des flatteurs qui chantent avec grâce les louanges de leurs nobles protecteurs. Le style large et mouvementé des anciennes Moallaqas fait place à une manière réfléchie, posée, et soigneuse de la forme. Les’poëtes étaient royalement récompensés : ainsi Abou Temam reçut d’un

prince arabe, auquel il avait adressé quelques vers élogieux, 50,000 dirhems : dans une occasion semblable, Taher en donna 300,000 à Abou Nawwas, pour un tercet. Les noms les plus célèbres de cette époque sont ceux d’Ebn Doreïd, du vaniteux Motanabbi, du poeto aveugle et indépendant, Abou Lola, d’Omar J ibn al Faredh, etc. À ce moment apparaissent les compositions didactiques, ou poëmes techniques sans aucun mérite, concernant la grammaire, la prosodie, l’astronomie, la jurisprudence, etc. La poésie dramatique et exclusivement épique est inconnue aux Arabes. La poésie arabe n’aime pas les œuvres complexes et de longue haleine ; ses sujets préférés sont les sentences concises, ou les pièces d’une faible étendue. Les Arabes possèdent de nombreuses anthologies poétiques. L'œuvre complète d’un poëte porte le nom de Diwan. Après la chute de la dynastie abbasside, la poésie tombe en décadence, et n’est plus représentée que par un assez grand nombre d’auteurs médiocres.

Les Arabes possèdent des recueils de rhétorique (mahadirâh), qui contiennent leurs plus beaux morceaux oratoires. Ils ont aussi des choix de proverbes rangés alphabétiquement (celui du grammairien al Meidani, par exemple, qui contient environ six mille proverbes). Ils affectionnent beaucoup les fables, les apologues, tels que nous en voyons dans la Bible. Les deux plus célèbres ouvrages de ce genre sont le livre de Calila et Dimna, traduit du persan et ayant une origine indienne, et les tables de Lokman, qui ont servi de type à celles d’Ésope et de Phèdre. Ils sont également grands amateurs d’énigmes, de jeux de mots. Le maître en ce genre est Mohammed el Kasim Hariri, dont les cinquante makamat traitent d’une foule de choses curieuses et jouissent d’une grande réputation en Orient. Il ne faut pas oublier de mentionner, parmi les ouvrages en prose, le livre des Mille et une Nuits (Elf leïla ou leïla), aussi populaire en