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plus artistement découpé que ce petit récit à quatre personnages. M. de Chateaubriand n’a rien trouvé de plus pur ; mais, si j’ose le dire, le tout est trop jeté dans la forme chevaleresque et classique. Il y a un peu de sécheresse, Je roideur et de maigreur ; on est loin de la sève surabondante d’Atata,

Au mot Abencérages, le Grand Dictionnaire a donne quelques lignes d’explication sur cette famille célèbre et sur la charmante nouvelle de Chateaubriand. Mais cette notice, qui était plutôt historique que bibliographique, ne pouvait nous dispenser de donner ici, à son véritable titre, l’analyse d’une des perles les plus brillantes de notre littérature.

Aventure de magistrat (une), nouvelle par

Ch. de Bernard ; Paris, 1832. — Pauvre M. de

!a Rochette 1 II avait à peine atteint la trentaine,

et, à force de travail et de bonne conduite, il était procureur du roi à Dijon, et sur le point d’épouser la plus riche héritière de la ville, M’f« de Genancourt, lorsque tout à coup, par une ironie du sort, il lui prend une irrésistible envie d’oublier ses trente ans de sagesse, de jeter aux orties ce froc d’innocence, de divorcer avec tous ses principes, de commettre quelque chose de prohibé, d illégal, d’extrajudiciaire. Lui, le magistrat sans faute et sans reproche, le parangon de vertu, le voilà pris de tentations diaboliques, et cela parce qu’il a vu passer devant lui, à la promenade, un petit jeune homme aux cheveux noirs, aux yeux ardents, à la main blanche, aux dents de perle, aux lèvres de corail. Un jeune homme !... proh pudorf non, car il a deviné que sous l’habit masculin se cache une femme, et la plus jolie, la plus gracieuse, la plus séduisante que Dijon, étonné, ait jamais vue dans ses murs. Et voilà le- magistrat qui se lance à la poursuite de ce latin, au grano ébahissement des Dijonnais, qui, en le voyant aller comme un fou à travers les rues de la ville, se demandent quelle mouche a pu piquer M. le procureur du roi. Mais le latin court pjus vite que le ■ procureur, qui, au détour d’une rue, se jette daHs les bras d’un de ses amis de collège, Jules de Puyseul. Tous deux rentrent au logis, et de la Rochette fait ses confidences à son camarade. Or, et voici où l’affaire se complique singulièrement, le jeune dandy féminin que poursuit de la Rochette n’est autre que Paola, la femme d’un bijoutier de Paris, que Jules de Puyseul a très-fn/imement connue, et qui n’est venue à Dijon que pour s’opposer au mariage projeté par son

ami, surtout lorsqu’il apprend qu’il est sur le point d’épouser Mlle de Genancourt. En effet, Jules de Puyseul, muni de lettres d’introduction, n’est venu à Dijon que pour solliciter la main de cette même damoiselle, et il se garderait bien d’épargner à son rival la folle escapade qui le forcera à lui céder ta place. Au contraire, il l’engage à aller voir Paola, dont il lui fait adroitement deviner l’adresse, et il se prépare, de son côté, à se présenter dans la famille Genancourt. De la Rochette ne se fait pas prier, et à peine est-il sorti, laissant son ami seul dans son cabinet, qu’un homme se présente à l’effet de requérir l’autorité du procureur du roi pour l’aider a retrouver son épouse, enfuie, comme Hélène, du toit conjugal. C’est le bijoutier, le Ménélas de Paola, que Jules de Puyseul envoie généreusement à l’adresse déjà indiquée au magistrat.

Nous renonçons à donner une idée des scènes qui suivent. Le procureur du roi, enfermé avec la jeune femme et sur le point d’être surpris par le mari flagrante delicto ; l’obligation ou il se trouve, lui, l’homme grave par excellence, le représentant de la justice, de se cacher dans une armoire dont !a porte lui comprime la poitrine et lui semble lourde et sinistre comme le couvercle d’une bière ; ses réflexions pendant son séjour dans l’armoire ; les articles du code qui flamboient devant ses yeux, et que, dans son âme et conscience, il se voit contraint de s’appliquer : sa sortie pittoresque de l’armoire i, ui se défonce ; l’effraction qu’il se voit forcé de commettre, tant il est vrai que abyssus abyssum iinocat ; l’arrestation illégale dont il donne l’ordre ; tout cela ne peut se raconter ; il faut faire ce qu’a fait M. Victorien Sardou, il faut le lire, si l’on veut avoir une idée de ce que peuvent la verve et l’humour du conteur.

Tant il y a, que l’histoire fait scandale dans Dijon ; que le pauvre magistrat est transféré ithco au fond de la Corse, et que, naturellement, Mlle de Genancourt épouse Jules de Puyseul. « J’en conviens, dit hypocritement celui-ci à son ami, oui se désespère, pour une fois que tu as.voulu te désenrobiner, tu as joué de malheur ; mais il te reste une consolation, et celle-là suffit aux grandes âmes.-Quelle consolation ? demande M. de la Rochette.—Ton innocence, • répond d» Puyseul. Cette Aventure d’un magistrat est racontée avec tant de verve et d’esprit, est si pleine de situations gaies et comiques, qu’elle ne

Fouvait manquer de tenter, un jour ou l’autre, objectif d’un de nos faiseurs de vaudevilles. C’est si tentant de lorgner Y enclôt du voisin quand on n’a pas de jardin à soi. C’est M. Victorien Sardou oui s’est chargé de l’escalade, et il a tiré de l’original une épreuve assez satisfaisante, qu’il a baptisée : les Pommes du voixiir. Ce vaudeville, joué en 1864 au théâtre du Palais-Royal, a donné lieu, contre l’auteur, & des accusations de plagiat et de larcin Iitté AVE

raire. dont il s’est, à notre avis, assez bien disculpé. Nous en reparlerons à propos des Pommes du voisin, auxquelles leur parenté avec Ch. de Bernard donne droit à une place dans le Dictionnaire du xixe siècle, et là nous examinerons’— ce sera très-amusant— si M. Victorien Sardou avait le droit de voler les pommes du voisin, sans mettre au moins le pommier sur l’affiche, et — ce qui sera plus amusant encore — si M. Édouard Fournier, le grand pourfendeur des plagiats historiques et littéraires, avait celui de reprocher à M. Sardou ce péché mignon. Toute la morale de cette acre polémique se résumera dans ces proverbes : Les loups ont vraiment tort de se dévorer entre eux. — Si tu es morveux, ne ris pas de la roupie qui se balance au nez de ton voisin. — Tu vois une paille dans l’œil, etc., etc., etc.

Avci.i..rc. de Pierre Simple, roman anglais par le capitaine Marryat (1834). Le capitaine Marryat, en vrai marin, comme l’a été Cooper, a retracé dans ce roman des aventures ordinaires, qui toutes ont pu arriver à un marin dont la vie- aurait été traversée par un grand nombre d’accidents et de dangers. Pierre Simple est un jeune homme d’une famille noble, mais d’une branche cadette et naturellement pauvre, qui entre, à quatorze ans, dans la marine anglaise avec le grade de midshipman, et en sort plus tard pour se marier et recueillir l’héritage de la pairie que lui laisse la mort d’un de ses oncles, lord Privilège. Ces sauts" brusques d’une position inférieure à la chambre haute ne sont pas rares en Angleterre ; de là vient que l’on voit sur les navires tant d’élégance native, de dignité, de bon ton, et parfois aussi, dans la société la plus relevée de Londres, des vices ramenés de tous les coins du globe, des désordres extraordinaires, qui font que les plus grands

seigneurs d’Angleterre rivalisent de cynisme et de grossièreté avec le dernier des matelots. Pierre Simple est un jeune homme de quatorze ans, menacé de mourir de faim à moins qu’il n’obtienne de vivre aux dépens de l’État, dans un de ces emplois qui sont la taxe des pauvres de l’aristocratie anglaise. Pierre Simple, qui, chose assez rare pour un Anglais, n’a jamais vu la mer, est donc embarqué comme midshipman. Comme il a des sentiments d’honneur et qu’il ne manque pas de courage, ses qualités lui attirent un protecteur dévoué, O’Brien, plus âgé que lui, et qui lui voue l’amitié la plus sincère. Dès la première croisière, en donnant la chasse à un bâtiment français dans le golfe de Gascogne, la frégate, s’étant approchée de la côte, est surprise par un ouragan et poussée avec une force irrésistible sur des brisants ; mais le sang-froid du capitaine sauve le bâtiment d’un naufrage qui paraissait inévitable. Bientôt, Pierre Simple assiste à l’attaque d’une batterie de côte, reçoit une balle dans la cuisse, et, pendant que son fidèle O’Brien essaye de le sauver, ils sont faits tous deux prisonniers. Au lieu d’aller en prison, Pierre Simple, à cause de sa blessure, est recueilli chez un colonel français et soigné par sa jeune fille. Rien de pur et de poétique comme l’attachement que se vouent bientôt les deux jeunes gens. Mais, à peine sa blessure fermée, Pierre Simple est obligé d’aller retrouver en prison son ami O’Brien, avec lequel il ne tarde pas à s’évader. De retour dans sa patrie, Pierre Simple surprend à son aïeul une recommandation a l’amirauté en faveur d’O’Brien, et ce qui avait été refusé au mérite du jeune officier lui est aussitôt accordé. O’Brien est nommé capitaine d’un brick de dix-huit canons, et, pour comble de bonheur, Pierre Simple en est le lieutenant. O’Brien part pour aller croiser devant la Martinique ; un jour, il envoie Pierre Simple, avec les embarcations du navire, pour aller enlever un bâtiment ; mais un ouragan furieux brise les chaloupes sur le rivage, et Pierre Simple, après avoir couru le danger de périr, est une seconde fois fait prisonnier. Or, tandis que Pierre Simple devenait lieutenant, le colonel qui l’avait accueilli dans sa première captivité devenait général et était nommé au commandement de la Martinique. On comprend que cette seconde captivité ne fut pas bien dure. De son côté, la’jeune fille était devenue une femme adorable. Son cœur seul n’avait pas changé. Le mariage est fixé à la cessation des hostilités, et Pierre Simple, rendu à la liberté, retourne en Angleterre recueillir un héritage magnifique et s’asseoir sur le fauteuil de la pairie. Pierre Simple est un des romans les plus connus et les plus intéressants du capitaine Marryat ; il a eu presque autant d’éditions en France qu’en Angleterre, et ce succès a été dû sans doute en partie à l’élégante traduction de M. Defauconpret.

Aventures de Jean-Paul Choppart (LES),

roman publié en.1837, par M. Louis Desnoyers. Le mot de roman est impropre, appliqué à une œuvre de ce genre ; mais la langue n’en possédant point qui corresponde à l’idée éveillée en nous par sa lecture, nous sommes obligé de l’employer. C’est, en effet, une sorte de cours pratique de morale, où chaque fait apporte avec lui son enseignement. De tous les ouvrages écrits pour les enfants, celui de M. Desnoyers est sans contredit le meilleur, le chef-d’œuvre du genre. L’auteur est le Berquin du xixe siècle, et bien plus l’ami des enfants’ que Berquin lui-même, car il sait mieux, descendre à leur portée et se faire petit

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avec les petits. Hormis ceux qui se sont occupés d’enseignement, il est peu d’écrivains qui se doutent de l’extrême difhculté que présente un livre destiné à la jeunesse. Il faut d’abord que l’auteur oublie tout ce qu’il sait et se demande, après chaque ligne : Si j’avais huit ans, serais-ie en état de comprendre cette phrase ? Voilà, pour la forme, le critérium à consulter ; pour le fond, l’embarras est encore bien plus grand. Nous allons poser quelques règles qui nous feront mieux comprendre.

La première condition, pour une œuvre destinée à l’enfance, c’est quécette œuvre ne renferme rien qui puisse susciter dans l’esprit de ses jeunes lecteurs des idées, des sentiments, des curiosités, qui soient au-dessus de leur âge. La seconde condition, c’est que la moralité de l’œuvre soit pure, et, de plus, d’une application réelle et actuelle. La troisième condition, c’est que l’ouvrage soit écrit en

  1. bon et pur français, de telle sorte que les enfants

ne désapprennent pas, en le lisant, cette grammaire qu on a tant de peine à leur ap Frendre. La quatrième condition, c’est que ouvrage soit amusant et intéressant. La cinquième, enfin, c’est qu’il instruise en même temps qu’il intéresse et amuse. Telles sont les règles que doit observer tout auteur qui écrit pour l’enfance.

Excepté quelques ouvrages, comme le Hobinson Crusoè, presque tous ceux qui s’adressent à l’enfance sont puérils, mal écrits, inutiles ou dangereux. Berquin*n’est pas toujours d’une moralité scrupuleuse : un grain d’amour se mêle parfois à ses idylles ; Perrault, dans ses Contes de fées, éveille des idées du même genre. Dans la bibliothèque du jeune âge ne devraient figurer que des livres également avoués par la morale, le bon sens, la grammaire et le bon goût. Or, nul ouvrage ne satisfait mieux à ces différentes conditions que les Aventures de Jean-Paul Choppart. Le héros du livre, fainéant, gourmand, insolent, taquin, hargneux, peureux, sournois, n’est cependant pas essentiellement méchant ; mais il a besoin des leçons de l’adversité pour se corriger. À la’suite d’une escapade, il s’enfuit de la maison paternelle, et de cette première faute en découlent plusieurs qui reçoivent chacune un châtiment immédiat. Nous le voyons tour à tour mis en prison comme voleur, se sauvant avec le fils du garde champêtre, qu’il débauche, garçon meunier, saltimbanque, jusqu’au moment où la honte etle repentir le jettent aux pieds de ses parents, qui lui pardonnent de grand cœur. Qu’a-tril récolté dans son odyssée de quinze jours, sur une surface de dix lieues carrées ? La faim, la soif, la honte, bon nombre de corrections ; en un mot, le châtiment sous toutes ses formes.

Ces aventures, tout amusantes et comiques qu’elles sont, font réfléchir. La morale du livre se dégage avec une évidence qui dispense de tout commentaire : obéissez à vos parents, précepte que la religion traduit ainsi :

Afln de vivre longuement.

D’autres enseignements accessoires se présentent encore à l’esprit du lecteur. Une première faute en amène toujours d’autres. Le vice est semblable à la toile dont l’araignée se sert pour envelopper ses victimes. Aussitôt qu’une pauvre petite mouche a frôlé ce gluant tissu, c’en est fait d’elle. L’imprudente a beau se débattre, le fil l’enlace, la presse, la roule, l’enchaîne, de plus en plus inextricable. Il est bien rare qu’elle parvienne à s’en tirer. Habituons-nous dés l’enfance à ne pas nous montrer trop faibles de caractère, trop faciles à entraîner ; craignons le sort du fils du garde, qui est puni de sa crédulité aux promesses trompeuses de Jean-Paul par une bonne part des horions qui pleuvent sur son camarade. Comme l’a dit fort bien un de nos poètes : Et même en punissant, un père est toujours père. M. Choppart avait lancé à la suite du fugitif un serviteur fidèle, qui, dans les circonstances critiques, lui apparaissait comme le dieu de la vengeance. Ce serviteur est l’image de la conscience, qui nous torture par le remords lorsque nous ayons mal agi, et souvent nous sauve au moment du danger.

Il est inutile d’insister sur la valeur de ce iivre ; après avoir posé les règles du genre et r’it qu’il y satisfait en tout point, d’autres éloges seraient superflus. Il ne nous reste plus qu’à constater le mérite du style, clair, net, pur, châtié, naturel et plein d’élégance. L’auteur a si bien compris que ce petit chef-d’œuvre était le plus beau fleuron de sa couronne littéraire, qu’il a pris la peine de le retoucher entièrement pour ajouter à sa perfection. Il l’a même enrichi de nouveaux chapitres sur les charlatans, que nous aurions préféré ne pas y voir figurer, car ils semblent plutôt destinés aux jeunes gens qu’aux enfants. Un défaut, qui n’est d’ailleurs que l’excès d’une qualité, et que nous ne signalons que pour éviter le reproche de critique trop indulgent, c’est l’esprit. L’auteur est parfois trop spirituel ; mais pour nous, lecteurs d’un âge mur, nous espérons bien que o’est là un défaut dont M. Louis Desnoyers ne se corrigera jamais.

Par suite d’une erreur typographique, plusieurs éditions des Aventures de Jean-Paul Choppart sont désignées comme imitées de l’allemand ; nous sommes heureux de revendiquer ce chef-d’œuvre comme un produit exclusif de l’esprit français.

Nous terminerons par un mot : il nous sera- i

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ble impossible qu’un enfant bien élevé, ayant malgré cela quelques petites peccadilles sur la conscience, et qui vient de lire d’une seule haleine les Aventures de Jean-Paul Choppart, ne s’en aille pas immédiatement se jeter dans les bras de ses bons parents, en les suppliant tacitement de lui pardonner les causes de mécontentement qu’il a pu leur donner. Cetté

lecture rattache plus intimement l’enfant à la maison paternelle, et resserre les liens qui l’unissent à ceux qui lui ont donné le jour ; et c’est là le critérium des livres moraux et utiles.

Aventure ! de Bobert-Hobert cl do son ami Tom.nlni-Laveneiie, roman publié en 1840, par M. Louis Desnoyers. Cette histoire, écrite pour les enfants, renferme un enseignement qu’il ne faut dédaigner à aucun âge : rien n’est impossible à l’énergie morale, qui, en dépit de tous les obstacles, triomphe par la seule force de la volonté. Robert-Robert, un enfant, embarqué sur un vaisseau qui fait naufrage et perd son capitaine, a acquis un tel ascendant sur ses compagnons, grâce à son courage calme et réfléchi, qu’ils le reconnaissent d’un commun accord pour le chef digne de les commander. À côté de lui, comme contraste, nous voyons grimacer la figure comique de Toussaint-Lavenette, que ses parents lui ont donné pour protecteur, et qui s’estime heureux de devenir son protégé. En troisième ligne apparaît un autre caractère, Griffard, l’envie lâche, qui rampe comme le serpent, et qu’il ne faut pas confondre avec cette noble envie qui fait marcher ceux qu’elle enflamme sur la trace des héros.

Après une série d’aventures, de luttes, de dangers, les naufragés reviennent en France, où chacun reçoit la récompense due à sa conduite : Robert-Robert la croix d’honneur, Griffard la mort.

L’auteur, écrivant surtout pour la jeunesse, n’a point orné son livre de reflexions philosophiques ; la morale ressort des événements eux-mêmes. C’est une série d’aventures qui se déroulent sous les yeux du lecteur comme les vues d’un panorama ; mais elles sont si attachantes, que chacun entre dans le rôle du héros, combat et triomphe avec lui, et tremble souvent pour Robert-Robert, que rien n’étonne et qui ne sait pas trembler. L’énergie de son caractère est bien faite pour exciter l’admiration des enfants, à cet âge où le cœur naïf cède volontiers à ses entraînements, admirant ce qu’il faut admirer, haïssant ce qu’il faut haïr.

Les caractères sont dessinés avec une grande vérité. Toussaint-Lavenette est un type parfait de ces braves gens, crédules et peureux, qui, n’ayant jamais soupçonné de leur vie ce que peut être le danger, frémissent lorsqu’ils se trouvent face à face avec lui, et fournissent un aliment aux railleries des hommes qui ont appris à vivre dans les épreuves et la souffrance. Quant à Griffard, trop lâche pour s’élever par lui-même, il croitrampant et en écrasant les autres

s le v

rappelle le mot de La Fontaine ; « Tel qui veut engeigner autrui, s’engeigne lui-même.t

Les tableaux de cette œuvre amusante sont bien trouvés ; la mise en scène est brillante, les détails mesurés et bien choisis. Quant au style, il est conforme au but du livre. Écrit pour des enfants, il est simple, clair, familier, vif ; le sujet est assez intéressant par lui-même pour se passer des ornements de la diction. On croirait assister à une conversation entre les différents personnages et le lecteur, qui se retire charmé de cet entretien, dans lequel lui ont été révélées la puissance de sa volonté et la supériorité de sa nature sur les forces matérielles.

Aventure» (rnlnnlr. de Margot (LES), roman

par Arsène Houssaye ; Paris, 1837. Margot est une belle jeune fille de la vallée de Martigny, qui a seize ans, des yeux noirs, une baraque, un jardin, une chèyre blanche, trois poules, un coa et la bénédiction de sa mère. Margot aime les fleurs, les bois, le ciel bleu, les courants d’eau vive ; mais, sL belle qu’elle soit, la nature ne remplit pas toujours le cœur, et l’idée est venue à Margot, pauvre colombe solitaire, de chercher un ramier. Ce ramier est Jacques, le garde-moulin, un assez beau garçon ; tout blanc de farine et de naïveté, mais qui a le double travers d’être poète et amoureux. Le moulin est pour Jacques ce que la cathédrale est à Quasimodo, une patrie, un monde. Son cœur bat au tic-tac du moulin, mais, hélas I ce n’est pas pour Margot, c’est pour M"» Clotilde Dertnanes, belle dédaigneuse aux grands airs, tille du seigneur du lieu. Jacques, tout humble et tout enfariné qu’il est, n’aspire à rien moins qu’à secouer la poussière ou moulin. Il aime Mlle Dermanes, jusqu’à venir è Paris pour elle, jusqu’à étudier et se dire homme de lettres, jusqu’à se faire de meunier académicien. Jacques arriva ainsi à toucher le cœur de Clotilde : mais il ne trouva, au fond de cet amour de grande dame si désiré, que mensonge et clinquant. Il savait désormais la vie, et toutes ses illusions s’étaient envolées. L’iétait assez, avec de l’amour, pour être heureux. Or, Margot, la pauvre fille, n’avait pas cessé d’aimer Jacques, comme la colombe le ramier infidèle...

On le voit, ce roman est, en dépit du titre,