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qu’en action apparente-, et cependant tout l’avenir d’Octave est enveloppé dans les brumes de cette période ; c’est dans la confusion, dans l’anarchie de ces luttes mesquines, qu’il jeta les fondements’de sa puissance.au milieu de ces petits événements qu’il faisait naître ou qu’il tournait à son profit. Il n’est rien dans l’État, il n’a rien qu’un nom emprunté dont l’éclat contraste avec sa médiocrité’ et sa faiblesse : demain, il sera tout, il remplira le monde. S’il n’a point le génie qui fascine et éblouit, il aura la patience rusée qui endort les soupçons, qui amollit les résistances, et s’il ne peut prétendre encore àcohquérir le pouvoir, il saura du moins s’y glisser S l’ombre du grand nom de César.

Réconcilié pour un moment avec Antoine, qui était encore consul, il jugea de son intérêt de contribuer à lui faire.échanger le comrhan- ’ dément de la’Macédoine contre l’importante position de la Cisalpine, où dominait Decimûs Brutus, un des meurtriers de César. Antoine n’en lit pas’moins échouer sa candidature au tribunat, pour défaut d’âge, tandis qu’il rappelait ses légions de Macédoine, dans le but avoué de marcher sur la Cisalpine, et vraisemblablement aussi pour dominer ses ennemis. Mais Octave, sans vaines paroles et’ sans bruit, envoyait en même temps des émissaires de tous côtés pour rallier à sa cause les vétérans dispersés en Italie et jusqu’aux propres soldats de son rival, à mesure qu’ils débarquaient à Brindes. Celui-ci partit en. toute hâte pour arrêter la défection, et, après une vaine tentative pour faire accuser trahison Octave, qui levait des troupes sans mission officielle, il conduisit ses légions en Cisalpine pour reconquérir cette province, resserrer son alliance avec Lépide et Plancus, qui commandaient la Gaule et l’Espagnej se mettre en mesure d’imposer au sénat, qui lui échappait, et sans doute aussi, se flattant d’entraîner le gros du parti césarien, pour franchir le Rubicon à son tour et recommencer l’histoire du dictateur.

Mais Octave, semant l’or de tous côtés, se

frésentaht a la plèbe et aux soldats comme héritier infortuné du grand César, avec la « candeur touchante de sa jeunesse, avec ses élans faciles de piété filiale, ses savants artifices de femme, ses larmes, ses prières, sa faiblesse, ses inconséquences habiles, sa feinte docilité, gagnait tous les cceurs ; il parvint à se faire accepter non-seulement du peuple et des soldats, mais encore du sénat, qui s abandonna à l’illusion dé s’en faire un instrument-contre Antoine. Ce grand politique du

mensonge, ce précoce génie de l’astuce, s’était, assuré, comme nous l’avons dit, un solide" appui dans le sénat par Cicéron, en flattant la vanité enfantine du vieillard1, en l’appelant son père, en se livrant entièrement à ses conseils, en lui témoignant la plus profonde vénération, en s’associant enfin’à sa haine contre Antoine, le soldat violent et grossier. Aussi le grand’ orateur, aveuglé par ses propres illusions, ’ trompé par la prodigieuse tactique de cet adolescent, parla en sa faveur dans le sénat, fit légaliser ses levées de troupes, payer par le trésor les sommes qu’il avait promises aux soldats, et lui fit décerner le droit de se porter candidat avant l’âgé aux magistratures. On l’adjoignit ensuite aux consuls Hirtius et Pansa pour marcher contre Antoine, déclaré ennemi public, qui tenait Decimus Brutus assiégé dans Modène. Octave, allié du sénat, se trouvait dans cette alternative ou de laisser échapper la fortune, ou de marcher au secours de l’un des meurtriers de César. Mais, entré les nécessités de son ambition et les sentiments qu’il affectait, il n’hésita pas un instant, et joifnît ses troupes à celles des consuls (43 ans av.-C.). Vainqueurs d’Antoine en deux combats, Hirtius et Pansa périrent tous deux dans la dernière action, et Octave, soupçonné de n’avoir pas été étranger à leur mort, se trouva seul a la tête des légions sénatoriales. Suivant les uns, il avait montré la plus grande lâcheté dans le combat ; suivant d’autres, -au contraire, il avait rempli tous les devoirs d’un général et d’un soldat. La première assertion

rament d’Octave, dont la pusillanimité est demeurée proverbiale. Les soldats ne l’en aimaient pas moins. Le prestige de son nom, ses largesses, bien d’autres causes encore, et notamment la démoralisation publique, 1 affaissement des mœurs et des caractères, plaidaient en sa faveur.

« Je crois, dit Montesquieu, qu’Octave est le seul de tous les capitaines romains qui ait gagné l’affection des soldats en leur donnant sans cesse des marques d’une lâcheté naturelle. Dans ces temps-là, les soldats faisaient plus de cas de la libéralité de leur général que de son courage. Peut-être même que ce fut un bonheur pour lui de n’avoir point eu cette valeur qui peut donner l’empire, et que cela même l’y porta : on le craignit moins. Il n’est pas impossible que les choses qui le déshonorèrent le plus aient été celles qui le servirent le mieux. S’il avait d’abord montré une grande âme, tout le monde se serait méfié de lui ; et s’il eût eu de la hardiesse, il n’aurait pas donné à Antoine le temps de faire toutes les extravagances qui le perdirent. »

Pendant qu’Antoine s’enfuyait dans les Gaules, Octave, maître d’une puissante armée, envoya demander par quatre cents de ses vétérans l’autorisation de briguer le consulat, et

comme le sénat alléguait sa jeunesse, malgré le sénatus-consulte qu’il avait rendu en faveur d’Octave, un centurion frappa insolemment sur son épée en s’écriant : Si vous ne le lui accordes pas, ceci le lui donnera !

Octave passa alors le Rubicon, qui n’arrêtait plus aucun usurpateur, vint occuper militairement Rome, se fit proclamer consul, et récompensa le dévouement mercenaire de ses

soldats en vidant le trésor public entre leurs mains. Il institua ensuite un tribunal pour juger les meurtriers de César et leurs complices, ou ceux qui seraient présumés tels. Le cadre était asses large pour y comprendre tous ses ennemis. Cependant, l’incertitude de sa situation lui donnait en ce moment d’autres préoccupations que le désir déia vengeance. Decimus Brutus tenait toujours-là Cisalpine ; Sex tus • Pompée était maître de la’Méditerranée ; Cassius et Brutus dominaient en Orient.’ Octave n’avait que Rome, et les forcés des républicains subsistaient ’intactes. D’un autre côté, Antoine avait’pu rassembler une nouvelle armée et entraîner Lépide dans son parti. Il s’avançait à la tête de dix-sept légions : Octave sentit la nécessité de traiter avec lui ; entama des négociations secrètes dans ce but, et fit révoquer les décrets qui déclaraient Antoine et Lépide ennemis publics. Les.trois chefs jugèrent plus sûr de se partager l’empire que de le jouer dans une bataille douteuse. Ils se réunirent près de Bologne, dans une petite île formée parole cours du Reno. Le premier soin d’Antoine et d’Octave, en s’abordant, fut de se fouiller mutuellement pour s’assurer qu’ils n’avaient point d’armes. On voit, par ce seul exemple, quelle confiance s’inspiraient ces conspirateurs triomphants. Ils passèrent trois jours et trois nuits en délibérations secrètes, et convinrent de former un triumvirat avec une puissance absolue pour cinq ans, sous le prétexte de constituer la république. Le monde romain fut partagé entre eux comme une succession paternelle. Ils se réservaient chacun deux provinces autour de l’Italie : Lépide, la Narbonnaise et l’Espagne ; Antoine, les deux Gaules ;Octave, l’Afrique, la Sicile et la Sardaigne. L’Orient, occupé par Brutus et Cassius, resta indivis, comme l’Italie ; mais Octave et Antoine devaient aller les combattre, tandis que Lépide, demeuré à Rome, veillerait aux intérêts de l’association. Puis ils cimentèrent leur union en dressant ces horribles listes de proscription qui devaient les débarrasser de leurs ennemis et remplir leur trésor par les confiscations. Ils montrèrent d’ailleurs, au milieu de ces débats, un grand esprit do conciliation, et se firent les concessions les plus larges, se livrant réciproquement leurs proches et leurs amis. Ainsi Octave abandonna généreusement son père vénérable, son cher Cicéron, aux vengeances d’Antoine, qui, en retour, consentit à la proscription de son oncle Lucius César. Lépide, encore plus généreux, donna son frère Paulus. Ces petits arrange-r ments terminés à la satisfaction de tous, les triumvirs marchèrent sur Rome avec leurs troupes et inondèrent la ville de sang (43). On . peut voir le tableau de ces épouvantables

|ues, qui, d’ailleurs, depuis le sacrifice des ùracques-, étaient restées dans les mœurs publiques des Romains, font sans doute partie intégrante de ce rôle que certains historiens attribuent généreusement a ces implacables ambitieux pour qui le monde est une proie et l’humanité un troupeau.

Au milieu de ces vengeances, si Antoine se montra le plus violent, Octave fut le plus impitoyable, iî fut le seul, dit Suétone, qui ne pardonna point. Cicéron, comme on le sait, fut massacré par les sicaires des triumvirs àsa maison de Gaete. Sa tête et sa main furent coupées, apportées à Rome et clouées à cette tribune aux harangues qui avait si souvent retenti de ses admirables discours.

tesque effrénée. Après avoir tué par vengeance, on tua par cupidité. Les triumvirs continuèrent à constituer la république en se gorgeant, ainsi que leurs sicaires, de la dépouille des vaincus, en écrasant les citoyens de contributions et en forçant tous les habitants de Rome et de l’Italie, sans distinction, de donner ladlme de leurs biens et une année de leurs revenus.

’ Antoine et Octave passèrent ensuite en Macédoine pour combattre Brutus et Cassius, qui furent vaincus dans les plaines de Philippes, dernier champ de bataille de la république romaine (42).

Octave ne combattit point ; il était retenu loin du camp par la maladie, ce qui lui arrivait invariablement les jours d’action. Pline rapporte qu’il se cacha dans un marais. Après la victoire, il montra la cruauté habituelle aux caractères dépourvus de courage, fit décapiter le cadavre de-Brutus et livrer au supplice tous les prisonniers. L’un d’entre eux lui demandait au moins une sépulture : Les vautours y pourvoiront, répondit-il.

Maîtres de l’empire, les deux triumvirs firent entre eux un nouveau partage, dans lequel Antoine eut l’Orient. Le faible Lépide, exclu cette fois de l’association et annulé *" reçut plus tard l’Afrique comme dédommagement, puis fut définitivement écarté. Octave, chargé de récompenser les soldats, ramena l’armée en Italie, et dépouilla les habitants de

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leurs propriétés, .les cités de leur territoire elles temples de leurs richesses pour satisfaire à l’avidité.des légionnaires. Dix-huit villes, des plus riches de la péninsule, leur furent livrées ; ils s’en partagèrent les maisons et le territoire, et augmentèrent leurs domaines par des empiétements illimités accomplis a force ouverte.

Pendant qu’Antoine, allait échouer en pj-ieçt contre les Parthes.et s’endormir ’dans les bras de Cléopâtré, Octave affermissait sa puissance eh Italie par l’extermination de ses.ennemis, par les succès de ses lieutenants dans la guerre, de Pérouse contre Lucius Antonius et les Ita^ liens dépossédés (40), par la défaite et l’assassinat, de Sextus Pompée (35), qui était resté jûsquè-la maître de la mer et des îles de Corse, de Sardaigne et dé Sicile. Le^ inonde romain n’eut puisque deux^maWeVqui’-^observaient mutuellement et n’attendaient que l’occasion de s’entre-détruire. Leur alliance, 1 qui’n’àvait jamais été sincère, rompuéà diverses reprises ;’mal’entretenue par dé fréi quentes réconciliations, toujours incertaine et douteuse^ fut enfin brisée définitivement lorsque Antoine, aveuglé par sa folle passion pour Cléopâtré, répudia Octavie, sœur d Octave (31), Ce dernier, après avoir fait dépouiller Antoine de la puissance triumviraté par le sénat, , fit déclarer la guerre à la reine d’Égypte, ne voulant pas la faire déclarer à Antoine nominalement, pour ne pas offenser les légions romaines qu’il avait autour de lui. Mais il savait bien que c’était Antoine qu’il allait aypir à combattre. Les deux rivaux se disputèrent le monde a la bataille navale d’Aç qu’eur, qui réduisit l’Égypte en province romaine, fit égorger un fils (Césarion) que César avait eu de Cléopâtré, s’occupa de l’organisation’des provinces de l’Orient, et revint ensuite à Rome, où il triompha trois jours de suite, et où le sénat lui décerna complaisamment tous les honneurs et tous les pouvoirs, avec le titre

suprême.

Le problème des destinées de la république était simplifié par ces événements ; toute rivalité était pour le moment éteinte, et l’on espérait qu- aucune dissension ne pourrait-se réveiller. La victoire d’Actium avait, disaiton, donné la paix au monde. Elle lui avait aussi donné un maître ;.elle avait’fondé l’unité.du despotisme.

« Auguste, dit Montesquieu, établit l’ordre, c’est-à-dire une servitude-durable ; cardans un État libre où l’on vient d’usurper la souveraineté, on appelle règle, tout ce qui peut fonder l’autorité sans bornes d’un seul ; et on nomme trouble, dissension, mauvais gouvernement, tout ce qui peut maintenir l’honnête liberté des sujets. »

L’ère des Césars était ouverte. La vieille république romaine, mélange d’aristocratie militaire et de démocratie municipale, s’absorbait définitivement dans une monarchie absolue comme celles de l’Asie ; transformation sur laquelle l’histoire, interprétée suivant les époques et les passions, ne s’est pas encore prononcée avec-la haute impartialité qui doit caractériser les jugements sans appel de la science et de la raison. Suivant des théoriesen vogue il y a trente ans, quelque peu surannées aujourd’hui, mais qu’une publication célèbre a remises en faveur, ou plutôt en discussion, le césarisme eût été le port où la société romaine aurait enfin trouvé le calme et la sécurité après tant d’orages ; le parti de, la république n aurait été qu’une faction aristocratique, tandis que les Césars, depuis le grand Jules jusqu’à Néron lui-même, eussent été les initiateurs violents d’un monde nouveau, les chefs de l’émancipation démocratique, sorte de tyrajis.révolutionnaires investis de la mission de châtier le patriciat, l’oligarchie, d’affranchir la plèbe, d’élargir la cité, de préparer enfin la civilisation moderne.

Ce système, empreint de romantisme littéraire et de haute fantaisie, séduisit une génération préoccupée surtout de la réaction contre les théories classiques, et pour qui la philosophie de l’histoire n’était qu’une œuvre d’art. Tacite a calomnié Tibère, avait dit Napoléon, qui était bien un peu intéressé à remettre en faveur les idées absolutistes. La question fut tranchée en ce sens par certaines écoles. At-elle été résolue ? Le discrédit où ce système était tombé avant la publication de 1 œuvre importante dont nous venons de parler montre assez que la chose est encore au moins douteuse. Suivant nous, cette question est infiniment plus complexe et plus ■ difficile qu’on n’a l’air de le croire, et il est bien évident que la théorie commode dont nous parlons est impuissante à donner la formule historique de ces temps si troublés.

On comprend que ce n’est pas ici le lieu de traiter ce sujet, qui demanderait une étude approfondie des formes de la vie antique, de ce monde romain si vaste, si multiple, si profond, et qui contenait en lui deux mondes, l’empire et la cité, dont les révolutions, mêlées, enchevêtrées, s accomplissaient souvent en sens contraire.

Nous devons donc nous borner à quelques observations générales louchant Auguste «> et la révolution dont il fut le centre..D’abordy au point de vue moral, il est manifeste que les intérêts de la civilisation, qu’on invoque en sa faveur, ne le préoccupaient en aucune manière, et qu’il ne songeait qu’à lui-même, qu’à son élévation, qu’au développement de sapersoimalité.,11. n’est pas moins évident’ qu’u a, . du premier élan, franchi les limites quo toute., ambition doit s’imposer si elle veut rester lé-, gitime, et qu’il s est souillé de crimes pour arriver à son but. Il n’est devenu clément, et presque équitable que quand son intérêt ne fut, plus d’être criminel.., [’.

Quant à son œuvre en elle-même, à. cette œuvre commencée par le "grand-Cêsar’j^éUe. peut exciter l’admiration de ceux qui consî^ dèrént la ferme de la monarchie absolue comme la plus simple et la-plus belle-, mais ici encore, -’ sa propre ’ personnalité lui’ tint lieu de prin-’, cipes, car tous les changements qu’il fit à là ’ constitution romaine n’avaient pour*but qué d’augmenter son pouvoir’, dé concentrer en 1-, ses mains toute la puissance pùTulique.’Ainsi’, il asservit le sénat, qu’il remania.trois’fois- il asservit les comices, désignant lui-même les ’ candidats ou cassant les élections ; il établit la permanence des armées, la permanence des impôts ; ces deux colonnes de l’Ordre.monarchique ; il créa le corps des prétoriens, instrument de tyrannie qui se tourna souvent contre ses maîtres ; il avilit les Romains ; le peuple tout entier, jusqu’à se faire rendre un- culte idolâtrique par des prêtres qui portaient.son" ; nom ; il anéantit les droits immémoriaux de ’. réunion et d’association ; il créa de nouveaux : patriciens ; il.réorganisa l’administration, les tribunaux, l’armée, enfin le gouvernement tout entier, de manière à être le centre et le moteur de tout ; il restreignit l’affranchissement des esclaves, l’élévation des- affranchis et des étrangers aux droits de cité ; enfin, il mit partout la subordination, la règle, la soumission passive, le fétichisme de l’autorité, cet ordre factice, cet anéantissement de toutes les volontés, qui firent du gouvernement impérial un monstre de pouvoir analogue aux monarchies barbares se l’Orient.

Assurément, il serait difficile de considérer, cela comme un. progrès sur l’ancienne constitution, dont nous ne nous dissimulons point les vices, mais qui n’était pas du moins un outrage perpétuel à la dignité humaine, et qui, chose, caractéristique, demeura le culte secret, de -, tout ce que cette époque et la décadence ont produit de fortes âmes et de grands caractères, depuis Caton jusqu’à Sénèque.

Nous n’irons pas plus avant dans cette discussion, dont les développements trouveront mieux leur place aux articles César, Césarisme, Tibère, Néron, Rome, etc.

Auguste ne prit jamais le titre de dictateur, ’ qui avait été fatal a son oncle ; toujours prudent dans sa marche oblique, il ne créa aucun titre nouveau pour exprimer son pouvoir. Tout l’art de sa politique fut de dissimuler là monarchie en l’établissant, et de simuler la république en anéantissant la liberté. C’est par la concentration en sa personne de toutes les magistratures de la république qu’il absorba toute la puissance. Comme consul et imperator, il commandait les armées avec un pouvoir absolu, et il décidait de la paix et de la guerre ; comme proconsul, il exerçait la suprématie dans les provinces ; comme censeur perpétuel et princeps, premier sénateur, il remaniait à’ son gré le sénat, qui n’était plus dans sa main qu’un instrument docile, et qui, d’ailleurs, allait servilement au-devant de toutes ses volontés ; comme souverain pontife, il était le chef de la’ religion, etc. De plus, la puissance tribunitienne le couvrait d’une inviolabilité sacrée, et il reçut, en outre, le droit d’observer les lois à sa volonté. C’est à lui qu’on fait commencer l’ère impériale. Cependant quelques auteurs ont donné le nom de principal à ce pouvoir nouveau, et ne font commencer l’empire qu’aux Sévère.

Sous Auguste, les Romains n’eurent à soutenir que quelques guerres d’une importance secondaire ; la plus grande partie du monde occidental était déjà soumise, et ce fut avec une heureuse facilité que le maître put pacifier l’univers et fermer le temple de Janus. Mais, cette paix ne tarda pas à être troublée. Varus essuya des revers en Germanie, et se tua après avoir perdu trois légions dans la guerre contre Arminius (l’an 9 de notre ère). On rapporte que, depuis cet événement, la douleur d’Auguste éclatait souvent en une prosopopée devenue classique : Varus ! Varus ! rends-moi mes légions !

À l’intérieur, il eut à réprimer quelques conspirations, ainsi que les dérèglements de sa fille Julie ; il embellit Rome, qu’il put se vanter de laisser de marbre après l’avoir trouvée de briques, protégea les lettres et les arts, pardonna au conspirateur Cinnaj et montra dès lors une modération qu’on n’eut pas attendue ’ de l’implacable triumvir, ce qui a fait dire de lui qu’Auguste a fait oublier Octave. C est à l’histoire à juger si c’est le caractère de l’homme ou simplement les circonstances quiont changé. — ’

D’ailleurs, la pacification du monde produisit d’admirables fruits. Les lettres, la poésie, l’éloquence, filles de la paixrenfantèrent alors ’ ces chefs-d’œuvre qui sont la plus haute expression du génie latin, et qui contribuèrent tant à la gloire de cette époque. On sait quo l’histoire la désigne sous le nom de siiole.

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