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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 10, part. 2, Lep-Lo.djvu/201

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et Cotonet, parurent dans)a Revue des Deux-Mondes. Elles firent presque scandale, lorsqu’on y vit la rupture d’Alfred de Musset avec les chefs du romantisme ; en somme, elles sont ingénieuses et spirituelles, mais elles marquent le déclin littéraire de leur auteur. Dupuis et Cotonet, deux amusants bourgeois de La Ferté-sous-Jouarre, entendent prononcer les noms de romantique et à’humanitaire. « Qu’est-ce qu’un humanitaire ? Qu’est-ce qu’un romantique ? » Ils interrogent tour à tour le sous-préfet, qui a lu les Vêpres siciliennes ; M. Dueoudray, le magistrat, qui a fait cadeau à M™e Dueoudray des Méditations, bien reliées ; et M<ac Gavart, classique entêtée, qui brûla un jour ses marabouts en défendant l’abbé Delille. Les explications qu’on leur donne n’expliquent rien. Les deux amis consultent donc l’oracle de Delphes ; ils soumettent le cas ks.Iteouedes Deux-Mondes. Bientôt ils ont appris qu’il y a un romantisme ne parlant que de pittoresque, de poésiepaysage, d’an ogival ; puis un autre, ennemi des trois unités, et qui criait : > Shakspeare fait voyager les gens de Rome à Londres et d’Athènes à Alexandrie en un quart d’heure ; ses héros vivent dix ou vingt ans dans un entr’acte ; ses héroïnes, anges de vertu pendant toute une scène, n’ont qu’a passer dans la coulisse pour reparaître mariées, adultères, veuves et grand’inères. Voilà le romantique. Sophocle, au contraire, fait asseoir Œdipe sur un rocher dès le commencement de la tragédie ; tous les personnages viennent le trouver l’un après l’autre. Lo chœur est là ; et si quelque chose cloche, s’il y a un geste obscur, il l’explique ; ce qui s’est passé, il le raconte ; ce qui se passe, il le commente ; ce qui va se passer, il le prédit : bref, il est dans la tragédie grecque ce qu’est une note de M. Aimé Martin au bas d’une page de Molière. Voilà le classique. • Un troisième personnage disait : « Regardez-moi, je suis Je drame, c’est-à-dire un prêtre respectable, vêtu de blanc et de noir, riant d’un œil et pleurant de l’autre ; ugitaot d’une main un poignard et de l’outra une marotte. C’est moi ’qui, après des siècles, ai marié le comique et le tragique, séparés jusqu’ici par une ineom Fatibiiitê ; d’humeur, et le romantisme est enfant nouveau-né de cette union. » Tout cela est, sans contredit, très-spirituel. Faites juger le Discours de La méthode, de Descartes, par un marchand de fromages, et la Mécanique céleste, de Laplace, par un bonnetier de la rue Saint-Denis, ils trouveront à dire des choses très-divertissantes, et les ignorants applaudiront. C’est le suffrage qu’ambitionnait sans doute Alfred de Musset ; il l’a obtenu. Il a dépensé dans ces Lettres beaucoup de verve ; mais il en avait mis bien davantage dans les Contes d’Espagne et d’Italie.

Littérature et de morale {ESSAIS DE), par M. Saint-Marc Girardin (1845, 2 vol. in-so). Les sujets les plus variés se succèdent dans ces deux volumes. Si l’on met à part un Eloye de Botsuet, couronné en 1827 par l’Académie française, le discours de réception de l’auteur (sur Campeuon), auquel V. Hugo répondit, ainsi que ues extraits des leçons d’ouverture de la Sorbonue, ces Essais ne sont guère que des articles de journaux, la plupart publiés dans le Journal des Débats, de 1824 à 18*4. Dans un travail bien déduit, l’auteur expose l’état du théâtre à la fin du xyme siècle, apprécie Beaumarchais, Collin d’Harleville et Fabre d’Eglantine, exhume une spirituelle comédie politique, lu Cour plénière, dirigée contre le parlement Maupeou parle président Duveyrier, et complète ce tableau piquant par des considérations sur la comédie historique (Aristophane, Lemercier et autres). Parmi les portraits littéraires et politiques, on trouve ceux de La Fayette, de Washington, de P.-L. Courier, de Silvio Pellico, de Lacretelle, de Napoléon, du prétendant Charles-Édouard, de Perse. Parmi les essais se rattachant à l’histoire religieuse, on remarque les fragments sur les Confessions de saint Augustin, sur la Thébaïde et sur saint Antoine, les Homélies de saint Chrysostome sur la Genèse, les liturgies, les livres apocryphes des premiers siècles de l’Église ; et parmi les mélanges de morale, des fragments sur le mariage, la profession d’homme de lettres, etc. Les Lettres sur les États-Unis, du prince Achille Murât, lui ont inspiré une intéressante étude de mœurs. L’auteur traite ensuite de quelques Sujets d’histoire politique : l’unité de l’Europe, la guerre d’Espagne de 1823, les vicissitudes de Florence, la chate des Abbassides, les journaux chez les Romains. Quelques études littéraires fort courtes et peu importantes, forment l’arrière-garde de ces Essais.

La succession bizarre des titres que nous venons d’énumérer montre assez quelle est la confusion de l’ouvrage. Dans tous ces petits traités, l’auteur, qui était un assez tin critique avant d’être l’homme politique que nous connaissons, montre un esprit prompt, railleur, agréable parfois ; mais il ne dédaigne pas assez le lieu commun. Ses aperçus sont plus justes que nouveaux, et l’élémentaire bon sens est sou domaine, bien plus que la force et l’originalité de la peusée. Ces choses-là sont lettres closes pour M. Saint-Marc Girardin.

Littérature (COURS de), par M. Géruzez (1849, in- » o). Destiné à la jeunesse des écoles et spécialement aux futurs bacheliers, ce pe LITT

tit ouvrage n’est qu’un manuel ; il a toute sa valeur dans la rapidité des vues d’ensemble. Deux parties distinctes le composent : la première est consacrée à la poésie et à la rhétorique ; la seconde offre l’abrégé de l’histoire des littératures grecque, romaine et française. La première partie, où chaque genre est étudié à part, suivi dans ses développements et accompagné des règles, a

donc pour complément la seconde, où l’on retrouve les mêmes noms et les mêmes œuvres des grands auteurs, étudiés cette fois d’après la liliation chronologique. Ce plan est très-satisfaisant. Utile aux jeunes gens, comme préparation aux examens littéraires, il peut encore servir plus tard, lorsqu’on veut embrasser d’un coup d’œil le développement des trois grandes littératures, au point de vue classique. La longue série d’œuvres remarquables dont elles se composent est énumérée avec ordre ; quelques lignes d’appréciations, une date, une concordance établie entre deux auteurs suffisent pour aider la mémoire dans ce classement difficile. Les dernières éditions offrent des traces de suppressions puériles exigées par l’Université ; M. Géruzez avait trop laissé voir qu’il apprécie les efforts tentés, dans la poésie et dans le style, par les écoles modernes. De par le conseil supérieur de l’instruction publique, défense lui a été faite de laisser soupçonner qu’il y avait des postes dramatiques depuis Collin d’Harleville, et des lyriques depuis J.-B. Rousseau.

Littérature » ancienne ! et moderne ! (TA-BLEAU synoptique des), par A. Timoni (1856, 2 vol. in-16). Si ce tableau était bien fait, 1 ouvrage serait d’une utilité incomparable. L’auteur a suivi la division par genres, c’est-à-dire qu’il étudie l’histoire depuis Hérodote jusqu’à Robertson, et l’épopée depuis leiîamayana jusqu’à la Henriade, en passant par tous les anneaux intermédiaires. Ce que ce plan a de défectueux, au point de vue de la reconstitution, rendue ainsi impossible, d’une littérature dans son ensemble, l’auteur le rachète par la variété de ses recherches. Il ne s’est pas contenté du tableau des littératures anciennes, additionnées d’une ou deux littératures modernes, il a voulu les suivre toutes : sanscrite, grecque, hébraïque, latine, gallique, slave, française, italienne, espagnole, portugaise, allemande, anglaise, polonaise, russe, hollandaise, danoise, etc. ; on y trouve même des extraits d’auteurs chinois, péruviens, persans, valaques, turcs, etc. Ce plan, pour être rempli, demandait la plus vaste érudition, et nous craignons fort que l’auteur n’ait entrepris au delà de ses forces. Nous n’avons pu, avouons-le à notre confusion, vérifier l’exactitude de ses traductions arabes, chinoises ou même valaques, mais il y a dans ses citations d’auteurs espagnols d’abominables contre-sens. Voyez, p. 114, t. II, comment M. Timoni traduit la belle ode de Luis de Léon, la Prophétie du Tage ; c’est à faire dresser les cheveux. De plus, il nous donne comme une élégie russe de Ghniéditsch la Jeune Tarentine d’André Chénier.

Littérature (couks familier de), par Lamartine (1856 et années suivantes, in-8°). Cette dernière œuvre du grand poète, entreprise pour faire face à des besoins financiers que la France n’avait pas su lui épargner, s’est ressentie de la hâte à laquelle obéissait l’écrivain ; en bien des points l’improvisation remplace l’étude, l’intuition supplée aux recherches ; mais l’improvisation et l’intuition sont des qualités tellement personnelles à Lamartine, il sait en tirer de si merveilleux résultats qu’à peine a-t-on lieu de le regretter. Toujours créateur et personnel, le poëte a moins fait une œuvre de critique qu’une œuvre d’art ; envisagée de si haut, la critique, en effet, change de nom et devient création.

Nulle méthode n’a présidé au choix des matières ou "à leur classement. Ce Cours de littérature, causerie familière d’un homme qui a vécu avec tous les modèles, mais qui les a plutôt devinés qu’approfondis, n’a rien de didactique, pas même la forme. Il se compose d’études séparées, embrassant les sujets les plus divers, transportant l’esprit des civilisations les plus éloignées à l’époque contemporaine, et passant de3 épopées iudoues

à l’analyse des Contes d’Espagne et d’Italie. Quelques erreurs, quelques omissions n’enlèvent rien à ce monument improvisé par un homme d’un grand talent, qui devine et traduit en voyant, là même où les recherches de l’érudition lui font défaut. Sujets littéraires, religieux, historiques ; civilisations, systèmes philosophiques ; la nature et les arts, toutes les créations, toutes les formes de la pensée et de la matière semblent être du domaine de l’écrivain, dont la parole large et magnifique interprète tour à tour Homère et Shakspeare, Dante et Milton, Colomb et Guteiiberg, Fônelon et Bossuet, Raphaël et David, Pergolèse et Mozart, le inonde et l’humanité.

Vue ainsi de haut, la critique a ses inconvénients ; en voulant caractériser d’un mot ou d’une phrase toute une époque, tout un personnage, on risque quelquefois d’être injuste. Mais Lamartine a souvent le mot heureux, quand un parti pris ne l’aveugle pas à l’avance. Ainsi il y a du vrai dans sa définition de Lamennais:n un agitateur de style, » et dans celle de Sainte-Beuve ; > un ento LITT

mologisto qui étudie les grands hommes à la loupe ; » Michelet est appelé le « Shakspeare de l’histoire ; » Bossuet, la ■ personnification de la prose brusque, • et Fénelon, celle « de la prose molle. » Si Lamartine s’en était tenu à ces aperçus vagues, il aurait encouru le reproche, que lui adressa Gustave Planche, de viser plutôt à faire des mots sonores qu’à dire des choses utiles ; mais les considérations élevées dont il accompagné ces définitions, trop rapides pour être complètes, rachètent bien ce défaut léger. Le poëte a des aperçus soudains qui illuminent la discussion ; au rebours de l’investigation patjente qui, par l’analyse du détail, arrive peu à peu à formuler un jugement d’ensemble, c’est de la vue d’ensemble que Lamartine éclaire successivement toutes les parties de l’homme ou de l’œuvre qu’il étudie. Aussi ce Cours de littérature n’est-il fructueux que pour l’esprit déjà imbu de connaissances préalables, et pouvant rectifier de lui-même ce que produit de défectueux la rapidité du coup dœil de l’auteur.

À la suite de ces ouvrages, nous nous contenterons de mentionner le Tableau de la littérature ancienne et moderne, étrangère et nationale, de l’abbé de La Porte (1777, 4 vol. in-12), ouvrage judicieux, mais passé de mode ; le Tableau historique des littératures anciennes et modernes, de Camille Tuiles (1827, gr. in-32) ; les Leçons de littérature comparée, de J.-C. Génin (1841, in-8û) ; les Étudesde littératures comparées, de Philarète Chasles (1840 et ann. suiv., 12 vol. in-8u), excellente suite d’ouvrages ; la plupart des études qui la composent ont leur compte rendu spécial dans le Grand Dictionnaire.

II. — Littératures particulières.

Littérature grecque (HISTOIRE DE Là), par

Schœll (1825, 8 vol. in-S » ). La première édition de cet excellent ouvrage parut en 1813 (2 vol. in-8°); un des volumes était consacré à la littérature grecque proprement dite, et l’autre à la littérature sacrée. L’ouvrage obtint un grand et légitime succès. Schœll, y travaillant sans cesse, lui donna plus de développements, et il devint ce qu’il est aujourd’hui, le plus vaste monument élevé à la gloire des lettres grecques. Le volume consacré à la littérature des Évangiles et des Pères de l’Église manque à l’ouvrage en huit volumes. Mais rien n’empêche de le considérer comme un neuvième coma, et nous imiterons en cela les bibliographes et les traducteurs. Voici le plan suivi par l’auteur : établir une classification raisonnée des livres grecs, exposer sommairement l’histoire des auteurs, faire connaître le genre de leurs ouvrages, apprécier le mérite de chacun, chercher riufltience que l’esprit de la nation grecque a eue sur ces productions, discuter les points critiques, littéraires et historiques restés douteux, réunir enfin la bibliographie à la partie historique, mais en la laissant séparée de la narration. Ce plan a été parfaitement rempli. L’auteur divise en six périodes l’histoire de la littérature grecque : la première comprend les temps fabuleux et finit avec la prise de Troie (xuia siècle av. J.-C). La seconde s’étend depuis l’année 1270 avant notre ère jusqu’à l’archontat de Solon, en 594 : les poèmes d’Hésiode et d’Homère se trouvent dans cette série. La troisième période s’arrête à l’avènement d’Alexandre (335 avant J.-C.) ; c’est l’âge d’or de la littérature grecque : poBtes, historiens, philosophes, orateurs forment l’immortel cortège de Périclès. La quatrième finit à la conquête de la Grèce par les Romains (146 av. J.-C) ; l’Égypte devient le foyer des lettres grecques ; Alexandrie, le nouveau centre de la civilisation, fait pâlir Athènes. Mais l’érudition tient la place du génie : la liberté pouvait seule enfanter les chefs-d’œuvre vainement attendus. Il est vrai que les sciences mathématiques et expérimentales prennent un essor prodigieux.

Dans la cinquième période, qui s’étend jusqu’à l’avènement de Constantin (306), la littérature grecque s’éclipse devant.celle des Romains, laquelle s’éteint presque avec Trajan. Dans la sixième période, dont le tea’ine est la prise de Coustantiuople par Mahomet II (1453), quelques signes de vie signalent à peine l’existence d’une littérature agonisante.

La méthode qu’il a suivie amène dans le cadre de son Histoire des sujets qui n’appartiennent pas à ce que nous appelons en

France littérature ; mais on Allemagne et en Angleterre on étend la signification de ce mot. C’est pourquoi l’auteur parle des ouvrages de géographie, de médecine, de jurisprudence, etc., ouvrages qui méritent, en effet, une mention ou une étude. Dans le dernier livre, il fait un historique d’un très-haut intérêt.’ Il montre comment la littérature grecque a été connue en Occident.

Le volume complémentaire, traitant de la littérature sacrée et ecclésiastique, introduit le lecteur dans un autre monde moral. Il est ici question des livres, authentiques ou apocryphes, de l’Ancien et du Nouveau Testament, originairement écrits en grec. Au sujet des Évangiles et des évangélistes, Schœll établit une controverse dans laquelle M. Renan a trouvé une érudition toute faite pour la thèse de son introduction à la Vie de Jésus.

L’ouvrage de Schœll, qui a mis à profit tous les travaux de la philologie allemande, est d’une grande valeur et d’une utilité fré LITT

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quente. La partie bibliographique contient d’excellentes indications, bien que l’auteur lui-même y ait relevé quelques inexactitudes.

Littérature grecque (HISTOIRE DE LA), par

Ottfried Millier (en allemand, 1840, 2 vol. in-S » ; traduction française par M, Hillebrand, 1866, 2 vol. in-8°). Ottfried Mùller avait formé le projet de donner une histoire complète de cette littérature, de laquelle toutes les littérature ? modernes sont sorties. La mort ne lui a permis de réaliser que la moitié de son dessein, et il s’est arrêté à l’époque d’Alexandre ! e Grand. C’est un Anglais, M. Donaldson, qui l’a continuée en 1858. La pensée dominante d’Ottfried Millier est que la civilisation grecque, dans toutes ses parties, est absolument originale, née spontanément du sol, et qu’elle ne doit rien à l’Orient, à l’Inde. Ce point de vue, que Mùller partageait avec Wolf, Niebuhr et Boeckh contre Creuzer, Voss et Lobeck, a été reconnu entièrement faux ; les études sanscrites ont prouvé que tout, en Grèce, civilisation, mœurs, mythologie, langue, était enté sur l’Inde, et que les Urecs s’étaient bornés à une assimilation parfaite. Il en résulte que Ottfried Millier a dépensé la plus grande partie de son talent à essayer de couler à fond ce qui était la vérité, et que la loi du développement hellénique, but principal de son ouvrage, ne peut être formulée qu’en dehors de lui. Les temps primitifs, Orphée, Hésiode, Homère même, qui sont éclairés d’un jour si vif par les Védas, sont restés lettres closes pour lui, par suite de son aveuglement voulu. Mais toute la période classique est traitée de main de maître avec une remarquable solidité. Lès tragiques surtout sont étudiés à un point de vue tout nouveau, au point do vue

Psychologique, en tenant moins compte de la eauté de la forme que des sentiments qui devaient animer, dans chaque circonstance, et le personnage qui parle, et le poète qui lo fait parler. Le sentiment de l’antique n’a jamais été aussi vivement rendu.

« Ce qui frappe le plus dans cet ouvrage, a dit le traducteur, M. Hillebrand, c’est d’y voir réunies des qualités presque opposées et qui trop souvent s excluent. Un enthousiasme qui se communique et un sentiment poétique des plus délicats uniment les investigations les plus arides en apparence, et s’allient naturellement au procédé le plus sévèrement

méthodique que l’on puisse désirer. Les études de détail ne font jamais perdre de vue la portée de l’ensemble, et les idées générales, loin d’être étouffées par la masse et la minutie des recherches spéciales, leur communiquent, parce qu’on les sent toujours présentes, une vie supérieure. »

La traduction.française, donnée par M. Hillebrand, est précédée d’une longue étude sur Ottfried Mùller et l’école historique de la philologie allemande. Cette introduction est fort instructive ; elle embrasse tout le mouvement de la philologie allemande depuis cinquante ans, et contient une foule de détails peu connus en Franco. La traduction est une translation respectueuse du texte original. Des noies complémentaires et un Index enrichissent ce travail, qui a fait passer dans notre langue une œuvre véritablement célèbre en Allemagne, eu Angleterre et en Italie. La traduction anglaise, publiée en IS40, avant l’ouvrage original, ne le reproduit pas fidèlement ; la traduction italienne, de M. Ferrat (Florence, 1858), jouit d’une grande estime.

Littérature grecque (HISTOIRE DE L/i), par

Alexis Piorrou (1850, in-lS). Sous la forme d’un simple résumé, cot ouvrage donne plus qu’il ne promet ; les vues d’ensemble, quoique rapides, permettent de pénétrer dans les détails principaux. Se contentant d’énumérer et d’apprécier d’un mot les auteurs de second ordre, M. Pierron a pu donner plus do place aux illustres génies de la race hellénique. Chaque grand nom, chaque.genre, chaque période est l’objet d’une étude attentive. Son livre finit avec Proclus ot l’école d’Athènes, dernier rayon des lettres grecques profanes. M. Pierron laisse de côtelés Pères de l’Église, « parce que, dit-il, ils ont, surtout ceux du iv<= siècle, le droit de revendiquer une place considérable, et que ce serait leur manquer de respect de les faire figurer dans un uppendice à l’histoire de la littérature profane. » Ce n’est donc que cette dernière qu’il a entendu traiter, et l’ordre qu’il a suivi est l’ordre chronologique. Il a gardé une juste proportion entre les hommes de génie et le menu peuple des hommes de talent ; il s’est efforcé de recueillir les reliques de quelques poètes mutilés par le temps ; mais ce qui, à nos yeux, fait le principal mérite de son ouvrage, c’est qu’il procède moins par dissertations que par citations. Elles sont nombreuses et généralement bien choisies. Les appréciations sont justes et modérées et dénotent une indépendance que l’on aiine à constater chez un universitaire. Par exemple, l’empereur Julien est, chez lui, replacé dans son véritable jour de guerrier illustre, d’écrivain de génie et de véritable sage, au lieu d’être relégué dans l’ombre avec le surnom flétrissant d’apostat. C’est une réhabilitation courageuse et équitable.

Pour les origines du génie grec, M. Alexis. Pierron à Suivi trop fidèlement Ottfried Mùller, qui l’a égaré ; on lui a même reproché de n’avoir fait qu’une réduction de l’œuvre alle-