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meuse à laquelle ils donnèrent le nom décevant de ligue du Bien public (mars 1465). Dans cette crise suprême et au moment d’être attaqué de tous les côtés à la fois, Louis déploya une activité au niveau du péril ; il avait renouvelé sa trêve avec l’Angleterre ; il resserra son alliance avec Liège, réclama des secours du duc de Milan, traita avec le roi de Naples, tira quelque argent des Médicis de Florence, fit des efforts pour se réconcilier avec Rome, établit la poste, qui lui assura des communications rapides avec tout le royaume, enfin ne dédaigna pas de faire appel à l’opinion en exposant ses actes et sa conduite dans des lettres justificatives, en convoquant des réunions de notables des villes, etc. Son ennemi le plus redoutable était le fils du duc de Bourgogne, le comte de Charolais (le fameux Charles le Téméraire), qui dominait son père, le vieux Philippe, et agissait déjà comme s’il régnait lui-même. Il était important de dompter la révolte dans le centre avant que ce redoutable auxiliaire fût en mesure de se joindre aux confédérés. La campagne commença heureusement. La plus grande partie du Berry et du Bourbonnais fut réduite en quelques jours. Bourbon, Nemours et d’Armagnac, pressés dans Riom, signèrent un arrangement. Le roi se hâta alors de reprendre la route de Paris ; car la grosse armée de Charolais et celle du duc de Bretagne, mollement combattues par le comte du Maine et le comte de Nevers, étaient sur le point de faire leur jonction sous les murs de la capitale. Louis rencontra les Bourguignons à Montlhéry, où fut livrée cette bataille singulière dans laquelle les deux armées finirent par prendre la fuite l’une devant l’autre (10 juillet 1465). Abandonnés d’une grande partie de leur monde, le roi et le comte Charles ne pouvaient plus se faire grand mal et n’avaient guère qu’à rallier les fuyards. Louis rentra le surlendemain dans Paris et se donna comme le vainqueur (il l’était d’ailleurs, ni moins ni plus que son adversaire) ; il caressa les Parisiens, qui ne l’avaient point secouru et n’étaient sortis que pour piller les fuyards bourguignons ; il s’attacha à les gagner en leur promettant tout ce qu’ils voulurent, et même un peu plus, car les promesses ne lui coûtaient rien. La possession de Paris était à ce moment pour lui de la plus haute importance ; car les diverses bandes de la coalition féodale se réunissaient successivement entre la Marne et la Seine, et, malgré leur incohérence et leurs éternelles divisions, pouvaient encore être redoutables. Louis ne se pressait pas de tenter un nouveau combat ; il se fiait surtout au temps et à sa dextérité pour dissoudre la ligue. À part quelques escarmouches autour de Paris, le temps se passait en négociations ; le rusé monarque gagnait un à un ses ennemis par des traités secrets, accordant avec d’autant plus de facilité tout ce qu’on lui demandait, qu’il était bien décidé à violer sa parole et sa signature dès qu’il le pourrait. Enfin il arrêta à Conflans et signa à Saint-Maur la paix avec les princes, à des conditions désastreuses pour la couronne, donnant la Normandie à son frère, et gorgeant Charolais et les principaux confédérés des dépouilles du royaume (29 octobre). La contre-révolution féodale semblait triompher définitivement. Les princes et les seigneurs se séparèrent pleins de confiance, et Louis XI se prépara en silence à reprendre son œuvre de nivellement et d’absorption.

Pendant qu’il protégeait secrètement les Liégeois révoltés contre la maison de Bourgogne, il s’attachait à fomenter des discordes entre ses ennemis et, par négociations ou par argent, il intriguait de tous les côtés. Au mois de janvier de l’année suivante, il avait déjà repris la Normandie à son frère. En 1468, il assembla les états à Tours et fit annuler les clauses du traité de Conflans et de Saint-Maur. Cependant, Charles le Téméraire avait succédé à son père, et pendant que son cousin de France était occupé au recouvrement de la Normandie, il se préparait à écraser dans le sang la révolte des Liégeois. À ce moment, Louis XI, malgré sa défiance habituelle, alla trouver Charles à Péronne, pour régler avec lui tous ses différends, comptant sur sa finesse et sa supériorité d’esprit. Pendant qu’il était ainsi entre les mains de son ennemi, celui-ci apprit que les Liégeois se confirmaient de plus en plus dans leur révolte, en annonçant hautement leur alliance avec le roi de France. Outré de colère, il retint le roi prisonnier dans le château. Celui-ci paya son imprudence et ses intrigues en signant un traité ignominieux, avec la parfaite indifférence d’un homme que ni la parole ni les écrits n’engageaient à rien (octobre 1468). Par ce traité, qui renouvelait les conventions de Saint-Maur, il s’était engagé, en outre, à marcher en personne contre Liège, que sa politique même avait soulevée. Il ne recula pas devant cette infamie et marcha en effet à la suite des Bourguignons contre la malheureuse cité, qui, du haut de ses remparts, l’accueillit aux cris de : Vive la France ! auxquels il répondit, dit-on, par ceux de : Vive Bourgogne ! Il combattit furieusement contre cette petite France wallonne, qui fut écrasée, brûlée et pillée pour son dévouement à notre pays, pour sa confiance vaillante dans l'alliance et la politique du roi Celui-ci revint déshonoré de cette infâme expédition, mais fort heureux d’être sorti des mains de son ennemi, et si bien disposé à fausser en toute sûreté de conscience sa parole et sa signature, que ce fut peu après qu’il convoqua, comme il est dit ci-dessus, les états qui déclarèrent les traités nuls.

Les Parisiens célébrèrent par un persiflage cette nouvelle aventure de leur souverain, en apprenant à leurs pies et à leurs geais à répéter incessamment : Péronne ! Péronne ! Les archers de la ville n’étaient occupés qu’à tuer du matin au soir des myriades de ces oiseaux insolents et séditieux.

Louis XI, humilié par ces échecs, mais non pas abattu, renoua ses trames de tous côtés. Trahi par le cardinal La Balue et ne pouvant livrer au supplice un prince de l’Église, il le fit enfermer dans une cage de fer, dans les cachots d’Onzain, près de Blois, où il le retint dix années.

Les années suivantes furent marquées par une expédition dans le Midi, pour réprimer de nouvelles révoltes d’Armagnac et de Nemours, par une réconciliation plus ou moins sincère entre le duc de Berry et le roi, qui finit par faire accepter à son frère la Guyenne, en échange de la Normandie (qui lui était assurée par les traités), et par divers autres événements de moindre importance, tels que l’institution de l’ordre de Saint-Michel. Bientôt le duc de Berry forma contre le roi une ligue plus formidable que celle du Bien public, et mourut empoisonné au moment le plus favorable pour Louis XI (1472). Charles le Téméraire prit prétexte de cette mort tragique pour envahir la Picardie et la dévaster ; mais il vint échouer sous les murs de Beauvais, devant l’héroïsme des habitants et de Jeanne Hachette (1473). Pendant que ses lieutenants refoulaient le duc de Bourgogne, Louis entra en Bretagne et imposa au duc un traité avantageux pour la couronne. Sa situation s’était améliorée au sortir des grandes crises où il avait failli sombrer. Charles le Téméraire, désespérant de vaincre la France, se tourna vers l’Allemagne avec son aveugle impétuosité. Néanmoins, il avait fait contre nous un traité avec le roi d’Angleterre, Édouard IV, qui vint à Calais en 1475 et envoya un héraut à Louis XI pour lui réclamer son royaume de France. Celui-ci ne s’émut guère de cette étrange sommation ; mais, comme il aimait mieux négocier que combattre, il désarma le monarque anglais par des présents et finit par conclure avec lui le traité de paix de Picquigny. Il conclut ensuite une trêve avec Charles, d’ailleurs occupé à d’autres entreprises. Dans l’intervalle de ces événements, il saisissait toutes les occasions pour se débarrasser de ses ennemis intérieurs ; c’est ainsi qu’il s’était déjà défait de Jean d’Armagnac et qu’il livra successivement au supplice Nemours, le connétable de Saint-Pol et autres, qui d’ailleurs l’avaient trahi, comme lui-même les avait tour à tour comblés de biens, abattus et environnés de pièges et de trahisons. Dans ces luttes entre des hommes d’une mauvaise foi égale, il serait difficile d’établir la balance et de prendre un parti. On a rapporté que Louis avait fait placer les enfants de Nemours sous l’échafaud de leur père afin qu’ils fussent arrosés de son sang ; mais cet épouvantable épisode n’est rapporté par aucun écrivain contemporain, et tout indique qu’il est entièrement fictif.

La mort de Charles le Téméraire devant Nancy, après ses folles entreprises (1477), avait débarrassé le roi de France de son plus redoutable adversaire. Il put donner carrière à ses convoitises et commencer la confiscation des États de la puissante maison de Bourgogne. Charles ne laissait qu’une fille, Marie de Bourgogne ; Louis songea un moment à lui faire épouser le dauphin, qui n’avait que huit ans. Mais, pressé d’entrer en possession et de tirer parti des événements, il reprit les villes de la Somme et la Bourgogne proprement dite, qui furent définitivement réunies à la couronne, malgré les efforts de Maximilien d’Autriche, devenu l’époux de Marie, et qui cependant avait remporté sur les troupes royales un succès à Guinegate (7 août 1470). Quelques années plus tard, la mort de Marie livrait à la France l’Artois et quelques autres portions de territoire. Le roi avait également repris la Franche-Comté en 1477. Enfin la soumission de la Provence, l’acquisition, par des combinaisons de testaments, de l’Anjou et du Maine (1480-1481) achevèrent la ruine des grandes maisons féodales. Dans cette dernière partie de son règne, Louis XI avait obtenu les plus brillants résultats, constitué l’unité nationale, ou du moins réuni à la France de vastes et riches provinces qui lui appartenaient de droit et porté des coups mortels à la féodalité. Ce fut là l’œuvre utile de sa vie, et dont l’importance fait presque oublier son despotisme et ses perfidies.

En outre.il est certain que, dans sa guerre contre la haute noblesse, il prenait son point d’appui sur les classes industrielles. Il établit les premières fabriques de soieries, protégea l’imprimerie naissante, et tenta même l’unité de législation et l’unité de poids et mesures. Mais sa popularité intéressée ne l’empêcha nullement de tripler les charges publiques, d’accabler ses peuples de taxes et d’impôts pour subvenir à ses énormes dépenses, à ses entreprises, à ses armements, à sa police universelle, à sa diplomatie corruptrice, etc. La bourgeoisie des villes, sur laquelle il s’appuyait, n’avait que peu d’affection pour lui ; et le peuple des campagnes et des cités, qu’il épuisait et comprimait durement, le détestait autant que la noblesse et les grands. Aussi évitait-il le séjour des grandes villes, et surtout de Paris. Confiné dans son château de Plessis-lez-Tours, il y végétait dans la terreur et le soupçon, gardé comme s’il eût été enveloppé d’ennemis et de trahisons, faisant mettre à mort par son prévôt, le fameux Tristan l’Ermite, les passants et les voyageurs qui osaient rôder autour de cet antre redoutable. Sa cruauté, fille de la peur plutôt que de la haine, est assez connue. Il tenait ses prisonniers les plus illustres dans des cages de fer de 8 pieds carrés, chargés de ces chaînes qu’on nommait les fillettes du roi. Il était d’ailleurs lui-même le premier de ses captifs, ne communiquant guère avec le dehors que par lettres, entouré seulement de créatures qu’il avait tirées du néant, comme son barbier, Olivier Le Daim. C’est dans cette retraite qu’il passa tristement ses derniers jours et qu’il mourut à la suite de plusieurs attaques d’apoplexie.

Le règne de Louis XI eut pour résultat, comme nous l’avons indiqué plus haut : le recouvrement de la Picardie, depuis les sources de l’Oise jusqu’à Boulogne, de la Bourgogne, de l’Anjou, du Maine, du Barrois, du Roussillon ; l’acquisition, du moins à titre provisoire, de l’Artois et de la Franche-Comté. Il avait appuyé la France aux Pyrénées orientales, au Jura, aux Alpes maritimes ; abattu la grande et la petite féodalité, enfin favorisé le développement de la bourgeoisie et des forces industrielles et commerciales. On a été trop loin en justifiant les moyens employés ; mais il serait injuste et puéril de méconnaître la grandeur des résultats. Louis XI avait épousé en secondes noces Charlotte de Savoie, dont il eut Charles VIII, son successeur ; Anne, qui fut mariée au sire de Beaujeu ; Jeanne, qui épousa Louis d’Orléans, successeur au trône de France de Charles VIII, sous le nom de Louis XII ; enfin trois autres enfants qui moururent jeunes.

Pour terminer l’esquisse de cette remarquable figure, nous allons donner l’appréciation de divers écrivains :

« Quoique brave, dit Sismondi, Louis n’aimait pas la guerre ; sa figure était ignoble, ses idées étaient toutes bourgeoises, ses penchants le portaient à la simplicité, et le luxe lui était odieux ; il ne s’était point livré à ce libertinage qui avait été le fléau de sa race et avait réduit à l’imbécillité son aïeul, ses oncles, son père lui-même. Il cherchait dans l’esprit toutes ses jouissances, Aucun prince de la maison de France n’avait tant réfléchi sur l’art de régner, n’avait tant étudié la politique, le caractère et les passions des hommes, les moyens de les dominer par leurs vices ; aucun ne parlait avec tant d’élégance ou d’adresse, ne maniait mieux la flatterie, ne savait avec plus d’art être caressant ou familier dans le discours, entraînant par sa verve ou persuasif par ses arguments. Mais aussi aucun n’avait moins de respect pour sa parole ou pour la vérité ; car si son esprit était supérieur à celui de tous ses prédécesseurs, son cœur n’avait point d’égal en dureté ou en perfidie. Défiant, tourmenté par une curiosité insatiable, il s’exposait à tous les dangers ; il sacrifiait son or, son pouvoir, son secret lui-même, pour pénétrer le secret d’autrui. On l’aurait cru étranger à la nation française et à la race royale ; il n’avait de sympathie pour aucun de ceux au milieu desquels il était né. Il voulait régner réellement. Il voulait non-seulement forcer à l’obéissance tous les princes entre lesquels la France était partagée, mais encore leur enlever le pouvoir ; il voulait détruire ces bandes d’aventuriers qui s’étaient emparées du pouvoir militaire ; il voulait punir les confidents, les conseillers de son père, qui l’avaient tenu si longtemps exilé, et ôter aussi tout pouvoir de lui nuire à son jeune frère qu’on avait destiné à le supplanter.

« Louis, pour se défaire des princes, résolut de s’appuyer sur les peuples. Il fut le premier en France à reconnaître l’importance des bourgeois, la puissance de l’industrie et du commerce, les talents, la capacité qu’il pourrait trouver parmi des roturiers. Il fut aussi le premier à flatter le peuple, par sa familiarité et par la bonhomie qu’il affectait dans ses propos avec les dernières classes ; par le rétablissement des milices de Paris, par l’inamovibilité qu’il accorda aux juges, par son empressement à assembler les états généraux. Mais il était trop méfiant, trop jaloux de son pouvoir pour ne pas reprendre bientôt d’une main ce qu’il avait donné de l’autre. »

Voici en quels termes Aug. Thierry apprécie le rôle de Louis XI : « Les mêmes forces qui avaient fondé sous le règne de Charles VII le nouvel ordre administratif n’auraient pas su le maintenir intact ; elles étaient collectives, et comme telles trop sujettes à varier ; l’œuvre de plusieurs avait besoin, pour ne pas déchoir, d’être remise aux mains d’un seul. Ce seul homme, cette personnalité jalouse, active, opiniâtre, se rencontra dans Louis XI. S’il y a dans l’histoire des personnages qui paraissent marqués du sceau d’une mission providentielle, le fils de. Charles VII fut un de ceux-là ; il semble qu’il ait eu, comme roi, la conviction d’un devoir supérieur pour lui à tous les devoirs humains, d’un but où il devait marcher sans relâche, sans qu’il eût le temps de choisir la voie. Lui qui avait levé contre son père le drapeau des résistances aristocratiques, il se fit le gardien et le fauteur de tout ce que l’aristocratie haïssait ; il y appliqua toutes les forces de son être, tout ce qu’il y avait en lui d’intelligence et de passion, de vertus et de vices. Son règne fut un combat de chaque jour pour la cause de l’unité du pouvoir et du nivellement social, combat soutenu à la manière des sauvages, par l’astuce et par la cruauté, sans courtoisie et sans merci. De là vient le mélange d’intérêt et de répugnance qu’excite en nous ce caractère étrangement original. Le despote Louis XI n’est pas de la race des tyrans égoïstes, mais de celle des novateurs impitoyables ; avant nos révolutions, il était impossible de le bien comprendre. La condamnation qu’il mérite et dont il restera chargé, c’est le blâme que la conscience humaine inflige à la mémoire de ceux qui ont cru que tous les moyens sont bons pour imposer aux faits le joug des idées. »

M. Paul de Saint-Victor a écrit de son côté : « De tous les rois de France, Louis XI est peut-être celui qu’a le plus maltraité la postérité. Une impopularité diffamante frappe ce roi si essentiellement populaire. Il n’y a pas seulement de la haine, il y a du mépris dans l’image que le peuple a gardée de lui. D’accord avec l’histoire, la fiction le traita en personnage moitié tragique et moitié grotesque. Voyez-le sur la scène et dans les romans : il y paraît presque toujours méchant et lâche, cruel et avare, composé de Tartufe et de Tibère, de Malade imaginaire et de Pathelin. Il y a du vrai et du faux dans cette légende, comme il y a, dans une caricature, de la ressemblance et de la chimère. Qu’il fût lâche, c’est là une calomnie gratuite que l’histoire sérieuse n’a pas répétée... Dans cette lutte contre les grands vassaux, le droit est pour lui, sinon la moralité. Il se battit à armes déloyales contre une armée de félons ; il se fit traître contre les traîtres et parjure contre les parjures... Le droit est de son côté dans la guerre admirablement obstinée qu’il soutint contre ces rebelles ; la sympathie hésite à s’y ranger. Il luttait contre des traîtres, mais ses trahisons sont plus viles, sa perfidie est plus noire que celle de ses adversaires. »

Louis XI à Péronne, comédie en cinq actes et en prose, de Mély-Janin (Théâtre-Français, 15 février 1827). L’auteur s’est amusé à dramatiser le Quentin Durward de Walter Scott. Louis XI, défié, au milieu de son conseil, par le comte de Crèvecœur, ambassadeur du duc de Bourgogne, se rend lui-même à la cour de ce prince, accompagné de quelques chevaliers. À la nouvelle de la mort de Crëvecœur, le duc fait arrêter le roi, qu’il accuse de trahison. Mais Quentin Durward, qui a blessé l’ambassadeur en combat singulier, parvient à s’introduire à la tête de ses soldats, dans la prison où on a conduit Louis XI, et la paix est conclue entre le roi et le duc de Bourgogne. Mély-Janin a pris trop peu de chose à Walter Scott en ne conservant que l’action principale, car ce sont les détails qui rendent piquant l’ouvrage anglais. Il s’est appliqué à décolorer les caractères, à éteindre le dialogue, auquel il a enlevé à peu près tout ce qu’il avait de vif et d’original.

Louis XI, tragédie en cinq actes, par Casimir Delavigne (Théâtre-Français, 11 février 1832). Écrite pour complaire aux partisans du romantisme, tout en restant fidèle tant bien que mal aux vieux préceptes, cette tragédie est assez remarquable comme œuvre de transition entre les deux écoles. Une première objection se présente ici contre le sujet même. Pour qu’un seul personnage suffise à défrayer cinq actes, il faut que, comme dans les pièces historiques de Shakspeare, il en soit fait une biographie complète, où les vicissitudes d’une vie de héros intéressent par la variété des incidents, à défaut de la péripétie d’une action unique. Tel n’est pas le cas de la tragédie de Casimir Delavigne. L’auteur a eu la prétention de faire connaître Louis XI tout entier en faisant assister le spectateur aux quinze derniers jours de sa vie ; l’action unique qui sert au développement du caractère de Louis XI ne suffisant pas, l’auteur a dû rattacher épisodiquement aux scènes capitales où le roi joue le premier rôle toute une action secondaire qui ne se passe qu’en récits. L’historien Commines joue cependant un rôle assez important. C’est lui qui fait l’exposition de la pièce, d’abord en relisant à haute voix une partie de ses Mémoires, puis dans une conversation familière avec Coictier. Ces deux hommes, courtisans chacun à leur manière, mais également cupides, également ambitieux, se font de ces demi-confidences qui éclairent l’avenir du drame. Le médecin Coictier tient tête au roi pendant plusieurs scènes, si bien qu’on serait tenté de croire, en voyant les traits effacés de Tristan, d’Olivier et des autres, que Louis XI n’a plus d’autre confident que son médecin. Pour Louis XI malade, c’est possible ; mais il est un autre Louis XI autrement intéressant à connaître, et c’est celui-là que l’auteur eût dû s’efforcer de peindre. La plus belle scène de l’ouvrage est, sans contredit, celle de la confession du roi pénitent tombant aux pieds de François de Paule.