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LÎBË

.. Que sert In bonne chère

fluand on n’a pas la Merlé ?

La Fontaine

— Faculté d’agir qui n’est ?ênée ni par une autortié arbitraire ni par-des lois tyranniques : Crier vive la liburtéI Quand l’innoeenee des citoyens n’est pas assurée, la liberté ne l’est pas non plus.- (Montesq.) L’empire de la raison publique est le vrai fondement de laLiiskrtù. IJ.-J. Rouss.) La liberté d’agir sans mitre ne peut être restreinte que par des ' lois tyranniques. (Turgot.) L’esprit suldiitesque est ta gangrène de tu liberté. (X. de Maistre.) L’esprit public, qu’on attend pour permettre lu liberté, ne saurait résulter que de cette liberté même. (Mme de Staël.) La liberté n’est que la justice garantie. (De Génuido.) Pour défendre la liberté, on doit savoir immoler sa vie. (B. Constant.) La hbehté sort du droit de nature ; l’homme est né libre.- (Uhkteaub.) La liberté a’ses ennemis, qu’il faut subir pour jouir de ses bienfaits. (Guizot.) // n’y a de bonne cause que celle de ta liberté. (Çormenin.) La plupart des peuples ont des libertés ; mais peu jouissent de la liberté. (Ch. Comte.) La liberté est le premier des biens de ce monde. (L. Veuillot.) La liberté est le pain que les peuples doivent gagner à ta sueur de leur front. (Lumenn.) C’est un coupable usaye de la liberté que de l’abdiquer. (V. Cousin.) l’ius de liberté, plus de patrie : l’empire du monde est aux plus scélérats. (Proudh.) La liberté est l’essence même du progrès. (Bastiai.) La liberté serait un mot si L’on gardait des.mœurs desclaves. (Michelet.) On pourrait dire que la liberté est l’air respimble de l’âme humaine. (V. iiugo.) L’amour de la liberté est aussi légitime que l’amour de soi. (Lateaa.) Un peuple sans liberté a des instincts, il n’a pas de sentiments. (De Custine.)

On la vertu n’est point, la liberté n’est pas.

Ducis.

Aimons la liberté ! c’est le sourie de Dieu, C’est l’esprit fécondant qui pénètre en tout lieu.

Bkizeui.

Liberté, liberté chérie.

Combats avec tes défenseurs !

Sous nos drapeaux que la victoire Accoure & tes maies accents.

Rouget db l’Isle.

— Déesse qui personnifie la liberté politique : Une statue de la Liberté.

. L’enfer de la Bastille, a tous les vents jeté", Vole, débris infâme et cendre inanimée. Et de ces grands tombeaux la belle Liberté

Alttère, élincelante, armée,

Sort.....

A. Ciiénieb.

— Faculté spéciale d’accomplir des actes d’une certaine nature : Les libertés publiques. La liberté des transactions. La liberté de la presse. Les libertés comme les propriétés sont limitées les unes par tes autres, (Turfot.) liai lions-nous d’un bout de ta France à autre contre les ennemis de nos libertés. (Chiiieaub.) La liberté de la presse est te seul droit dont tous tes autres dépendent. (Mme de Staël.) La liberté des journaux est inséparable de la liberté de la tribune. (Royer-Cullurd.) La liberté de la presse est une nécessité du gouvernement républicain ; elle n’est possible que dans cette espèce de gouvernement. (A. Dilliard ;) La liberté de l’enseignement est une garantie-nécessaire de la liberté de conscience. (Vaeherot.)

— Faculté d’agir qui n’est pas gênée par la volonté d’autrui ; absence d’entraves, de contrainte : Une liberté discrète et éclairée est le plus solide principe de l’éducation des filles. (P. Janet.)

Le sexe aime à jouir d’un peu de liberté ;

On le retient fort mal avec l’austérité.

Mouère.

— Franc parler, absence de contrainte extérieure ou volontaire qui empêche d’exprimer sa pensée : // se répand autour des tijàues certaines terreurs qui empêchent de parler aux rois avec liberté. (Flech. J ■

Je répondrai, madame, avec la liberté

D’an soldat qui sait mal farder la vérité.

L. Racine.

— Indépendance de position, absence de contrainte extérieure qui empêche de faire ce qu’on veut : Quand on jouit de la liberté, il ne faut pas hasarder de la perdre. (Voit.)

— Loisir, état d’une personne qui peut disposer de son temps : Mes nombreux travaux ne me laissent pas un moment de LIBERTE.

— Aisance, absence d’obstacle qui gêne les mouvements : Une douleur rhumatismale lui àtè ta liberté de ses membres. Ce ressort ne joue pas avec assez de liberté.

La grâce est dans l’aisance et dans la liberté.

Delille.

— Action ou parole hardie, libre, familière à l’excès : Prendre des libertés avec quelqu’un. Se permettre certaines libertés. On ne trouve dans mes écrits que de simples enjoué' ments, que de petites libertés fort innocentes. (St-Evrem.) Les poètes s’imaginent qu’un irait ingénieux excuse leurs LtBERTÉs les -plus audaeieuses : (Sl-Evrem.)- ’■. :.— J

Tout tous semble permis ; mais craignez mon cour"Vos libertés enfin retomberaient sur vous, [roux ;

Racine.

—.Libre arbitre, faculté de l’âme par)a

libë

quelle elle se détermine par son propre mouvement et non par une influence étrangère : La liberté nous fut donnée pour que le bien dérivât de notre choix. (De Gérando.) La liberté est l’antagoniste de tout ce qui est fatal. (Proudh.) La liberté est l’attribut fondamental de la volonté. (V.Cousin.) La liberté humaine est inaliénable. (Baulain.) La liberté, c’est la vie, l’usage de nous-mêmes. (M’"* Guizot.) La loi sollicite an bien moral, la passion pousse au mal, la liberté choisit. (S. de Sacv.) La liberté n’est que l intelligence qui juge, qui délibère, qui choisit. (Flourens.) La liberté de l’homme n’est que le pouvoir de vouloir, ce n’est pas le pouvoir a’vgir. (A. Garnier.) La liberté est la faculté de résister aux passions et aux déterminations suggérées par les sensations. (Mesnard.)

Démêler ses devoirs, les faire avec courage, C’est de la liberté le plus parfait usage.

Mohand.

Liberté ! premier don qu’un Dieu fit à la terre, Qui marqua l’homme-enfant d’un divin caractère.

Lauartins.

— Privilège, immunité : La conquête fit perdre à cette province toutes ses libertés.

Liberté naturelle, Droit que l’homme possède par nature d’agir à son gré, et non par une contrainte extérieure : Dans l’état social, la liberté naturelle est restreinte par les conventions établies pour l’utilité commune (Acad.)

Liberté individuelle, Droit de tout citoyen de n’être privé de sa liberté personnelle que dans les cas prévus et selon les formes déterminées par les lois : La liberté individuelle, c’est cette liberté nécessaire qui assure la sécurité de chaque citoyen. (K. Picard.)

Liberté civile, Droit de faire tout ce qui n’est pas défendu par les lois : La liberté civile est le pouvoir de faire ce que l’on veut, dans l’état social, sans nuire à autrui. (De Gérando.) La liberté civile n’était pus compatible avec le génie de la civilisation antique. (Michel Chevalier.) Il Liberté morale, La liberté, considérée sous le point de vue de la moralité, qu’elle engendre, dont elle est la condition essentielle : La dignité de la nature humaine se fonde tout entière sur la liberté morale. (Ancillon.) La liberté morale : est ta seule importante, ta seule nécessaire ; l’autre n’est bonne et utile qu’autant qu’elle favorise celle-là. (J. Joubert.) Le Napolitain a la liberté matérielle, l’Allemand a la liberté morale. (V. Hugo.)

Liberté de conscience ou liberté religieuse, Absence de toute contrainte à l’égard des croyances et des pratiques religieuses : La liberté de conscience, la liberté d’écrire, la liberté politique, la liberté de commerce ont eu leur berceau en Hollande. (E. Laboulaye.) La liberté politique a eu sa guerre de Trente ans comme la liberté de conscience. (Bignon.)

Liberté des cultes, Droit de pratiquer publiquement et d’enseigner la religion que 1 on professe : La France est le seul pays où la liberté des cultes ne soit pas un accident heureux de la politique, mais un principe général et fondamental. (Guéroult.)

Liberté des mers, Droit de naviguer librement sur toutes les mers.

Liberté d’esprit, Absence de toute préoccupation qui gène la volonté ou l’inielligence : On ne peut s’occuper d’un travail sérieux sans une complète liberté d’esprit. Celui qui veut conserver toutes les libertés de son esprit doit se mettre, et tout de suite, à l’abri des nécessités de la vie. (J. Janin.)

Liberté de ventre, Facilité, régularité dans les fonctions digestives.

Prendre la liberté, demander la liberté, demander pardon de la liberté, de la liberté grande, etc., Formules de politesse dont on se sert pour s’excuser de la chose qu’on a faite ou qu’on vem faire : Je prends la liberté de vous écrire. Je vous demande la liberté de faire un tour dans votre jardin. Excusez la liberté grande que j’ai prise.

—Prov. Liberté et pain cuit, L’indépendance et des ressources suffisantes pour vivre suffisent pour rendre un homme heureux.

— Hist. Arbre de la liberté. V. arbre, il Libertés de l’Église gallicane, Ensemble de droits que l’Église de France s’attribue dans ses relations avec le saint-siége : Une des libertés de l’Église gallicans est de ne point admettre tes censures de ta congrégation de l’index, il Chevaliers de la Liberté, Association secrète qui s’était formée, vers 1830, dans le département des Deux-Sèvres, contre le gouvernement de la Restauration, et qui se réunit bientôt à la Charbonnerie française. Il Ordre de la Liberté, Société secrète fondée à Paris en 1710, et où les deux sexes étaient admis.

— Philos. Liberté d’indifférence, Faculté que posséderait l’homme de se décider indépendamment de tout motif de décision.

— Théol. Liberté" de contrariété, Faculté de choisir entre le bien et le mal. Il Liberté de contradiction, Faculté d’agir ou de s’abstenir.

— Jurispr. Liberté provisoire sous caution, Elargissement d’un prévenu, accordé il la condition de fournir une caution suffisante qui garantisse sa présence aux débats.. Il Liberté de cour, Faculté laissée à des marchands de s’affranchir de la juridiction du pays où

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ils commercent, et de porter leurs causes devant les cours de leur nation.

— B.-arts. Facilité dans l’exécution manuelle : Liberté de pinceau, de burin, de crayon.

— Jeux. Nom donné pendant la Révolution, par certains fabricants de cartes, aux figures qui remplaçaient les dames : Avoir quatorze de libertés. Quatrième à la liberté de carreau.

— Manège. Liberté de langue, Espèce d’arcade ménagée dans le canon du mors, pour loger la langue du cheval. Il Sauter en liberté, Se dit d’un cheval dressé à faire des sauts sans être monté.

— Techn. Filet qui sert k élever et à baisser les brins de cannes dont on fait des fauteuils, pour faciliter le passage d’une aiguille de même matière.

— Encycl. Philos. V. libre arbitre et volonté,

— Politiq. Deux faits antagonistes dominent la politique humaine et la résument tout entière : les nécessités sociales et les droits individuels, ou, en termes plus précis, l’autorité et la liberté. Ces deux faits, dont l’opposition est la cause de tous les bouleversements et dont l’harmonie conduirait les sociétés à la perfection, ont été niés l’un et l’autre par des intéressés égoïstes ou par des fanatiques irréfléchis. Nier l’autorité, c’est préconiser l’anarchie, c’est briser le bien social, c’est détruire la société humaine ; nier la liberté, c’est installer le despotisme, c’est mettre la société en exploitation réglée entre les mains d’un-ou de plusieurs ambitieux. La liberté et l’autorité méritent donc à litre égal la sollicitude que les publioistes et les hommes d’État témoignent pour elles ; mais une distinction est nécessaire. La liberté, qui n’a pour elle que le droit, est presque toujours victime sur la terre de l’autorité, qui dispose ordinairement de la force et qui possède la ruse. La liberté, reconnue par tout les politiques modernes dignes de ce nom comme un droit primordial de l’espèce humaine, n’a presque jamais existé ici-bas. Limite naturelle de l’autorité, elle s’est toujours offerte aux gouvernements comme un obstacle k leur ambition, comme une gène intolérable k leur action ; rien de plus facile en effet que de gouverner les gens dépourvus de tout droit et pour qui tous les bienfaits du gouvernement sont des grâces absolument gratuites. Il est donc iiaturel à tout gouvernement d’écarter de son chemin la liberté, cette diyue qui s’oppose à tous les abus de pouvoir. Toute autorité est l’enneinie-née de la liberté, ce oui explique suffisamment, les révoltes de

1 une et la tyrannie de l’autre. Nous avons dit pourquoi la liberté a presque toujours succombé dans cette lutte illégale. Si donc il ■ est juste et nécessaire que les partisans sincères de la liberté redoublent d énergie et de vigilance pour faire triompher le droit individuel, sans porter atteinte k l’intérêt public et k l’autorité qui doit en être le représentant, il est moins indispensable de défendre l’autorité contre les entreprises de l’individualisme ; car si l’anarchie a pu être préconisée par quelques esprits égarés par une réaction excessive contre l’abus du pouvoir, jamais l’anarchie n’a été tentée comme moyen pratique par un parti triomphant ; tous ou presque tous, quelle que fût leur origine, ont été portés au contraire k exagérer le principe d’autorité. Cette dernière a souffert quelquefois de la compétition des ambitieux qui se disputaient le pouvoir et le réduisaient, par leurs prétentions contraires ou par l’incapacité ou la faiblesse des gouvernants, k rester en quelque sorte vacant ; jamais il n’est arrivé que ceux qui disposaieuidu pouvoir aient jugé injuste ou inutile d’en user. Donc, défendons courageusement la liberté ; l’autorité saura bien se défendre elle-même et n’est Nullement habituée à jouer le rôle de victime. Ceux qui la défendent avec tant d’ardeur et de conviction, au moins apparente, sont ou des ambitieux qui se préparent des sujets sans volonté et sans moyens de résistance, ou des trembleurs qui croient voir le char de l’État sur le point de verser, toutes les fois qu’ils lui voient faire un pas en avant.

Un doute peut rester dans l’esprit de nos lecteurs après cette discussion : puisque dans cette lutte entre l’autorité et la. liberté la force appartient à la première, la liberté at-elie quelque chance ne triompher et ne devrait-elle pas renoncer à la lutte ? Non. L’antagonisme, qui a toujours ou presque toujours existé en fait, n’est pas nécessaire eu droit, et c’est k le détruire que doivent tendre les efforts des amis de la liberté. Aussi c’est une grande erreur chez les libéraux, par exemple chez M. de Uirardin, de professer une indifférence absolue sur la forme du gouvernement. Tout pouvoir monarchique, préoccupé de sa durée éternelle, de la mobilité des esprits, des dangers de la lutte, de l’instabilité de la victoire, des difficultés qu’il rencontre k gouverner les volontés contraires, a pour tendance forcée d’assurer l’avenir et de faciliter le présent en étouffant toute opposition, c’est-k-dire toute liberté. Nous ne nions pas qu’un gouvernement démocratique ne puisse être tyranuique ; mais d’abord sa tyrannie ne peut atteindre que la minorité, ce qui réduit déjà singulièrement le nombre des victimes. En second lieu, les intérêts et la volonté de tous ont mille fois plus de chance d’être sérieuse LIBE

ment exprimés quand ils ont pour interprète la voix du plus grand nombre, que lorsqu’ils sont livrés k l’interprétation et à la conscience d’un tyran ou de quelques ambitieux. Donc, le gouvernement aVmocralique, sans être une garantie absolue contre la tyrannie, est un gage pre.-que certain de liberté, et en tout cas un obstacle assuré k tout despotisme durable. Telle est la logique invincible qui conduit à la république tous les partisans sincères de la liberté.

Malheureusement, cette liberté nécessaire, vraie base de L’orure social, n’a pas toujours été sagement défendue ni même nettement définie. Nous en connaissons plus de vingt formules, les unes trop absolues, les nutres tellement insuffisantes qu’elles s’évanouissent dans l’application. Il y a un millier d’années, Alcuin croyait avoir défini la liberté par ces deux mots : innocentia vit&. Mais Alcuin enseignait plutôt la morale que la politique, et son illustre élève, tout entier, comme tant d’autres monarques, au soin de satisfaire son ambition et d’asseoir sa dynastie, n’avait guère le temps de se préoccuper de liberté. Cependant l’innocente devise métaphysique du précepteur de Charlemagneu traversé les siècles ; on la retrouve en substance, sous une autre forme, chez les puritains de la Nouvelle-Angleterre, qui dans la loi de l’État de

Massachusetts donnent cette autre définition de la liberté : ■ Le droit de faire sans crainte tout ce qui est juste et bon. » Pour mieux faire ressortir l’esprit de cette maxime, nous y ajouterons un court passage de Vinihrop, l’un des législateurs-gouverneurs de l’État de Massachusetts : « Ne nous trompons pas, dit-il, sur ce que nous devons entendre par notre indépendance. Il y a, en effet, une sorte de ■ liberté corrompue, dont l’usage est commun aux animaux comme k l’homme, et qui consiste k faire tout ce qui plaît. (Jette liberté est ennemie de toute autorité. Elle souffre impatiemment toutes les règles, et, par elle, nous devenons inférieurs k nous-mêmes. Elle est l’ennemie de la vérité et de la paix, et Dieu a cru devoir s’élever contre elle. Mais il est une liberté civile et inorale, qui trouve sa force dans l’union et que la mission du pouvoir lui-même est de protéger : c’est la liberté de faire sans crainte tout ce qui est juste et bon. Cette sainte liberté, nous devons la défendre dans tous les hasards et exposer pour elle notre vio, s’il le faut. » Evidemment, les lois qui vont découler d’un pareil préambule pencheront plutôt vers l’intolérance que vers la liberté. Cette distinction de la liberté corrompue et de la liberté sainte ne serait pas désavouée par les docteurs de l’Église catholique, qui, de leur côté, proclament la liberté de la vérité et proscrivent la liberté de l’erreur. Il va sans dire que, selon eux, la vérité est exclusivement dans leurs prédications et qu’eux seuls doivent être libres. Ils réclament, eux aussi, la liberté du bien, et comme ils se réservent le droit de définir le bien, ils ne demandent et n’approuvent que leur propre liberté. C’est ainsi que Rome a toujours compris la liberté. Personne n’a oublié en France l’ardeur que mirent autrefois les catholiques à réclamer la liberté de renseignement, ce qui voulait dire, dans leur

bouche, le droit exclusif d’enseigner réservé aux évêques et aux frères ignorantins. Non, il ne nous plaît pas que le législateur pénètre dans le domaine de la conscience ; non, nous ne saurions nous accommoder d’une prétendue liberté, sainte ou non, qui punirait de peines sévères le blasphème, et défendrait même, au besoin, de voyager le dimanche sans nécessité prouvée et reconnue. Nous comprenons tout autrement la dignité et la responsabilité humaines. Non, pour nous, les péchés ne sont pas des délits, et toute loi réglementaire des croyances et des pratiques religieuses est une atteinte à la liberté. Qu’on nuus dénie si l’on veut la liberté du mal, mais encore faut-il qu’on définisse ce qu’on nous défend. Or, pour le gouvernement teinporel.il n’y a, ne peuty avoir de mal que la violation des lois, et les lois, pour être justes, ne doivent être fuites que dans la stricte limite des droits sociaux. Aucune loi humaine ne peut atteindre le péché, qui n’est que la violation de la loi déDieu ; car Dieu n’est pas une personne mineure et n’a aucun besoin d’être mis en tutelle et d’être protégé. Une législation qui vise l’offense faite à Dieu est la plus cruelle offense qu’on puisse faire k la divinité. Dieu supporte très-bien la liberté en ce monde, même quand elle se tourne contre lui ; quelles que soient les raisons de cette tolérance, les défenseurs des droits de Dieu devraient comprendre que l’exemple leur vient de trop haut pour qu’ils puissent se soustraire k l’obligation de l’imiter. Résumons ce point : si le mal n’est que la violation des droits légitimes, nous ne reconnaissons k personne la liberté de le commettre ; si c’est une atteinte aux lois d’une Église ou d’un décalngue, nous refusons à tout le monde le droit de l’empêcher. C’est ce droit de définir et de prescrire le bien inoral et religieux qui, usurpé pur l’État, a conduit Socratek la cigué et Jésus k la croix. D’ailleurs, ta liberté a nécessairement deux termes ; en supprimer un, c’est tomber dans la niaiserie. Afiirmer la liberté du bien et re fuser la liberté du mal, c’est dire qu’on a la liberté de faire et non pus celle de s’abstenir ; par exemple, la liberté d’aller k la messe, mais non pas celle de rester chez soi pendant l’office.