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préparèrent à une défense terrible. Bientôt, néanmoins, Dubois-Crancé parvint à établir un blocus presque complet ; mais les opérations furent lentes, car il ne disposait pas de troupes assez nombreuses pour ordonner des attaques de vive force. Les fortifications de la Croix-Rousse, entre la Saône et le Rhône, devant lesquelles se trouvait le corps d’armée du centre, commandé par Kellermann, ne pouvaient être emportées par un assaut. Sur la rive gauche du Rhône et du côté de l’est, le pont Morand était protégé par une redoute en fer à cheval, très-habilement construite ; à l’ouest, enfin, les hauteurs de Fourvières et de Sainte-Foy., dont l’occupation était décisive, ne pouvaient être enlevées que par une armée vigoureuse ; aussi Dubois-Crancé se borna-t-il d’abord à intercepter les vivres, à serrer la ville et à l’incendier, opérations qui absorbèrent tout le mois d’août et la première moitié de septembre (1793). En quelques jours, un bombardement terrible eut livré aux flammes la magnifique place de Bellecour, l’arsenal, le quartier Saint-Clair, le port du Temple ; il endommagea même le bel édifice de l’hôpital, qui s’élève majestueusement sur la rive du Rhône. Les Lyonnais, néanmoins, continuaient à résister avec la plus grande opiniâtreté, trompés par l’émigration qui ne cessait de leur répéter que 50,000 Piémontais descendaient des Alpes à leur secours. Mais, pendant ce temps-là, le général Kellermann s’était porté à la rencontre des ennemis, à l’issue des deux vallées de la Tarentaise et de la Maurienne, et les attaquant audacieusement dans la position d’Espierre, qu’ils avaient prise sur la chaîne du Grand-Loup, il jeta l’épouvante et le désordre parmi eux et les força à se retirer au delà des Alpes. Cette puissante diversion, qui devait sauver Lyon des colères de la Convention, lui fit donc tout à coup défaut, et la ville rebelle ne dut plus compter que sur ses propres ressources, et cela au moment où, de tous les départements voisins, accouraient des gardes nationales pour renforcer l’armée assiégeante. Le 24 septembre, à minuit, Dubois-Crancé fit enlever la redoute du pont d’Oullins, qui conduisait au pied des hauteurs de Sainte-Foy, et quelques jours après cette position fut enlevée. Mais, pour pénétrer dans la place, il restait à emporter les hauteurs de Fourvières, qui étaient encore plus fortement retranchées. Dubois-Crancé, militaire savant et systématique, sachant que les Lyonnais n’avaient plus de vivres que pour quelques jours, voulait qu’on attendît l’effet de la famine plutôt que de s’exposer aux hasards d’un nouvel assaut. Couthon arrivait en ce moment avec une nouvelle levée de 25,000 paysans de l’Auvergne. « Je n’entends rien, s’écria-t-il dans son exaltation révolutionnaire, aux raffinements de votre tactique ; j’arrive avec le peuple : sa sainte colère emportera tout. Il faut inonder Lyon de nos masses et l’emporter de vive force. D’ailleurs, j’ai promis congé à mes paysans pour lundi, et il faut qu’ils aillent faire leurs vendanges. » Couthon ne voulut écouter aucun des conseils de la prudence, et il fit décider, pour le 8 octobre, une attaque générale avec les 60,000 hommes dont on disposait en ce moment ; puis il écrivit au comité de Salut public pour demander la révocation de Dubois-Crancé, révocation qui arriva immédiatement, de sorte que Couthon se trouva véritablement seul chargé de la conduite du siège, malgré la présence de deux autres commissaires de la Convention, Laporte et Maignet. Le 7 octobre, Couthon adressa aux Lyonnais une dernière sommation, et, sur la fin de la journée, une députation de la ville se présenta enfin au camp républicain pour négocier. Pendant ces pourparlers, Précy et 2,000 des habitants les plus compromis s’échappèrent en colonne serrée par le faubourg de Vaise pour se retirer vers la Suisse. Mais cette troupe, forcée de se disperser, fut presque entièrement massacrée ; une centaine d’hommes à peine, parmi lesquels se trouvait Précy, réussirent à franchir la frontière.

Le 9 octobre (1793), l’armée républicaine, ayant les représentants en tête, entra dans Lyon consternée, Couthon commença par réintégrer l’ancienne municipalité montagnarde et lui donna mission de chercher et de désigner les rebelles, qu’une commission populaire fut chargée de juger militairement. Puis il écrivit à Paris qu’il y avait à Lyon trois classes d’habitants : 1° les riches coupables, dont il fallait faire tomber les têtes et détruire les maisons ; 2° les riches égoïstes, qu’il fallait faire contribuer de toute leur fortune ; 3° les ouvriers ignorants, qu’il fallait dépayser et remplacer par une colonie républicaine. À la réception de cette lettre, le comité de Salut public prépara des décrets terribles, afin de rendre plus formidable et plus respectée l’autorité de la Convention, et Barrère présenta le décret suivant, qui fut immédiatement rendu :

Art. Ier. Il sera nommé par la Convention nationale, sur la présentation du comité de Salut public, une commission de cinq représentants du peuple, qui se transporteront à Lyon sans délai, pour faire saisir et juger militairement tous les contre-révolutionnaires qui ont pris les armes dans cette ville.

Art. 2. Tous les Lyonnais seront désarmés ; les armes seront données à ceux qui seront reconnus n’avoir point trempé dans la révolte et aux défenseurs de la patrie.

Art. 3. La ville de Lyon sera détruite.

Art. 4. Il n’y sera conservé que la maison du pauvre, les manufactures, les ateliers des arts, les hôpitaux, les monuments publics et ceux de l’instruction.

Art. 5. Cette ville cessera de s’appeler Lyon. Elle s’appellera Commune-Affranchie.

Art. 6. Sur les débris de Lyon sera élevé un monument où seront lus ces mots : Lyon fit la guerre à la liberté, Lyon n’est plus.

Mais ce terrible décret, destiné à empêcher d’autres villes de suivre l’exemple de Lyon, ne fut point exécuté en ce qui touche la démolition de la ville. La Convention se contenta de faire un simulacre qui consista à frapper d’un petit marteau d’acier les murs de l’un des palais de Bellecour.

La prise de Lyon porta un coup terrible à l’insurrection ; celle de Toulon allait achever de l’étouffer, et tout se tut, dès lors, devant l’inexorable Convention.

En 1815, Louis XVIII institua une médaille pour récompenser le petit nombre de royalistes survivant au siège de Lyon de 1793. Elle se portait suspendue à un ruban complètement identique à celui de la médaille des volontaires, moiré blanc, bordé de deux lisérés rouges. La croix était d’argent, à quatre branches émaillées blanc, cantonnées de fleurs de lis, et portait au centre la date de 1793, et en exergue, dans un cercle d’émail bleu, l’inscription : Siège de Lyon.

Lyon (insurrection de) [novembre 1831]. Ce triste épisode de nos guerres civiles n’eut pas comme à Paris, à la même époque, la politique pour cause. Le mal avait des racines plus profondes. Ce fut un de ces drames industriels, comme il en éclate de temps à autre dans nos sociétés modernes, au grand effroi des classes privilégiées, et dont la gravité est de nature à attirer la sérieuse attention du philosophe, de l’économiste et de l’homme d’État.

On sait que l’industrie principale de Lyon est la soierie. Elle occupait à cette époque de trente à quarante mille ouvriers, désignés sous le sobriquet dédaigneux de canuts, plus environ huit à dix mille chefs d’atelier, possesseurs de métiers et employant des compagnons, qui devaient leur abandonner moitié de leur gain en échange de l’usage de l’instrument de travail. Au-dessus se trouvaient les fabricants, au nombre d’environ huit cents, intermédiaires et distributeurs des commandes ; et enfin, au sommet de la fabrique lyonnaise, les commissionnaires chargés de fournir la matière première, hauts parasites et véritables sangsues de l’industrie de la soie. L’ouvrier proprement dit supportait seul toutes ces charges et non-valeurs superposées. À ces causes de misère s’ajoutaient l’augmentation du nombre des fabricants depuis sept à huit ans, la concurrence désastreuse qu’ils se faisaient entre eux, et les nombreuses fabriques de soieries établies successivement en Suisse, en Italie, à Cologne, en Angleterre, etc. ; en sorte que le salaire de l’ouvrier capable et laborieux, qui, au temps de la prospérité de la fabrique lyonnaise, était de 4 à 5 francs, s’avilit jusqu’à descendre peu à peu à 25 sous, et même moins pour les travaux inférieurs, et cela pour un travail de dix-sept à dix-huit heures.

On devine quelles souffrances étaient au fond de cet état de choses.

La situation des chefs d’atelier était aussi fort pénible, l’abaissement du prix des façons diminuant d’autant leur quote-part, pendant que leurs frais, loyer, achat et entretien des métiers, etc., restaient les mêmes. Aussi faisaient-ils cause commune avec les compagnons.

« Au commencement d’octobre 1831, le conseil des prud’hommes, sur les plaintes réitérées des ouvriers, avait émis le vœu qu’un tarif au minimum fût fixé pour le prix des façons. Le préfet, M. Bouvier-Dumolard, se rangea à cette opinion, et, pour prévenir une crise imminente et terrible, il fit décider par les chambres de commerce, les maires de Lyon et ceux des trois villes-faubourgs, que les bases d’un tarif seraient discutées contradictoirement entre vingt-deux délégués des ouvriers et vingt-deux fabricants désignés par la chambre de commerce. Après diverses négociations dans lesquelles les ouvriers montrèrent la plus grande modération et les prétentions les plus modestes, le tarif fut arrêté, signé de part et d’autre, le 25 octobre, et le conseil des prud’hommes fut chargé d’en surveiller l’exécution.

Le même soir, les ouvriers illuminèrent leurs maisons et se livrèrent à toutes les démonstrations les plus pacifiques de la joie. La conciliation semblait donc faite dans ce grand centre industriel.

Mais l’agitation passa bientôt dans le camp des fabricants. La plupart de ceux-ci désavouèrent les délégués fabricants, protestèrent contre le tarif, malgré les décisions du conseil des prud’hommes, formèrent un comité, et en arrivèrent à publier des diatribes imprudentes où il était dit que les exigences des ouvriers provenaient de ce qu’ils s’étaient créé des besoins factices.

Accuser de dépenses de luxe des hommes qui (sans compter les chômages) gagnaient de 1 franc à 1 fr. 50 c. par jour, c’était vraiment par trop fort ! L’irritation gagna toute la population ouvrière ; la préfet, intimidé, déclara que le tarif était tout facultatif. En même temps, le commandant militaire, comte Roguet, très-disposé à ne voir dans les ouvriers qu’un troupeau de factieux, de plus ennemi de M. Bouvier-Dumolard et fort méprisant pour l’autorité civile, prit parti pour les ennemis de toute conciliation ; il fit afficher la loi contre les rassemblements, consigna la troupe, et prit avec fracas toutes sortes de mesures militaires, admirablement propres à déterminer une explosion.

Une partie de la garde nationale se prononça pour les ouvriers ; on le vit à une revue qui eut lieu le 20 novembre. En effet, ces pauvres gens excitaient la pitié par leurs souffrances, la sympathie par leur modération ; population timide, maladive à force de privations et de labeurs excessifs, et qui se montrait heureuse et reconnaissante des moindres concessions.

Le 21 novembre, les ouvriers cessèrent tout travail, dans le but d’obtenir l’acceptation du tarif. Un certain nombre d’entre eux, descendant de la Croix-Rousse, faubourg peuplé de canuts et qui domine la ville, furent arrêtés dans leur marche par un détachement de gardes nationaux, qui firent feu sur eux et leur tuèrent huit hommes. Cette foule, pacifique encore jusque-là, remonta précipitamment à la Croix-Rousse, et, par ses appels, détermina l’insurrection.

La garde nationale du faubourg se joint aux ouvriers, avec ses deux canons ; des barricades, auxquelles travaillent les femmes et les enfants, se dressent de toutes parts ; et sur ces hauteurs, sur cet Aventin de la misère et du travail, on voit flotter le drapeau noir, que ces malheureux ont pris pour insigne, et sur lequel ils avaient inscrit la devise tragique qui était comme le dernier cri de désespoir du prolétariat affamé :

VIVRE EN TRAVAILLANT OU MOURIR EN COMBATTANT !

Le préfet, accompagné du général Ordonneau, pénètre dans le faubourg dans des intentions d’apaisement ; mais comme la force armée agissait sur d’autres points, on crut à une trahison, et tous deux furent retenus prisonniers. Vers la fin du jour, cependant, M. Bouvier-Dumolard fut rendu à la liberté et reconduit aux cris de Vive le père des ouvriers !

Ce jour-là, la troupe dut renoncer à s’emparer de la Croix-Rousse. Une proclamation menaçante du général Roguet ne fit qu’enflammer les esprits. Le lendemain 22, l’insurrection s’étendit, se généralisa ; les insurgés de la Croix-Rousse descendirent en masse ; toute la ville fut bientôt soulevée ; une partie de la garde nationale ou cessa toute résistance ou se joignit aux ouvriers. Le quartier des Brotteaux, foudroyé par une batterie établie sur le pont Saint-Clair, n’en prit pas moins part au mouvement, avec la Guillotière et les autres faubourgs. Le soir, le triomphe des ouvriers était complet. La troupe avait été refoulée sur l’hôtel de ville, où les autorités civiles et militaires assemblées décidèrent l’évacuation de la ville, ce qu’ils nommèrent dans leur rapport, sans doute par euphémisme, quitter la position de l’hôtel de ville pour en occuper une plus avantageuse en dehors des murs. Le général Roguet et les troupes se retirèrent par Saint-Clair sur Montessuy, non sans avoir à lutter encore sur la route pour s’ouvrir un passage. Le préfet était resté à l’hôtel de ville avec quelques membres de la municipalité ; mais, réduits à l’impuissance, ils durent se retirer à la préfecture, pendant que les insurgés triomphants s’installaient à la maison commune.

Les ouvriers étaient entièrement maîtres de Lyon. Nous avons dit que le désespoir seul et des questions industrielles leur avaient mis les armes à la main. La politique n’avait été mêlée à leur insurrection qu’accessoirement, parce qu’un certain nombre de républicains s’y étaient jetés (et même quelques légitimistes). Les principaux chefs d’ouvriers, réunis à l’hôtel de ville, Lachapelle, Frédéric, Charpentier, ne voyaient guère dans le mouvement qu’une question de tarif. Quelques hommes sans consistance s’étaient joints à eux, entre autres un nommé Pérénon, agent du parti carliste. Dans cette situation, M. Bouvier-Dumolard, homme estimable, mais esprit fort délié, comprit que le meilleur moyen d’arracher aux ouvriers les fruits de leur victoire était de se servir de leurs propres mains. Dans le fait, ces hommes simples étaient déjà comme embarrassés de leur triomphe. Le préfet envoya chercher un des principaux chefs des insurgés, Lacombe, homme intrépide, très-honnête, et qui avait une grande influence sur la population ouvrière. Il le combla de marques de confiance et d’estime, et le nomma gouverneur de l’hôtel de ville ; puis il réunit les chefs des sections ouvrières, et les décida à signer une proclamation pour engager le peuple à respecter l’autorité légitime. En même temps, l’ancienne municipalité rentrait à l’hôtel de ville, semait la division entre les vainqueurs, et parvenait à éliminer les hommes politiques qui s’étaient mêlés au mouvement, et dont la clairvoyance était un embarras. Une journée de manœuvres habiles suffit pour faire retomber le peuple vainqueur sous l’ascendant de cette haute bourgeoisie, contre l’oppression de laquelle il s’était soulevé.

Ce peuple, d’ailleurs, ne songeait à commettre aucun excès ; il avait distribué des postes pour garder la Monnaie, la recette générale, etc., et l’on voyait des hommes en guenilles et affamés monter la garde autour des riches demeures des fabricants cités parmi les plus impitoyables. Deux malheureux, surpris emportant des objets volés, furent fusillés sur place.

L’ancienne autorité avait repris tout son empire. Pendant quelques jours encore, cependant, on amusa les ouvriers par des promesses et de vains simulacres. Enfin, le 3 décembre, une proclamation de la mairie annonça l’arrivée du prince royal et du maréchal Soult. Ils entrèrent à Lyon à la tête d’une armée nombreuse, tambour battant et mèche allumée. Leurrés de promesses menteuses, dissous, désorganisés, les ouvriers na pouvaient opposer aucune résistance à ces forces considérables.

Le maréchal Soult prit des mesures sévères. Les ouvriers furent désarmés, la garde nationale dissoute, Lyon traité en ville conquise, contenue par une garnison de vingt mille hommes. Plus tard, et successivement, on entoura la Croix-Rousse d’une ceinture de forts hérissés de canons.

Naturellement le tarif, objet de l’insurrection, ne fut pas exécuté. Non-seulement le gouvernement lui refusa sa sanction, mais encore il destitua brutalement M. Bouvier-Dumolard et l’éloigna de cette cité qu’il avait conservée à l’autorité royale.

Les ouvriers lyonnais furent encore une fois réduits à se renfermer silencieusement dans leur misère et dans leurs angoisses.

La nouvelle de l’insurrection lyonnaise causa dans toute la France une impression pénible ; cependant, tel était l’aveuglement des maîtres du pays, qu’ils furent tout à fait rassurés en apprenant que le mouvement n’était point politique.

Il n’en était que plus grave et plus inquiétant.

« C’était, dit M. Louis Blanc, la démonstration sanglante des vices économiques du régime industriel inauguré en 1789 ; c’était la révélation de tout ce que renferme de lâche et d’hypocrite cette prétendue liberté de transaction qui laisse le pauvre à la merci du riche, et promet une victoire aisée à la cupidité qui sait attendre sur la faim qui n’attend pas.

« vivre en travaillant ou mourir en combattant ! Jamais plus déchirante et plus terrible devise n’avait été écrite sur un étendard à la veille d’un combat ; elle montrait dans l’insurrection des infortunés ouvriers de la Croix-Rousse une véritable guerre servile ; et à la puissance que venaient de déployer ces esclaves des temps modernes, esclaves auxquels pourtant avait manqué un Spartacus, il était facile de deviner quelles tempêtes le XIXe siècle portait dans ses flancs. »

Lyon (complot de). On donne ce nom à un prétendu complot contre la sûreté intérieure de l’État, qui donna lieu à un procès devant un conseil de guerre de Lyon, en août 1851. Il s’agissait au fond d’une vaste association secrète, organisée dans quinze départements du sud-est pour défendre la République contre les intrigues, les manœuvres et les coups d’État en perspective des partis réactionnaires.

Après les terribles journées de juin 1848 et les lois de réaction qui suivirent, les républicains comprirent la nécessité d’une forte organisation du parti, d’une entente et d’une action commune. Un premier essai fut fait, à la fin de 1848, par la Société de la solidarité républicaine, dont Delescluze fut le principal promoteur ; cette société ayant été poursuivie et dissoute, d’autres ligues, d’autres centres d’action se formèrent secrètement. On vit, notamment dans les départements riverains du Rhône, s’établir de tous côtés, dans les bourgades comme dans les villes, des réunions prenant la dénomination de Cercle des travailleurs, Cercle démocratique, Cercle national, Cercle philanthropique, Cercle montagnard ; ces cercles correspondaient entre eux, envoyaient des émissaires faire de la propagande et porter les nouvelles politiques et les mots d’ordre.

Cette association, qui fit des progrès de plus en plus considérables à mesure que la réaction déclarait plus ouvertement la guerre au principe républicain, prit le nom de Nouvelle Montagne. Elle s’organisa surtout d’une façon sérieuse dans le courant de 1850, sous la direction de M. Alphonse Gent, ancien membre de l’Assemblée constituante.

Voici quelle était son organisation.

Les affiliés étaient divisés en décuries ou sections de dix hommes commandées par un sergent, un fourrier et un caporal. Ils versaient des cotisations mensuelles, qui étaient quelquefois de 25 à 40 centimes, mais le plus ordinairement de 50 centimes. Les chefs de section versaient le montant de ces cotisations dans les mains du chef de la localité. Outre ces cotisations périodiques, on faisait souvent des collectes destinées à différents usages. Dans chaque département, il y avait un président et un vice-président, formant, avec un ou plusieurs membres de l’association, un comité en relation avec les autres comités, notamment avec les comités directeurs de Lyon, de Paris et de Londres. Il y avait des sous-comités dans les chefs-lieux d’arrondissement.

Comme dans toutes les sociétés secrètes,