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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 3, Napp-Oct.djvu/259

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d’un marché. || Qui fit Normand fit truand, La plupart des Normands sont des mendiants. || Quatre-vingt-dix-neuf pigeons et un Normand font cent voleurs, Tous les Normands sont voleurs.

— s. m. Métrol. Ancienne monnaie normande.

— Linguist. Dialecte propre à la Normandie : La langue d’oïl compte trois dialectes principaux : le français proprement dit, le picard et le (E. Littré.)

— s. f. Agric. Charrue en usage en Flandre.

— Encycl. Linguist. Au XIIIe siècle, le normand était un des trois dialectes principaux de la langue d’oïl. Il avait son siège principal dans la Normandie, puis il s’étendait sur la plus grande partie du Maine et sur la Bretagne jusqu’à une ligne qu’on pourrait tracer de Saint-Quay à Saint-Nazaire, laissant à l’ouest Lanvollon, Quintin, UzeL et passant près de Loudéac, Rohan, Questembert, La Roche-Bernard. Au nord, il suivait le littoral de la mer ; mais, de ce côté, il avait subi l’influence du dialecte picard, auquel il se mélangeait entièrement dans les environs d’Abbeville. À l’est, ses limites étaient à peu près celles qui séparent la Normandie de l’Île-de-France ; cependant, au commencement du XIIIe siècle, son influence a été ressentie jusqu’au cœur de cette dernière province, et les formes qui lui sont propres se sont introduites jusqu’à la rive droite de l’Oise et même jusqu’à Paris. Le dialecte normand rejetait l’i de la plupart des syllabes françaises en ie, ier, ai, air et écrivait ces syllabes par un e pur, soit en perdant tout à fait cet i, comme dans derrere, lesser, plere, soit en le renvoyant dans une syllabe précédente, comme dans primer. En d’autres termes, le normand substituait des formes sèches, c’est-à-dire sans i, à la plupart des formes mouillées du picard et du bourguignon. Il écrivait donc par un e simple beaucoup de syllabes en ie, iel, ien, ier, ies, ieu. Généralement, dans ce dialecte, les diphthongues se simplifient et les nasalisations s’affaiblissent et souvent même disparaissent. Tel est en résumé l’opinion de Gustave Fallot dans ses Recherches sur l’origine de la langue française.

M. Édouard Le Héricher a publié, il y a quelques années, un ouvrage intitulé : Histoire et glossaire du normand, de l’anglais et de la langue française, dans lequel il considère le normand comme un intermédiaire entre le vieux français et l’anglais. L’invasion des hommes du Nord aurait, selon cet auteur, fait du normand un dialecte à part des autres dialectes de la France ; et comme la conquête de Guillaume le mélangea fortement avec la langue des populations saxonnes qui avaient pris la place des populations celtiques dans la Grande-Bretagne, on peut jusqu’à un certain point lui accorder le rôle d’intermédiaire entre le vieux français et l’anglais. Mais, à toutes les époques, le dialecte normand a été peu différent du français. L’invasion des Scandinaves en Normandie date du commencement du Xe siècle ; dès le XIe siècle, Guillaume le Conquérant rédigea ses lois en cette langue, et dans le XIIe siècle, Wace Benoît, l’auteur du poème de Saint Thomas martyr, se servirent du dialecte normand pour des compositions étendues. « Ces textes, dit M. Littré, sont écrits dans une langue purement française, sauf quelques termes de navigation. » Cette langue ne contient pas plus de mots d’origine germanique que les autres dialectes de la langue d’oïl, et sa grammaire ne diffère en rien de leur grammaire.

Voici ce que Benoit de Sainte-Maure, trouvère normand du xno siècle, dans son histoire en vers des ducs de Normandie, met dans la bouche de Guillaume Longue-Epée, parlant à Boton, comte du Bessin, de l’éducation qu’il veut donner à Richard, son fils :

Se & Roem le faz garder,

E norir gaires lungement,

Il ne cara parler neient

Daneis ; kar nul Bel i parole.

Si voil feîl seit a tele escoie,

Ke as daneis eace parler.

Ne se sevent neient forz romanz,

Mez à Bajues en a tanz,

Qui ne eevent parler se daneis non, ’

E pur ço, sire queus Boton,

Voil ke vos l’aiez ensumle od vos,

E de Ji enseigner curios. C’est-à-dire :

« Si je le fais élever h Rouen, il ne saura pas parler danois, car personne n’yjparle cette langue. Je veux qu’il soit élevé de manière qu’il puisse parler aux Danois. Ici on ne parle que roman ; mais à Bayeux, la plupart des habitants ne savent parler que danois. C’est pourquoi, sire Boton, je veux qu’il demeure avec vous et que vous preniez soin de 1 instruire. •

V-e curieux passage laisse supposer que 1 idiome primitif des hommes du Nord s’est conserve à Bayeux plus longtemps que dans tout autre endroit de la Normandie.

Les Scandinaves établis sur les côtes de Normandie parlèrent le dialecte français qu’on parlait en Neustrie. Au xivo siècle, les dialectes, cessant d’être langues littéraires, descendent au rang des patois. Entre tous, Je patois normand a conservé un signe caractéristique, qui est l’emploi de ei pour oi. Par exemple : (et, rei, lei, reine, etc., pour toi, roi,

NORM

loi, roine, etc. Il a conservé aussi un bon nombre de mots qui, perdus dans le français moderne, existent Bans le français ancien. Oa note : aéhaison, dégoût ; cranche, faible, malade ; éguerpir (une poule éguerpit la terre, elle la jette derrière elle avec ses pattes ; le français a déguerpir, le vieux français avait le simple guerpir, de l’allemand wenfen, jeter) ; namps, gages (la rue aux Namps, à Caen, qui est le quartier des fripiers). Mais il faut dire aussi qu’on trouve dans le patois bien des mots qui n’ont point d’analogues dans l’ancienne langue.

On possède plusieurs recueils de poésies en patois normand. Un des principaux est Ylnventaire général de la Muse normande, par David Ferraud, publié à Rouen en 1655 et plusieurs fois réimprimé depuis. Le Coup d’ail purin (Rouen, 1773) est une satire contre plusieurs membres de l’ancien conseil supérieur de Rouen*-. Frédéric Pluquet a recueilli les contes populaires, préjugés, patois, proverbes, noms de lieux de l’arrondissement de Bayeux. Nous empruntons à ce recueil la traduction de la parabole de l’Enfant prodigue en patois des campagnes du Bessin, que l’on ne trouve pas dans la Collection des antiquaires de France et que nouo croyons devoir donner ici.

« Un home aveit deux éfans, dont le pu ptiot dit à son père : ■ Men père, bayez mei la part du bien qui m’rvient ; » et le père Jeux en fit le partage.

Dans treis jouors apreus, le pu jeune des deux éfans ayant ramassé sen cas s’uallit fère un viage dans les pouées étrangers, où y mougit tout sen cas en liqueries et en bombances.

Quand tout fut coulé, il arrivit une grande famine dans le pouée et y c’menchit à ète dans la misère jusqu’au eo.

Alors y s’nallit et se mit au service d’un gros du pouée qui l’enveyit à sa mouéson des camps pory garder les messieurs de seye.

Là y n’avait pas sa vie et la foim le poussait si fort qu’il eût bien voulu mougierde la mougeaille es avers, mais no n’H permettait pas d’en prendre.

V faut tout de sieute que j’raen aille trouver men bon home de père, et que j’ii dise : « Men père, j’ai péchi cont’ le ciel et cont’ vo ; et je ne sieus pu dègne d’ète apelé vot fils ; traitez mei coin un de vos utils valets. ■

Y partit tout de sieute, et s en vint trouver sen père qui l’apercheut de loin ; in n’eut pitié, couorut à H et l’einbrachit.

Et s’n éfant li dit : « Men père, j’ai péchi cont’le ciel et coût’ vo ; je ne sieus pu dègne d’ète apelé vot’ fils. »

Alors le père dit à ses domestiques : « Aveignez mei vite la pu belle robe qui seit dans m’n armoire et mettez-ly su l’dos ; mettez-ly un aney au dei et des soulis es pies. > Amenez un viau gras et Je tuez ; faisons bombance ; allons, garçons, réjouissonsnous. Pasce que men fils que via lendràif ; était mort et il est resucité ; il était égairé et il est retrouvé. »

>• Y c’menchit donc à se régaler et à s’esjouir.

Pendant cha, le fils aîné qui était avaux les camps revint, et quant y fui opreux de la mouéson, il entendit le brit des menestriers et d’ceux qui danehez.

« Il apeta un put valet, et !i demandit qu’est que c était q’cha ?

« Ah not moitrs ! chest que votre frère est rvenu et que vot’ père a tué un viau gras ■ pasce q’y la n’erouvé bien portant, »

k Cha le fachit et y n’voulut pé entrer dans la mouéson malgré que sen bon home de père sortit por l’en prier.

Y li dit : ■ Via d’jà une fiée d’années que j vo sers et je n’vos ai jamouès désobéi j portant vo ne m’avez jamouès bailli tarit seulement un a^né por me divertir aveu m’samis. Mais dès que l’aut qui à raougi tout sen cas aveuc des fumelles est rvenù, vo zavez tué tout de siéuté por li un viau, gras, a

Le père H dit : « Men fils, vo zète toujouors aveuc mei et tout men cas est à vo. Mais y falait beti no régaler et no zesjouir, pasce. que vot’ frère que vechi était mort et il est « resucité ; il était égairé et le vechin re’ trouvé. «

— Bibliogr. Dictionary of thç norman or ola" french lahguage, by R. Kel/iàm (Londres, 1779. jn-so) ; Glossaire du patois normand, parL. Dubois, augmenté des deux tiers et publié par J. Travers (Caen, Hardel, 1857, in-8") ; Dictionnaire du patois normand, par Edelesiand et Alfred Dumeril (Caen, Mancel, 1849, in-«o) ; Normandie Scandinave ou Glossaire des éléments Scandinaves en patois normand, par E. Lé Hérieher (Avranches, 1861, in-12) ; Histoire et glossaire du normand, de l’anglais et delà langue française, par E. Le Héricher (Avranches, 1862).

— Anecdotes. Un Normand disait : « J’ai gagné trois procès ; je n’en ai plus qu’un dont le succès dépend de mon serment ; jugez si je le gagnerai. »

Un Normand était assigné en conciliation. Évitez un procès, lui dit le juge de paix ; conciliez-vous. — Pas si bête, monsieur ; on se moquerait de moi dans le pays. »

Un Normand racontait à un autre un fait absurde et réellement incroyable : « À d’autres ! fit son interlocuteur, tu veux rire. — Non, parbleu ! — Le parierais-tu ? — Oh ! non, mais j’en jurerais. »

Un curé de Normandie, baptisant l’enfant d’un de ses paroissiens, se fit payer avec le baptême le mariage et l’enterrement. Comme on lui en demandait la raison : « C’est, dit-il, que, quand ils sont grands, ils vont tous se faire pendre à Rouen.

Deux marchands qui avaient été volés par des soldats qui étaient Normands, s’en plaignirent à leur capitaine, qui était du même pays. Cet officier voyant ces deux marchands bien couverts :.i Ce ne sont point mes gens, leur dit-il, car ils ne vous eussent laissé ni culottes ni chausses. »

Un Normand disait pour prière tous les soirs en se couchant : o 0 mon Dieu ! ne me donnez pas de bien, mais dites-moi où il y en a, je saurai bien en prendre. »

Un Normand et un Gascon furent condamnés à être pendus pour vol. Comme il s’agissait de leur prononcer leur sentence, le greffier lut d’abord celle du Normand, qui marquait qu’il serait pendu pour avoir volé un sac de clous. Le Gascon, en l’entendant, dit : « Peste soit du maraud ! se faire pendre pour des clous t. Et quand on lut la sienne, qui portait qu’il ser ; iit pendu pour avoir volé 10,000 écus, il se tourna vers le Normand et lui dit : à Sont-ce là des clous ? »

Complimentant le plus grand des Henris, Un magistrat natif des Andelys, Dans le chaos d’une longue hyperbole Avait perdu le fll de son discours. À sa mémoire en vain il a recours. Elle le quitte au milieu de son rôle. Les courtisans riaient de l’embarras Du personnage : alors le roi tout bas Leur dit :. Messieurs, ne vous étonnez pas. Les Normands sont sujets à manquer de parole.. Bert de Pasci.


NORMANDS ou NORTHMANS. On donna le nom de Normands aux pirates du Nord qui vinrent, depuis le VIIIe jusqu’au Xe siècle, ravager les côtes de la Frise, des îles Britanniques et surtout de la France, et qui, après des incursions multipliées, finirent par s’établir définitivement dans l’ouest des contrées neustriennes. Leur établissement dans ce dernier pays le fit désigner sous le nom de Normandie. Il ne faut pas croire, avec un certain nombre de chroniqueurs chrétiens, que les Normands fussent des tribus sauvages, étrangères à toute organisation régulière. Les habitants de la Suède, de la Norvège et du Danemark se livraient presque tous à la vie de marin et faisaient le métier d’homme de guerre, c’est-à-dire de conquérant sur mer. Cette profession, pleine de hasards et de dangers, passait chez eux pour très-honorable, et Haquin, roi de Norvège, divisa même son royaume en skipreidors ou districts d’armement pour la piraterie, comme nous l’apprend l’Heimskringla (tome Ier, Saga af kakonar Goda). Les officiers de mer que nous appelons aujourd’hui amiraux et capitaines s’appelaient pirates et archipirates, et cette désignation subsista longtemps après que les Normands se furent fixés en Angleterre et en Normandie. Ce furent ces hommes aventureux, avides et braves, aimant à s’appeler les rois de la mer, qui portèrent, du VIIIe au Xe siècle, la terreur du nom Scandinave depuis la Russie jusque dans l’Amérique septentrionale. En général, ils sortaient de leurs havres au printemps et, manœuvrant avec habileté leurs petits bâtiments, construits par eux-mêmes et qu’ils pouvaient démonter pour les transporter à bras au besoin, ils ne craignaient pas d’aller croiser sur mer pendant toute la belle saison et de braver les périls de l’Océan ; s’ils manquaient de vivres et de provisions, c’était pour eux chose facile et habituelle de descendre sur la première côte qu’ils rencontraient et de se procurer par la force, si c’était nécessaire, tout ce dont ils avaient besoin. L’hiver revenant, ils rentraient chez eux avec le butin qu’ils avaient fait dans leurs croisières et quelquefois après s’être livré entre eux des combats, où les moins heureux essayaient de ravir à ceux qui avaient eu plus de succès le produit de leurs courses sur mer. Dans le commencement, leurs excursions se faisaient toujours dans le Nord, mais ensuite ils se portèrent davantage vers les plages éloignées. Il n’y avait aucune parité entre leur manière d’attaquer et de combattre et celle des autres nations. « Leurs irruptions, dit M. H. Martin, n’eurent de commun avec les anciennes invasions barbares que les maux qu’elles causèrent. Ce n’étaient plus là des peuples quittant leurs foyers en masse pour se ruer pesamment sur des pays plus favorisés de la nature, mais bien des associations peu nombreuses de guerriers d’élite, sans femmes, sans enfants, sans esclaves, matelots et soldats tout ensemble, parcourant les mers, aussi rapides que les oiseaux de tempête, et opérant leurs descentes avec une soudaineté et une impétuosité qui paralysaient la défense et qui glaçaient de terreur l’ennemi, vaincu avant d’avoir rendu le combat. Dans les nuits orageuses des équinoxes, quand les marins des autres peuples se hâtent de chercher un abri et de rentrer au port, ils mettent toutes voiles au vent ; ils font bondir leurs frêles esquifs sur les flots furieux ; ils entrent dans l’embouchure des fleuves avec la marée écumante et ne s’arrêtent qu’avec elle ; ils se saisissent d’un îlot, d’un fort, d’un poste de difficile accès, propre à servir de cantonnement, de dépôt et de retraite ; puis remontent le fleuve et ses affluents jusqu’au cœur du continent, sur leurs longues et sveltes embarcations aux deux voiles blanches, à la proue aiguë, à la carène aplatie, sur leurs « dragons de mer » à la tête menaçante, comme ils disent. Le jour, ils restent immobiles dans les anses les plus solitaires ou sous l’ombre des forêts du rivage ; la nuit venue, ils abordent, ils escaladent les murs des couvents, les tours des châteaux, les remparts des cités ; ils portent partout le fer et la flamme ; ils improvisent une cavalerie avec les chevaux des vaincus et courent le pays en tous sens jusqu’à trente ou quarante lieues de leur flottille. Quel immense avantage un tel système d’attaque ne doit-il pas avoir sur un État désorganisé, où les milices ne se rassemblent que lentement et péniblement et où les petits despotes locaux sont bien moins disposés à se porter secours qu’à s’entredétruire ! »

En longeant les côtes de la Frise, les Normands s’étaient trouvés en contact avec les Francs, et, dès le Ve siècle, ils rirent des apparitions sur les côtes du nord de la France, apparitions qui devinrent plus fréquentes au siècle suivant, où ils infestèrent les rivages de l’océan Germanique et s’avancèrent même jusqu’au pas de Calais. Une grande victoire que Théodebert remporta sur eux, en 530, suivant le récit de Grégoire de Tours, paraît les avoir éloignés pour quelque temps de ces côtes, où ils revinrent plus rarement jusqu’au VIIe siècle. Cependant, un fait important à signaler à cette époque est l’établissement d’un pirate nommé Adroald à Saint-Omer. La tendance des hommes du Nord à se détacher d’une vie aventureuse, où ils ne trouvaient pour avantage qu’un butin acquis par le pillage, et à se fixer sur des terres lointaines se manifeste de plus en plus à partir de cette période. En 795, des Norvégiens s’établirent aux îles Féroë et aux Orcades ; vers le milieu du IXe siècle, ils fondèrent, sous le nom de Warègues, qu’on leur donnait plus particulièrement en Russie, les principautés de la Grande-Novogorod et de Kiev ; enfin, après 861, date de la découverte de l’Islande par le pirate Naddodd, de puissantes familles de la Norvège vinrent s’y fixer et y trouver un refuge contre les persécutions de Harold, roi de Danemark. L’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse reçurent aussi les fréquentes visites des Scandinaves, qui, après maints pillages, s’établirent définitivement en Irlande, à Dublin, à Limerick et à Waterford. On pense que ce fut dans cette île qu’ils entendirent parler pour la première fois d’une terre située à l’ouest, appelée la Grande-Islande, et qu’on supposé être Terre-Neuve. Le caractère aventureux et hardi des Scandinaves les poussa même plus loin ; car, en l’an 1000, Leif, fils d’Éric le Rouge, partit du Groenland, où il était établi, et s’avança jusque sur les côtes d’Amérique, auxquelles il donna le nom de Vinland, parce que, suivant la Saga ou récit scandinave, un Allemand, du nom de Tyrker, y trouva du raisin. Il fallait que ces hommes de mer eussent acquis une grande expérience dans l’art nautique pour pouvoir se hasarder dans des parages aussi éloignés et préparer des armements aussi considérables que ceux qu’ils crurent nécessaires pour ravager les côtes de la Frise, sous Charlemagne. Malgré les précautions prises par ce prince et les stations navales établies aux embouchures des fleuves de la Gaule et de la Frise, une flotte de deux cents navires normands osa piller les côtes de Frise. L’empereur entra dans une grande colère, dit Éginhard, et, sans attendre son armée, il courut vers le Nord, comme si sa seule présence eût dû chasser les pirates. Ils avaient fui, en effet ; le roi Gotfrid venait d’être assassiné et son successeur, Hething. demandait la paix. Mais la mort de Charlemagne, qui n’avait pu garantir complètement les côtes d’Aquitaine et empêcher les excursions des pirates dans la Méditerranée, fut le signal de nouveaux pillages. Ils parurent à l’embouchure de la Seine et se portèrent vers l’île de Noirmoutier, où ils descendirent et établirent une station, qui devint le magasin général du produit de leurs pillages. D’autres bandes s’emparèrent de Dorestad, sur le Rhin, que Louis le Débonnaire avait donné à un chef finnois converti au christianisme, et prirent l’Île de Walcheren. Les querelles des fils de Louis le Débonnaire servirent encore au succès des Normands : pendant qu’on se battait à Fontenay, ils entraient dans la Seine, conduits par Oscher, pillaient et brûlaient Rouen, et, redescendant le fleuve chargés d’un butin considérable, ils pillaient Jumiéges et rançonnaient Saint-Vandrille. À partir de cette époque, les ravages devinrent périodiques, et, tous les ans, des flottes nombreuses partaient des côtes du Danemark et de la Norvège et pénétraient dans les fleuves. En 843, l’année du traité de Verdun, les villes de Saintes, de Bordeaux, de Tours et de Nantes furent pillées. Une autre bande de Normands, conduite par Régnier, remonta la Seine en 845,