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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 3, Napp-Oct.djvu/260

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dévasta de nouveau Rouen et alla jusqu’à Paris. Les Normands entrèrent le 28 mars dans cette ville, dont les habitants avaient fui emportant les reliques des saints, et ne se retirèrent qu’avec un grand butin et 7, 000 marcs d’argent, que Charles le Chauve, enfermé dans l’abbaye de Saint-Denis, leur avait donnés pour acheter leur retraite : c’était les engager à revenir. Les années suivantes, Nantes, Bordeaux, Saintes, Angers, Rennes, Le Mans, Beauvais et l’abbaye de Saint-Bertin, à Saint-Omer, furent de nouveau pillés et brûlés. Les États de Louis le Germanique et ceux de Lothaire n’étaient pas mieux traités : Trêves, Cologne et Aix-la-Chapelle furent incendiées par les pirates. Toute énergie et toute ardeur nationale avaient disparu. En vain résolut-on à la diète de Mersen, en 847, de signifier au Danemark la défense de troubler les États de l’empire de Charlemagne ; les Normands, qui n’appartenaient pas plus au Danemark qu’à la Suède, où ces pirates étaient désignés par le nom de Wikingues, et à la Norvège, où on les appelait Norrœnermen, ne tinrent aucun compte de cette défense ; ils pénétrèrent en Bretagne, remontèrent la Loire et dévastèrent Tours et Blois. Puis, après avoir pris position dans une île, auprès de Saint-Florent, ils se joignirent à une autre troupe établie en Bretagne, pour piller Nantes. Charles le Chauve fut obligé d’acheter de nouveau le départ des bandes qui ravageaient les environs de Paris et rendit pour quelque temps la tranquillité à la capitale ; mais les ravages continuèrent vers la Loire, malgré la guerre que leur faisait Robert le Fort, qui fut tué près de Brissarte. En 881, les Normands, sous la conduite d’un chef nommé Germon, débarquèrent près de Boulogne et tuèrent 8, 000 hommes aux Français, commandés par Hennekin, près du village de Wimille ; puis ils brûlèrent Abbeville, Boulogne, Corbie, Aire, Amiens, Saint-Riquier, Cambrai et détruisirent Renty, Hesdin, Blangy et Auchy. Mais le jeune Louis III marcha à leur rencontre et les tailla en pièces à Saucourt-en-Vimeux ; Germon, leur chef, périt dans la bataille. En 885, les Normands, conduits par Sigefried, reparurent à Rouen et pénétrèrent jusqu’à Paris. Les Parisiens se défendirent héroïquement, ayant à leur tête leur comte, Eudes, fils de Robert le Fort, et Gozlin, leur évêque. Après un siège qui dura un an, ils appelèrent à leur secours Charles le Gros, qui, à l’exemple des autres princes carlovingiens, avait déjà acheté des pirates leur départ de Mayence et des bords du Rhin. Cet empereur, au lieu de les combattre, traita avec eux et consentit à leur payer 700 livres d’argent, à la condition qu’ils lèveraient le siège de Paris, leur laissant d’ailleurs la liberté de remonter la Seine et l’Yonne et de ravager la Bourgogne. Ils ne se retirèrent sur la basse Seine qu’en 890. Hastings, un de leurs chefs, avait adopté le christianisme et reçu un fief en France, sans doute à la suite des défaites des Normands, battus successivement à Saint-Florentin par Richard, duc de Bourgogne ; à Questembert, par Alain, duc de Vannes, et à Montfaucon, près de Verdun, par Eudes, comte de Paris. Dans cette dernière rencontre, Eudes avait remporté une victoire signalée sur le même Sigefried qui l’avait assiégé pendant un an dans Paris, et les Français l’élurent roi. Il ne cessa, jusqu’en 893, de harceler les Normands et de donner l’exemple d’une résistance énergique. En 912, Charles le Simple abandonna une partie de la Neustrie à Rad-Holf ou Rollon, à la charge de fermer la Seine aux invasions nouvelles et de se convertir au christianisme. Le chef barbare s’établit à Rouen et fonda ainsi le duché de Normandie. Il dépouilla les habitants de leurs propriétés, en distribua une part au clergé, pour acheter son appui, et donna le reste aux pirates, ses compagnons, qui devinrent les nobles du pays. Telle fut partout l’origine de la noblesse féodale. Dès lors, les Normands devinrent sédentaires et prirent rang dans la république féodale qui se forma après la dissolution de l’empire de Charlemagne ; néanmoins, ils se signalèrent encore par de grandes expéditions, dont les plus célèbres sont celles d’Italie et de Sicile, au XIe siècle (v. Robert Guiscard), et la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Bâtard (1066). Albert d’Aix rapporte qu’en 1097, lorsque les croisés venaient de s’emparer de Tarse, en Cilicie, une flotte montée par des marins hollandais, flamands et normands vint mouiller devant la ville. Ces derniers suivaient les routes bien connues de leurs ancêtres, les pirates scandinaves, qui, dès le IXe siècle, avaient parcouru les côtes de l’Espagne, du Portugal, de la Provence et de l’Italie et pénétré dans l’Orient, dont les denrées, apportées à Whisby, dans l’île de Gothland, en avaient fait un marché considérable au Xe siècle. On a retrouvé en 1845 dans l’île de Gothland et, en Russie, dans le district d’Oranichbaum, à peu de distance de Cronstadt, des monnaies ou dirhems frappés à Bagdad, à Schiraz, à Azradjan, à Mohammedia et à Mansour au milieu du IXe siècle. Ces monnaies koufiques étaient mélangées à un grand nombre de pièces anglo-saxonnes et allemandes, dont les plus anciennes remontaient à l’an 838 de notre ère, et les plus nouvelles à l’an 1036. Ces curieuses découvertes établissent les rapports commerciaux des Scandinaves avec les pays orientaux. Il faut remarquer que le génie commercial de ces peuples du Nord, déjà très-apparent au milieu de leurs pirateries, se dégageait sensiblement à cette époque. Les Norvégiens avaient favorisé par des lois le commerce maritime, atténué la coutume du droit de confiscation sur les naufragés, empêché le pillage des simples marchands et réprimé sévèrement le ravage des côtes. C’était pour un fait de cette dernière espèce que Rollon avait encouru la peine de l’exil, que lui avait infligée le roi Harald. Ils avaient aussi, vers cette époque et à raison de leurs expéditions maritimes, perfectionné la construction de leurs vaisseaux, qui étaient divisés en grands navires pour les voyages lointains et en petits pour remonter les fleuves. M. Jal, dans son ouvrage l’Archéologie navale, s’aidant du navire normand du XIe siècle représenté sur la tapisserie de Bayeux et des indications techniques puisées dans le Roman de Rou et le Roman de Brut, poëmes de Robert Wace, donne deux figures de navires normands : la première est empruntée à la tapisserie de Bayeux ; la seconde représente un navire garni d’une ceinture de fer ou d’airain, se terminant à la proue en un avant-bec qui formait un moyen d’attaque et de défense.

Après l’établissement des Normands en France, la race nouvelle qui s’y forma, tout en prenant peu à peu les mœurs des habitants des provinces voisines, conserva encore longtemps la marque de son origine scandinave et cette ardeur guerrière qui avait rendu les Normands si redoutables aux populations qu’ils allaient attaquer. Longtemps après la conquête, les chants d’église contenaient toujours les prières adressées au ciel contre la fureur des Normands : A furore Normannorum libera nos, Domine ! Robert Wace, dans son Roman de Rou, écrit au XIIe siècle, cite quelques traits particuliers du caractère des Normands de son temps :

  Orguillos sunt Normant, e fier,
        E vanteor, et bonbancier ;
        Toz tems les devreit l’eu plaisier
        Kar mult sunt fort a justisier.

On voit, par cette citation, que, si les Normands étaient orgueilleux, fiers, vantards et amis de la bombance, ils aimaient fort aussi à aller en justice et à plaider. Ce trait de mœurs s’est maintenu chez eux jusque dans les temps modernes ; mais il faut dire que cette tendance aux procès est aujourd’hui bien amoindrie. Autrefois, c’était coutume de dire que les Normands étaient

… Connus, dans notre France,
          Par la chicane et la potence…,

et cela, parce qu’ils « naissaient les doigts crochus. » Il est vraisemblable que le souvenir des brigandages si longtemps exercés par les hommes du Nord ne contribua pas peu à la transmission aux générations nouvelles de ces dictons populaires, qu’une connaissance sérieuse et approfondie des mœurs et des coutumes des Normands, des faits constatés dans les chartes et des innombrables documents que la science moderne a mis au jour, doit faire écarter des appréciations historiques. Le paysan normand, plus que tout autre, apporte dans ses actes un caractère rusé et soupçonneux et un esprit d’investigation remarquable lorsqu’il s’agit de ses intérêts ; mais, sous les autres rapports, on peut dire que son caractère s’est complètement assimilé à celui des populations voisines.

Les ouvrages les plus intéressants sur le sujet qui nous occupe sont ceux de Snorro, Heimskringla, Dudon ; les Annales de Saint-Bertin, de Saint-Vaast, de Fulde et les Chroniques de Reginon, de Sigebert et autres, insérées dans le Recueil des historiens de France ; Robert Wace, Benoît, Chronique des ducs de Normandie ; Capefigue, Essai sur les invasions des Normands dans les Gaules (1823, in-8°) ; Depping, Histoire des expéditions maritimes des Normands (1826, 2 vol. in-8°).

Normands (histoire de la conquête d’Angleterre par les). V. conquête.


NORMAND (Claude-Joseph), médecin français, né en Franche — Comté en 1704, mort à Dôle en 1761. Il devint médecin en chef de l’hôpital de cette ville. Ses principaux ouvrages sont:De pestis Massiliénsis contagione et remediis (1722) ; Observations sur les maladies épidémiques en Franche-Comté (L749).

NORMAND (Charles-Pierre-Joseph), graveur français, né à Goyencourt (Somme) en 1765, mort à Paris en 1840. Après quelques essais remarqués, il publia, en 1800, un grand in-folio de planches représentant des ornements, des arabesques et des meubles anciens. Des dessins pleins de goût, des gravures excellentes donnèrent une certaine vogue à

cette publication; puis ri fit paraître successivement: Nouveau recueil de divers genres d’ornements et autres objets propres à la décoration {1803, in-fo !.) ; Parallèle des diverses méthodes de la perspective (1819, in-fol.) ; Nouveau parallèle des ordres d’architecture des Grecs et des Romains et des auteurs modernes (1819-1825, in-fol.) ; Fragments d’ornements dans te style antique (1820, 2 vol. infol.), avec Beauvalet ; Souvenirs du musée des monuments français (1821, in-fol.), avec texte de Brès, ouvrage très-estimé ; Recueil varié des plans et des façades (1823, in-fol.) ; Guide des ornementistes pour la décoration-des bâtiments et le Vignole des architectes (1826, infol.), très-estimé des spécialistes ; le Vignole

NORM

des ouvriers (1820-1831, in-4<>} ; Modèles d’orfèvrerie (in-fol.) ; les Principaux monuments, palais et maisons de Paris (100 pi. avec texte). Cet aperçu peut donner une idée de la fécondité de Normand. Ce qui distingue surtout ses travaux, c’est l’originalité des points de vue et une érudition vaste dans tout ce qui touche aux choses de l’architecture. À la fin de sa vie, il eut pour collaborateur son fils LouisMarie.

NORMAND (Louis-Marie), graveur, fils du précédent, né à Paris en 1789. Il fut tour à tour l’élève et le collaborateur de son père et de Lafitte, et donna pour son début une gravure des Noces de Cana, d’après Véronèse, laquelle est surtout remarquable par l’habileté avec laquelle est exécutée la partie architecturale. Normand reproduisit ensuite,

avec le plus grand soin, d après les dessins de Lafitte, les Bas-reliefs, plan et coupe de l’arc de triomphe de l’Étoile, avec un texte descriptif par Isidore Guyet (Paris, 1810-1811, in-4<>). Ce travail eut un succès véritable, et ceux qui le suivirent offrent peut-être encore un plus grand charme. Citons, entre autres, l’Entrée triomphale du duc d’Angoulâme à Paris, d’après les dessins de Lafitte (1825, in-fol.); Galerie métallique des grands hommes français (1825, in-4"), ouvrage excellent,

  • mais malheureusement inachevé ; les

Monuments français choisis dans les collections de Paris et dans les principales villes de France, dessinés et gravés par Normand fils (1829, 72 pi. in — fol.), son ouvrage principal ; Cours de dessin industriel (1833, in-S°, avec atlas in-fol.) ; Paris moderne ou Choix de maisons (3 parties, 1834-1850) ; Manuel de géométrie, de dessin linéaire, etc. (1841, in-s°) ; Études d’ombres et de lavis ou Vignole ombré (1845, in-fol.), en collaboration avec M. Rebout, ainsi que lo précédent ouvrage. En outre, ce laborieux artiste a collaboré à la collection des Fêtes données à l’occasion du mariage de Marie-Louise ; aux Fontaines de Paris, par Moisy ; aux Eludes sur le palais Massimi de Rome, par Haudebourt et Suys ; au Musée de sculpture du comte de Clarac, où il a dessiné et gravé tous les hauts-reliefs, tous les groupes, toutes les rondes bosses avec autant de bon goût que de savoir ; aux Principaux monuments de Paris, de son père ; aux Modèles d’orfèvrerie, du même ; au Baptême du duc de Bordeaux et à la Sicile moderne, de Hittorf ; a la Revue moderne, de Letarouilly ; à la Restauration des thermes d’Antonin Caracalla, de Blouet ; à l’École anglaise, rie Audot ; à l’Univers pittoresque, etc. Indépendamment des travaux que nous venons n’indiquer, M. Normand a gravé seul tous les dessins.de la Galerie chronologique et pittoresque de l’histoire ancienne, de Perrin.

NORMAND (Alfred-Nicolas), architecte, fils du précédent, né à. Paris eu 1822. Élève de son père, puis de Jay, il fut admis, en 1839, à l’École des beaux-arts, où il remporta, en 1846, le grand prix de Rome, avec un projet de Muséum d’histoire naturelle. Le talent qu’il lit entrevoir dans ce brillant début se développa largement durant son séjour à la villa Médicis. Il en donna une première preuve dans son Étude du Forum romain, avec restauration, qui parut une première fois dans les galeries des beaux-arts en 1850 et fut exposée plus tard en 1855. Ce beau dessin lui valut alors une iro médaille. De retour à Paris, M. Normand avait été nommé sous-inspecteurdes bâtiments civils. Des dessins d’un archaïsme charmant, qu’il exécuta à cette époque, attirèrent l’attention du prince Napoléon, et il fut chargé par lui, en 1855, de reprendre en sous-œuvre et de terminer la maison pompéienne de l’allée des Veuves. Ce curieux spécimen d’architecture antique a fait la réputation de M. Normand et lui a valu, en 1860, la croix de la Légion d’honneur. Cet artiste a exposé, depuis cette époque, l’Intérieur de la cour du palais du podestat à Pistoïa (1866).

NORMAND (MUe Le), célèbre nécromancienne française. V. LE Normand.

NORMAND (Théodule-Elzéar-Xavier), musicien et écrivain français, plus connu sous le pseudonyme de Théodore Nianrd. V. NiSARD.

NORMANDE, ÉE (nor-man-dé) part, passé du v. Normander : Blé mormande.

NORMANDER v. a. ou tr. (nor-man-dé). Agric. Nettoyer, en parlant du grain battu.

NORMANDIE. Ce nom de province entre dans quelques locutions familières.

Cadet de Normandie, Homme sans bien ou de peu de ressource, ainsi dit parce que la coutume de Caux, en Normandie, donnait tous les biens à l’ainé de la famille : Ah ! mon pauvre Thomas, tes vers, comparés à ceux de ton frère aine, font voir que tu n’es qu’un cadet de Normandie. (Boileau.)

Chapon de Normandie, Croûte de pain dans la bouillie.

Plus qu’il n’y a de pommes en Normandie, En très-grande quantité, à cause de la grande quantité de pommes que produit la Normandie.

— Prov. La Normandie est la nourrice de Paris, Paris tire de la Normandie la plus

frande partie de ses approvisionnements de ouuhe.

NORMANDIE, ancienne province de France,

NORM

l’une des plus belles et des plus importantes ; bornée par la Manche, la Bretagne, le pays Chartrain et l’Ile-de-France. La limite du côté de la Bretagne était la rivière de Couesnon, et, du côté de la Picardie, celle de la Bresle. Les collines et les plaines qui s’étendent entre Verneuit et La Ferté-Vidame marquaient lu division territoriale avec le pays Chartrain. Quant à. la séparation du duché avec l’Ilede-France, elle a sensiblement varié, quoiqu’elle ait été tracée entre Vernon et Mantes. En effet, les-guerres fréquentes entre les rois de France et leurs grands vassaux de Normandie amenèrent des modifications ; c’est ainsi que, par le traité de 1196, entre Philippe-Auguste et Richard Cœur de Lion, rapporté par Guillaume du Neubourg et les Chroniques de Saint-Denis, les limites de France et de Normandie furent fixées entre, ta forteresse de Gaillon et celle du Vaudreuil, au village de Muids, en tirant une ligne de cette borne à la Seine d’une part et à l’Eure de l’autre.,

Le sol de la Normandie, entrecoupé de chaînes de collines peu élevées, est urrosé par la Seine, qui la traverse au milieu de nombreuses sinuosités pour se jeter dans la mer, près du Havre, et par des rivières, dont les principales sont l’Orne, qui a beaucoup de petits affluents ; l’Eure, qui prend naissance à quelque distance de Verneuil, dans le pays Chartrain, et reçoit les eaux de l’Iton avant de se jeter dans la Seine près de Pont-del’Arche ; la Risle, la Touque et l’Andelle. Une épaisse couche de terre végétale, sillonnée par de nombreux cours d’eau, favorise en beaucoup d’endroits le développement d’excellents pâturages et de prairies, déjà très-apprêciés au moyen âge, et que le poète

historien Guillaume le Breton, dans sa Philippide, qualifiait de célestes, en parlant de la vallée de l’Eure :

Qua ptacua lambit

Sidereù Andura vadis…

Les bois de haute futaie y sont également en abondance, et les forêts d’Eu, d Alihermont, de Lyons, de Long-BoBI, Verte, de Préaux et de Cailly, de Roumare, de Mnulevrier, de Lillebonne, de Halates, de Fécamp, de Bretonne, de la Londe et de Beaulieu, de Rouvrai, de Bort, du Neubourg, d’Evreux, de Conches, de Breteuil, de Bourse, de Gouffer, de Bur, de Lande-Pourrie et de Brix, dont quelques-unes aujourd’hui sont en partie ou compléiement défrichées, produisaient, il y a plusieurs siècles, des essences de bois très-variées.

Les principaux genres de culture comprennent les blés, partagés en blés d’hiver ou hivernage, semés au commencement de l’hiver, et en blés d’avril, autrefois appelés blés de mars ou trémois, semés au printemps, le froment, le seigle, le méteil, le terceil, l’orge et l’avoine. Après les graminées, dont la culture est à peu près générale en Normandie, nous citerons le fin et le chanvre, diverses plantes oléagineuses et légumineuses et des plantes tinctoriales, telles que la gaude et la guède. Les principes colorants de la gaude sont utilisés par les fabricants de draps de Louviersetd’Elbeuf, qui emploient une plante non moins précieuse a un autre point de vue, le chardon, dont la culture est très-répandue dans les campagnes qui environnent ces deux villes manufacturières.

Parmi les aibres fruitiers, il faut mettre en première ligne le pommier, dont le fruit sert à la fabrication du cidre, la boisson la plus répandue en Normandie, le poirier, le prunier, le cerisier, le pêcher, le framboisier, le froseillier, le noyer et la vigne. Les premiers ues de Normandie faisaient beaucoup cultiver la vigne dans leurs domaines et en tiraient un vin qu’ils estimaient ; mais cette boisson, dont la fabrication ne se rencontre plus guère que sur les contins de la haute Normandie, entre Gaillon et Vernon, n’excluait pas l’usage du cidre, de la cervoise (bière) et du poiré. La loi salique parle de plants de pommiers, et dans les domaines de Charlemagne, • les brasseurs préparaient les trois boissons dont nous venons de parler. Cependant on doit supposer qu’à cette époque l’usage du cidre était très-restreint. Raoul Tortaire, moine de Fleury-sur-Loire, raconte que lors de son passage à Bayeux, entre les années 1106 et 1135, on lui en présenta à boire, mais qu’il se crut empoisonné quand il approcha la coupe de ses lèvres :

Et succus pomis datus est exlartus acerbis ; Ori proposui, dum reor esse merum.

Reddo scyphwn puero, cui vronus in ore susurra. Cur propinasti, serve, venena mihi ?

À partir du xii’ siècle, les mentions du cidre deviennent assez nombreuses dans les chartes et les documents contemporains ; la culture du pommier et la fabrication du cidre passèrent même en Angleterre, et l’usage s’en généralisa bientôt dans toute la Normandie. Les beurres et les fromages de Normandie étaient fort estimés et constituaient l’une des branches les plus productives de l’industrie locale ; cependant ces fromages eurent à soutenir la concurrence de ceux d’Angleterre, dont la réputation se maintint longtemps dans cette province. Les rôles de l’Echiquier parlent de fromages anglais que le roi Henri II fit conduire, en 1184, pour l’approvisionnement de Gisors : « Pro xxvu caseis anglicis