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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/97

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même un peu ceux de la religion réformée ; mais Marot, malgré de vives démangeaisons, sut retenir sa langue ; car il tenait à sa peau, il avait peur du feu :

L’oisiveté des moynes et cagots, Je la diroys... mais garde les fagota ! Et des abus dont l’Église est fourrée, ■ J’en parlerons... mais garde la bourrée 1

Il eut cependant le courage de traduire deux des Colloques d’Érasme, et cet essai est une de ses œuvres littéraires les plus heureuses.

Près de Marot et, comme lui, à la cour savante et sceptique de Marguerite, vivaient deux autres écrivains, moins timorés, mais qui devaient payer tous deux par une mort terrible les hardiesses de leur esprit ; Bonaventure Despériers et Étienne Doîet. Le premier publia, en 1537, le livre bizarre intitulé Cymbalum mundi (la cloche du mondé), où, dans des dialogues à la façon de Lucien, il so moque, delà façon la plus plaisante, de la religion, et de Jésus-Christ lui-même. Dans le premier dialogue, Mercure, personnification transparente de Jésus-Christ, intermédiaire entre Dieu et les’hommes, descend sur terre pour faire relier le livre des destinées, « auquel est écrit tout ce qui adviendra ; • il se grise, et, au lieu du livre qu’on lui a confié, il rapporte dans l’Olympe une Histoire scandaleuse des amours de Jupiter. La partie la plus hardie du Cymbalum mundi est le dialogue intitulé ;• la Pierre philosophale. La pierre philosophale est la vraie religion ; cette pierre a été, par malheur, brisée en mille morceaux et ses débris mêlés au sable du cirque. Les philosophes et les théologiens cherchent patiemment, parmi les grains de sable, ces imperceptibles débris. « Sambleu ! s’écrie l’auteur, je voudrais que tu eusses vu un peu le déduit, comment ils s’entre-battent parterre, et comment ils s’ostent des mains l’un de l’autre les grains de sable qu’ils trouvent ; comment ils rechignent entre eux, quand ils viennent à confronter ce qu’ils en ont trouvé. L’un se vante qu’il en a plus que son cotnpaignon ; l’autre fui dit que ce n’est point de la vinye... L’un dit que, pour en trouver des pièces, il se faut vestir de rouge et vert ; l’autre dit qu’il vaut mieux être vestu de jaune et de bleu. L’un est d’opinion qu’il ne faut manger que six fois le jour avec certaine diète ; l’autre tient que le dormir avec les femmes n’est pas bon. • Jamais livre ne fit autant de sensation, si ce n’est peut-être le fameux pamphlet ’ invisible et apocryphe » des Trois impofleurs (Moïse, Jésus-Christ, Mahomet). Bonaventure Despériers se perça de son épée dans un accès de folie furieuse. Étienne Dolet, son savant commensal, eut les honneurs du bûcher, ce qu’il dut, entre autres peccadilles, à un pamphlet bien innocent, au fond, intitulé Second enfer. Comme s’il eût eu la pressentiment de sa triste fin, il y dit à ses persécuteurs :

Quand on m’aura ou brûlé ou pendu, Mis sur la roue ou en quartiers fendu, Qu’on sera-t-il ?

Cependant les querelles religieuses faisaient couler tant de ilôts d’encre, que le moment vint où la Sorbonne, débordée de toutes parts, à bout de réponses et la tête perdue, rédigea en conseil un acte par lequel elle demanda au roi de supprimer l’art diabolique de l’imprimerie.

Les pamphlets, dans cette guerre passion • née, paraissent encore trop longs et prennent la forme abrégée du placard. Une main orthodoxe affiche dans les carrefours cet appel à la rigueur :

Au feu, au feu cette hérésie

Qui jour et nuit nous blesse ! Paris, Paris, fleur de noblusse. Fais-en justice, Dieu l’a permis.

Une autre main, huguenote, celle-là, riposte

par un autre placard :

À l’eau, a l’eau, ces fols séditieux, Lesquels, au lieu de divines paroles, Prêchent au peuple un tas de monopoles Pour émouvoir débats contentieux.

D’autres placards, venus de Neucliâtel, couvrent les murs.de Paris. La -religion et le dogme catholique y sont attaqués avec une violence inouïe : « Allumez donc vos fagots, y lit-on, pour vous brûler et rôtir vous-mêmes, et non pas nous, parce que nous ne voulons croire à vos idoles, à vos dieux nouveaux, k vos nouveaux Christ, qui se laissent manger aux bêtes (dans le sacrement de l’Eucharistie). •

Cette rage des placards alla si loin, que dans un édit du 23 septembre 1553, tendant à prévenir « les suites de placards séditieux affichés aux Innocents et à la porte duChastetet, « le roi avait offert secours d’artillerie, poudre et boulets, en cas de besoin.

L’antagonisme de François Ier et de Charles-Quint fut l’occasion de nombreux pamphlets politiques, et l’on vit en même temps paraître une foule de pièces bizarres, passionnées, incohérentes, qui se tirent les échos dos récriminations, des défis et des fanfaronnades dos deux princes. Parmi tes pamphlets de cette époque, nous citerons : les Lettres de François Ier au pape (1527) ; la Ilesponse du très-puissant et três-invict empereur Cliarles V, roi d’Espaingne, sur les Lettres du roy de France, etc. (1527) ; la Défense de François Jor contre l’empereur (en latin, 1528) ; la

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diatribe intitulée : Recueil d’aucunes lettres et escritures sur lesquelles se comprend la vérité ou le Roman des choses passées entre la majesté de l’empereur Charles cinquiesme et François, rot/ de France (1536) ; la Défense du roy contre les calomnies de Jacques OmphaUus (1544) ; l’Apologie et défense pour le roy contre ses ennemis et calomniateurs (1544).

D’autres pamphlets politiques se rapportant à des questions plus, générales furent ensuite lancés dans le public. La Puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince discute jusqu’à quel point les sujets sont tenus d’obéir aux princes, et dans quels cas il est juste de leur résister. > Ce hardi pamphlet est dirigé, pour nous servir des termes mêmes de l’auteur, contre les machiavélistes ou esclaves des tyrans, lesquels s’élèvent contre Brutus, gentilhomme de bon cœur. » Citons quelques passages, pour montrer le ton du livre : « Les flatteurs de cour disent que Dieu a donné toute puissance aux roys, réservant le ciel pour soy, et leurquietant la terre ; mais cela est du tout indigne des oreilles d’un prince chrestien et de la bouche des bons subjects. Dieu ne se despouille jamais de sa puissance et aùthorité, 11 tient un sceptre en une main pour réprimer et rompre la teste aux roys qui se mutinent contre luy. En l’autre, il porte une balance, pour controller ceux qui n’administrent pas justice comme il appartient. • L’auteur énumère tous les exemples de résistance aux rois approuvés par les saintes Écritures et les sages de l’antiquité. « Si celuy qui tient lieu de prince se gouverne mal, on peut se soustraire de luy sans être coupable de révolte, et il est loysible de quitter un pape qui ne vaut rien ou un roy méchant. C’est le peuple qui faict les roys, puisqu’il n’y eut jamais nomme qui nasquist avec la couronne sur. la tête et le sceptre en la main ; que nul ne peut être roy sans peuple, et qu’au contraire le

Ïieuple peut être peuple sans roy : doneques es roys ont été premièrement establis par le peuple. Il s’ensuyt que le corps du peuple est par-dessus le roy. Car c’est chose évidente, que celui qui est estably par un autre est estimé moindre que celui qui l’a estably. lies officiers du roy dépendent du roy, et mesme après sa mort ne sont plus rien. Tous autres officiers et magistrats et les rois mesme dépendent de la souveraineté du peuple. » L’auteur établit que les états sont la vraie représentation nationale ; les envahissements successifs du pouvoir royal sont « comme s’ils n’étaient pas. Je demande si l’ayeul a peu donner à son successeur autre et plus grand droit que le sien qu’il avoit. S’il ne l’a peu, ne void-on pas que ce que le successeur s’est approprié de plus, il le possède en aussi bonne conscience qu’un brigand posséderait le bien qu’il auroit volé aux passants ? Le temps ne retranche rien des droits du peuple ; mais il aggrave les otitrages du roy. » Graves paroles et qui montrent avec quelle rapidité la Réforme était passée de l’émancipation religieuse à l’émancipation politique. Terminons par la conclusion même de l’auteur de ce hardi pamphlet. Il se demande « si on a le droit de réprimer les tyrans, sans titre. » 11 répond « que celui - là n’est rebelle qui detfend sa patrie avec les armes au poing, et c’est ici qu’est recevable la loi des tyrannicides, laquelle honore les vivants par grandes récompenses, et les morts par épitaphes et statues, comme Harmodius et Aristogiton en la ville d’Athènes, Brutus et Cnssius à Rome, Aratus de Sicyone aussi. A tels, par décret public, furent dressées des statues pour avoir délivré leurs pays de la tyrannie de Pisistratus, de César et de Nicoclès. »

Sur un ton moins sévère, d’autres écrivains s’adressent au peuple dans le langage qui lui plaît le mieux, et se font une arme de la chanson. Les refrains antireligieux se mê1 lent dans les carrefours aux couplets libertins et la voix populaire répète à 1 envi la Complainte de la grande Paillarde babylonienne (1561), et la Chanson contenant la forme et manière de dire la messe sur le chant de : « Hari, hari, l’asne ; hari, bouriquet »(1562).

Sous François II, les Guises deviennent le point de mire des pamphlétaires. Leur insolence et leur cruauté inspirent au savant Hotman l’Epistre envoiee au tygre de France, éloquent pamphlet, dirigé contre le cardinal de Lorraine, et imité de la première Catilinaire de Cicéron. En voici le début :

« Tigre enragé, vipère venimeuse, sépulcre d’abomination, spectacle de malheur, jusques à quand sera-ce que tu abuseras de la jeunesse de notre roy î»

La même pièce nous est parvenue en vers : c’est une traduction aussi exacte que possible du pamphlet original en prose. La forme poétique n a été choisie sans doute que pour donner plus de noblesse et de solennité aux terribles imprécations de l’auteur. Le titre est un peu différent, c’est : le Tygre, salyre sur les gestes mémorables des Guysards (lâtil). Voici les premiers vers :

Méchant diable acharné, sépulcre abominable, Spectacle de malheur, vipère épouvantable, Monstre, tygre enragé, jusques à quand par toy Verrons-nous abuser la jeune Age du roy ?

Et le pamphlet continue avec cette violence. Parmi les autres écrits de ce genre, dirigés également contre les Guises, et où on les attaque à la fois, au nom du peuple, qu’ils écrasent, et du roi, qu’ils dominent, citons

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encore : les Estats de France opprimés par la tyrannie des Guise (1560) ; les nombreuses pièces contenues dans le recueil connu sous le nom de Petits mémoires de Coudé et ('Histoire du tumulte d’Amboise (1560), qui se termine par ce joli quatrain :

Le feu roi devina ce point, Que ceux de la maison de Gujse Mettroient ses enfants en pourpoint, Et son pauvre peuple en chemise. Sous Henri II, Charles IX, Henri III, les ’ pamphlets abondent en prose et en vers. Nous citerons quelques-uns des plus importants, à leur ordre chronologique ; le Discours des misères de ce temps, à la royne mère du. roy, par P. de Ronsard, gentilhomme vandoinois (Paris, 1553). Sous ce titre qui promettait (il y avait assez à dire en 1563 sur les misères de la France), Ronsard n’a produit qu’une œuvre de rhétorique, qui débute par 1 éloge de Catherine de Médicis et du roi, Qui, par vostre vertu n’a point changé de loy. À peine peut-on citer à propos des guerres religieuses quelques vers sur l’esprit de controverse

... Qui vint se loger, par estranges moyen ;, Dedans le cabinet des théologiens. De ces nouveaux rabbins, et brouilla leurs courages Par la diversité de cent nouveaux passages.

La gloire de Ronsard n’est pas là. Pour les poôtes de cour, Si l’éloge est aiBé, le blâme est difficile.

La Complainte de la France en vingt-trois sonnets (1569), pamphlet politique trop peu connu, renferme des parties admirables. Nous on détacherons quelques vers. Veux-tu sçavoir quel est Testât de cette Pranceï Un jeune roy mené par un peuple mal duit, Mené d’un Espagnol, d’un moyne et d’un faux bruit, Mené par une femme extraicte de Florence ; Un conseil bigarré, qui cache ce qu’il pense ; L’artisan capitaine, un camp sans chef conduit ; Un pays, de papistes et huguenots destruit ; L’estranger, qui, pour nous, à noatre mort s’avance ; L’ennemi, qui, fuyant, s’en va moquant de nous ; Le grand, en notre camp, contre le grand jaloux ; Mille nouveaux Estats, mille emprunts, sans trafic ; La justice sous pieds ; le marchand faict tes loix ; Paris, ville frontière, 0 malheur ! Toutefois Qui parle de la paix est ennemi public.

Dès 156S, on trouve de ces gens ^ui ne voient dans les troubles politiques et les déchirements do leur patrie qu’un dérangement regrettable dans les affaires ; de ces égoïstes dont La Fontaine devait plus tard résumer la devise dans ces deux vers :

Le sage dit, selon tes temps,

Vive le roi ! vive la Ligue !

Une pièce de vers caractérise fort nettement et fort comiquement les opinions politiques de ces amis du repos à tout prix. Elle les fait parler ainsi, sous le titre de la Chanson de vive le roy !

Vive le roy, le conseil et la reyne !

Vive le bon cardinal de Lorraine !

Vive Hugonis, Marcel et ses suppôts !

Vive Calvin, pourvu qu’ayons repos !

Vive le roy, le conseil et la reyne !

Vive le bon cardinal de Lorraine !

En bon fiançais : Vive tout le monde l c’est-à-dire : Vive moi seuil

Un des pamphlets les plus violents et les plus curieux qui aient été écrits contre la race efféminée des Valois, et particulièrement Henri III, est Y fêle des hermaphrodites, nouvellement descouverte, avec les mœurs, loix, coustumes et ordonnances des habitants d’icelle (sans date ni lieu). Le frontispice, fort bien gravé, représente un personnage imberbe, dont le costume masculin présente de singulières ressemblances avec celui des femmes de cette époque : souliers d’étoffe à bonffettes, large baut-de-chausses affectant la largeur d’un jupon, vaste col carré à dentelles, collier de perles au cou, boucles d’oreilles, cheveux relevés, et agrémentés de fleurs et de diamants, avec unliaut chignon au sommet. La gravure est accompagnée des vers suivants :

Je ne suis masle ny femelle, Et sy je suis bien en cervelle (bien embarrassé) Lequel des deux je doibs choisir : Mais qu’importe à qui on ressemble, 11 vault mieux les avoir ensemble : On en reçoit double plaisir. Le livre débute par une relation très-détaillée du petit lever de la demi-femme, excessivement curieuse et vraiment bien écrite, mais trop longue pour trouver placo ici. Suivent les statuts des hermaphrodites « décrétés par l’empereur Hélioguuale, hermaphroditique, gomorrhique, eunuque et très-impudique. » Citons au hasard :

« Par grâce et privilège spécial, nous permettons aux ecclésiastiques, nos fidèles sujets, de vendre à leurs diocésains et pnrrochieus les choses qu’ils tiennent pour les plus sainctes ; leur permettons aussi de vivre en ignorance de l’Escrilure, sans être contraints de donner instruction à ceux qu’ils ont en charge. Que s’ils sont savants en quelque chose, nous les exemptons du moins de la peine de croire, les exhortons seulement à se donner du bon temps. »

Sous le titre d’Articles de foy des hermaphrodites, vient une profession de foi de la

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grossièreté la plus révoltante ; l’adultère, l’assassinat y sont encouragés :

« Quand bien mesme l’ennemy auroit été pris à son desavantage, ceulx qui ont tiré vengeance de quelque injure, tant petite qu’elle soit, et en quelque manière que ce soit, peuvent marcher la teste levée devant un chacun, avec la réputation d’un gataud et vaillant hermaphrodite.

« Pour la Justice, nous lui avons asté les balances et donné de bonnes mains. »

Les accaparements, les impôts, les exactions, la misère du peuple sont recommandés « comme un des enects auxquels so reconnaist le mieux aùthorité royale. >

Après avoir assisté au dîner et au coucher des seigneurs-dames, l’auteur, que l’on croit être Thomas Artus, sieur d’Embry, déclame, dans un véritable pathos, do longues tirades en faveur de la vertu, et termine par ées vers, relativement très-moraux : Faux amour, qui d’un dieu veux usurper la gloire. Je cherche un feu plus clair que ton fumeux tison : Pour jamais je te quitte, oasacin de raison, Scandale de nos sens, trouble de la mémoire.

Sous le règne de Henri IV, des courtisans, d’Epernon surtout, qui avaient été cruellement traités dans le pamphlet des hermaphrodites, cherchaient à exciter contre l’auteur la xolère du roi : « Ventre-saint-gris I leur répondit-il, je me ferois conscience de

. molester un homme d’esprit pour vous avoir dit vos vérités. >

L’assassinat de Henri III fait naître des pamphlets sanglants, particulièrement contre l’implacable duchesse de Montpensier, < monstre de luxure et de cruauté, qui se prostitua à un autre monstre, au prix du sang auguste dont elle était altérée. » Outre la Prose du clergé de Paris au duc de Mayenne (en latin), le pamphlet le plus licencieux, le plus violent, et, il faut en convenir, le plus horriblement beau, comme poésie, qu’aient inspiré l’assassinat de Henri III et les déportemonts de la duchesse de Montpensier, on peut citer, comme échantillon de 1 indignation des royalistes, la Lettre d’un gentilhomme français à dame Jacquette Clément, princesse boiteuse de la Ligue (1590), avec un Sonnet au duc des moynes (calembour sur le duc du Maine ou de Mayenne). C’est la duchesse do Montpensier que l’auteur flétrit du nom de son amant en l’appelant Jacquette Clément. Mais non content de lui avoir, dans ce libelle, prodigué toutes les injures qu’il a trouvées sous sa plume, il la menace encore d’une nouvelle vengeance : il aura recours au dessin, à la carieature, puisque la parole ne suffit point à soulager sa colère. « Un mien amy, dit-il, est après à faire un petit livret de méditations sur le mystère de la Sainte-Union de Jacques Clément avec vous, dame Jacquette, sa bonne partie, qui sera chose, à ce qu’il dit, fort rare à voir ; car les figures de l’Aré ■ fin n’y seront pour rien comptées, tant votre bel esprit est subtil en telles inventions... »

Les partisans enragés de la Ligue exaltaient, de leur côté, leur martyr, Jacques Clément. C’est à cette odieuse aberration dl’esprit que l’on doit des pamphlets tels que le Discours sur la mort de Henry de Vciltois « et comment opportunément ce pauvre religieux s’est employé à notre délivrance, no craignant de mourir pour mettre l’Église et le peuple en liberté. » Ce violent pamphlet se termine par le sixain ironique suivant sur la mort du roi :

Sixain de la mort inopinée de Henry de Vallois. L’an mil cinq cens quatre-vingt-neuf Fust mis a mort d’un couteau neuf, Henry de Valois, roy do France, Purun jacobin, qui, exprès, Fust à Saint-Cloud, pour de bien près Luy tirer ce coup dans la pance. Tellévie, telle (lu.

Aux- mêmes circonstances est dû le Discours véritable de l’estrange et subite mort de Henry de Valois, advenue par permission divine (Lyon, 15S9), et la Harangue prononcée par notre saint-père en plein consistoire et assemblée des cardinaux, le 11 de septembre 1589, contenant le jugement de Sa Sainteté louchant la mort de feu Henri de Valois et l’acte du frère Jacques Clément. ■ Un pamphlet vraiment français d’esprit et de cœur vient enfin reposer l’esprit de ces horribles libelles ; c’est un chef-d’œuvre de bon sens, c’est la Satire Ménippée.

La Satire Ménippée ne se borne pas seulement à donner à de hautes vérités l’attrait de la gaieté ; elle dévoile les intrigues des cardinaux, des princes, du roi d’Espagne, auxquels elle reproche leurs abominables débauches et leurs affreux incestes. On a dit de cette satire qu’elle fit plus de tort à la Ligue que toutes les victoires de Henri IV.

La Satire Ménippée, qui se compose surtout de harangues prononcées par les personnages marquants des deux partis, mérite une lecture attentive et non pus une simple analyse. Nous en détacherons seulement un petit chef-d’œuvre de malice gauloise, que l’on trouve d’ordinaire à la fin des éditions de la Satire ; c’est l’Ane ligueur ou Vers adressés à jl/lle ma commère sur le irespas de son asne, lequel on fist mourir en la fleur de son aagt, te mardy 23 d’aoust 1590. Pendant la terrible famine qui ravagea alors Paris, l’Ane, en bon ligueur qu’il était, se trouva